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Mise au point – Editorial de Laurent Mouloud – 13 septembre 2024

La convocation de nouvelles élections législatives devait, selon Emmanuel Macron, permettre une « clarification » démocratique. Hélas, après deux mois d’atermoiements et de basses manœuvres, la nomination de Michel Barnier à Matignon, contraire au choix des Français, n’est rien d’autre qu’une funeste trahison. Un doigt d’honneur au vote exprimé dans les urnes. Et la confirmation que ce président jupitérien, plein de mépris et de certitudes, n’a jamais eu l’intention d’ouvrir la voie à d’autres options politiques que la sienne. Pour le chef de l’État, la démocratie ne vaut que si elle va dans le sens de ses intérêts, ceux du capital et des puissants qui le dirigent. Et, pour ce faire, il est prêt à toutes les duplicités et compromissions.

Le choix de Michel Barnier, avec l’assentiment circonstancié de l’extrême droite, restera une tache indélébile dans l’histoire politique de notre pays. Il faut mesurer l’ampleur du déni démocratique. Pour la première fois sous le Vet République, représentant d’une force politique – la droite républicaine – arrivée en 5et Le Parlement, avec seulement une quarantaine d’élus à l’Assemblée nationale, constitue l’exécutif de notre pays et pilotera – peut-être – le budget de la nation. Le tout sous la tutelle du RN, érigé en faiseur de rois ou en coupe-têtes par un Emmanuel Macron qui se flattait autrefois d’être le meilleur rempart contre Marine Le Pen… On pourrait en rire, si ce n’était pas si grave.

Cet épilogue estival permet plusieurs « clarifications ». Non pas démocratiques, mais politiques. D’ores et déjà, l’écran de fumée du « En même temps » – pour ceux qui y croyaient encore – s’est totalement dissipé. En donnant les clés du pouvoir au libéral Barnier, Emmanuel Macron achève le virage à droite de son parti entamé depuis des années. L’argument marketing d’un équilibre entre gauche et droite, servi depuis 2017, est définitivement enterré. Et les pontes de LR (Copé, Sarkozy, etc.), partisans d’une alliance avec les macronistes – et qui n’en attendaient pas tant – peuvent se frotter les mains. Leurs visées d’austérité et néolibérales pourront être relayées au plus haut niveau de l’État dès le prochain budget.

L’autre enseignement, c’est l’imposture XXL du RN. Le parti « antisystème », qui adore se déguiser en défenseur des milieux populaires, a fait tomber son masque. En sacrant l’ancien commissaire européen, Marine Le Pen tente d’accentuer son rapprochement avec les milieux bourgeois et les élites économiques, et d’apparaître comme une force gouvernementale potentielle et respectable. Une stratégie d’autant plus facile qu’elle partage l’essentiel avec l’animateur de Matignon. Le futur budget d’austérité ne va pas lui déplaire. Tout comme les positions anti-immigrés qu’a pu avoir Michel Barnier ces dernières années. Plutôt que de combattre un camp présidentiel qui s’éloigne, le RN espère donc l’attirer vers lui avec la pression de ses 143 députés. Et tirer dans le dos de ses électeurs qui l’imaginent en défenseur de la justice sociale.

Face à une équipe aussi bancale, la gauche, flouée par le vol démocratique d’Emmanuel Macron, ne doit pas se désunir. La Fête de l’Humanité, ce week-end prochain, sera un rendez-vous incontournable pour renforcer les forces de progrès. Comme le rappelle Sophie Binet dans nos colonnes, la faiblesse du gouvernement Barnier, tributaire des négociations parlementaires, peut permettre d’obtenir des avancées sociales. La journée de mobilisation du 1euh Octobre initié par la CGT surviendra – par un heureux hasard – le même jour que l’arrivée du budget 2025 devant les députés. L’occasion de continuer à nourrir la demande sociale. Et de faire entendre dans la rue la majorité qui s’est exprimée dans les urnes.

New Grb1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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