NFP, RN… Qui votera pour renverser le gouvernement Barnier ?
Le NFP envisage déjà de censurer le gouvernement Barnier et le RN attend de prendre une décision sans écarter l’option. Un vote commun des deux forces politiques contre l’exécutif n’est pas impossible.
L’avenir du gouvernement Barnier ne tient qu’à un fil. Faute de majorité à l’Assemblée nationale, l’exécutif se sait à la merci d’une motion de censure. Or, le Premier ministre espère pouvoir gouverner sans majorité claire dans l’hémicycle, comme Elisabeth Borne et Gabriel Attal avant lui. Car s’il n’a pas de majorité, aucun groupe d’opposition ne domine l’Assemblée nationale et le vote uni de deux groupes que tout oppose, le Nouveau Front populaire (NFP) et le Rassemblement national (RN), est nécessaire pour renverser le gouvernement de Michel Barnier.
Une motion de censure doit être adoptée par la majorité absolue des élus présents dans l’hémicycle au moment du vote pour aboutir, soit 289 voix si l’ensemble des 577 députés siègent le jour du scrutin. Le NFP compte 193 députés, tandis que le RN en compte 126. Aucune force ne peut donc espérer pousser seule le gouvernement vers la sortie, mais avec la réserve de voix de l’autre camp, le scénario devient possible. Reste à savoir si un tel rapprochement, même exceptionnel, aura lieu.
Michel Barnier et ses 39 ministres se préparent en tout cas à affronter une motion de censure, probablement la première d’une longue série. Le NFP a annoncé qu’il déposerait une motion de censure dès l’ouverture de la session ordinaire de l’Assemblée nationale, après le discours de politique générale du Premier ministre le 1er octobre. Loin d’être une surprise puisqu’il était promis contre tout gouvernement qui ne soit pas de gauche, le texte a peu de chances d’aboutir, car il est peu probable que le RN censure le gouvernement aussi rapidement. « Je sais très bien que Marine Le Pen a décidé de donner sa bénédiction au gouvernement Barnier » et donc que la motion de censure « est probablement vouée à l’échec » a reconnu le socialiste Olivier Faure sur France 2. France 222 septembre.
La censure du RN reste possible
La première motion de censure ne doit pas signer la fin du gouvernement Barnier. Un sursis accordé par le RN qui refuse de censurer l’exécutif avant d’avoir entendu sa politique. Le parti d’extrême droite n’exclut pas de renverser le gouvernement ultérieurement s’il ne le satisfait pas. Sachant que la gauche est déterminée à censurer l’exécutif et que le gouvernement manque de soutiens, le RN aime jouer le rôle d’arbitre et profite de la situation pour se faire entendre à Matignon. « Nous jugerons sur les preuves. (…) C’est nous qui déciderons si ce gouvernement a un avenir ou non » a déclaré le député RN Jean-Philippe Tanguy sur le site de l’AFP. France Inter 23 septembre.
Marine Le Pen, la cheffe du parti, a même posé les conditions de sa non-participation à une censure : une position ferme sur l’immigration et la sécurité et pas d’augmentation d’impôts pour les classes populaires, l’instauration de la proportionnelle aux législatives et enfin le respect des élus RN et de leurs électeurs. Michel Barnier a promis sur ce dernier point de traiter les députés d’extrême droite comme les autres. Mais le mot ne semble pas avoir été entendu par tous les ministres : Antoine Armand, le ministre de l’Economie, a considéré le RN comme étant en dehors de « l’arc républicain » le 11 septembre. France Inter 24 septembre. Si le locataire de Bercy a été remis à sa place par le Premier ministre, cette sortie ne devrait pas être du goût du RN et pourrait le pousser à censurer le gouvernement plus tôt que prévu… D’autant que la composition de l’exécutif ne plaît pas à Jordan Bardella qui y voit « un gouvernement qui n’a pas d’avenir ». Craignant un retour de bâton, le Premier ministre aurait appelé Marine Le Pen selon le quotidien Figaro pour répondre au nom de son ministre.
A droite, Eric Ciotti, qui a annoncé qu’il quittait le parti Républicain, l’a fait savoir sur RTL qu’il « votera une motion de censure s’il y a des impôts qui frappent à la fois les Français et les entreprises ». Le Premier ministre a pourtant ouvert à plusieurs reprises la voie à une hausse des impôts pour certaines catégories de personnes et d’entreprises, notamment les plus aisées, avant le vote du budget 2025.
Un vote conjoint de la gauche et de l’extrême droite contre le gouvernement
Le gouvernement Barnier s’accroche au scénario le plus optimiste pour lui : l’échec d’une censure provoquée par le refus mutuel du NFP et du RN de voter un texte émanant de l’autre camp. Mais une motion de censure est moins une alliance de deux camps que l’opposition de plusieurs forces au gouvernement. Un vote commun est donc envisageable, mais il doit pouvoir être justifié auprès des électeurs des camps respectifs. Or le RN, qui voit des profils très à droite accéder à des postes clés comme le ministère de l’Intérieur, n’a encore que peu d’arguments autres que la présence, trop nombreuse selon lui, de macronistes au gouvernement.
Il faudrait donc attendre l’examen d’un texte ou d’un projet de loi pour observer l’opposition du RN au gouvernement, et éventuellement le soutien à une censure. Sur un texte qui opposerait à la fois l’extrême droite et la gauche au gouvernement, comme l’abrogation de la réforme des retraites défendue par les deux camps, une motion de censure pourrait l’emporter. Dans ce cas, le non-soutien à une censure en raison d’un refus de vote comme la gauche ou l’extrême droite pourrait être difficile à justifier auprès des électeurs.
La menace de censure peut venir de l’intérieur
Plus inattendu, le soutien à une motion de censure pourrait venir des rangs du parti de Macron. Le parti présidentiel et les partis politiques alliés (MoDem, Horizons, UDI) soutiennent le gouvernement puisqu’ils y participent, mais l’aile gauche de la coalition pourrait se désolidariser et s’opposer à l’exécutif. Certains élus comme Sacha Houlié ont quitté le groupe de députés Ensemble pour la République (EPR) pour siéger en tant que non-inscrits et ne pas être tenus d’apporter un soutien forcé. D’autres comme Stella Dupont n’excluent pas une potentielle censure : « C’est possible, même si ce n’est pas du tout ce que je souhaite. Il faut de la stabilité, du travail, du compromis. Mais il faut des gens ouverts, pragmatiques. La ligne extrêmement dure de nombreux ministres m’inquiète », a-t-elle déclaré sur Twitter. RMCSelon elle, le « gouvernement est trop à droite et ne reflète pas les aspirations des Français ».
GrP1