lors de leur procès, les accusés marmonnent et « ne savent plus » – Libération
« Pour quoi ? » La question est répétée à satiété par le président du tribunal, les avocats des parties civiles et l’avocat général. Malheureusement, ce point d’interrogation doit encore traverser l’esprit des jurés et des victimes, après l’audience de ce vendredi 31 mai dans la grande salle Voltaire de la cour d’assises de Paris.
« Pour quoi » ces deux jeunes hommes, Guillaume N. et Karim B. – 18 et 19 ans à l’époque – qui disent ne rien connaître aux sites de rencontres, qui reconnaissent tous les faits et qui affirment n’avoir cherché que de l’argent, ont-ils spécifiquement ciblé les homosexuels pour commettre deux ultra-violents en région parisienne en janvier 2022 ? Eux-mêmes n’apportent que des demi-réponses, on ne peut plus vagues. Ils sont jugés pour enlèvement, extorsion et vol à main armée en bande organisée.
Maîtrise des codes et du charabia
Au lendemain de l’audience consacrée aux témoignages des victimes, ce vendredi a été consacré à l’écoute des accusés qui tentent d’expliquer leur acte. Grâce au site de rencontres lespompomeurs.com, qui se décrit comme spécialisé dans le « sexe entre mecs », les deux amis créent un faux compte pour attirer les hommes en quête d’une aventure d’un soir. Ils utilisent « les codes précis » sites de rencontres rapides entre homosexuels, particulièrement axés sur les fantasmes « de domination », constate Me Jean-Baptiste Boué-Diacquenod, avocat de l’association Stop Homophobie, qui s’est constituée partie civile. Elles affirment avoir été formées à cette procédure par une amie travailleuse du sexe.
C’est alors une institutrice de maternelle de 40 ans qui les a contactés. Il accepte le scénario proposé par celui qu’il croit être son futur amant : l’attendre nu chez lui dans le noir, porte ouverte. Il sera menacé avec une arme à feu, frappé à la tête avec la crosse et attaché avec du ruban adhésif. Karim B. prendra une photo où les deux garçons posent fièrement à côté de leur victime ensanglantée.
Face à la diffusion de cette image à l’audience, Guillaume N. plaide le sentiment de détresse au moment des faits. « Entre cette photo et le désarroi que vous nous décrivez, il y a un delta », souligne le président. L’argumentation de l’accusé s’effondre. Tout comme la cohérence du reste de ses propos, baratinés sans grande conviction. Concernant les autres accusés, le président finira par s’agacer de son « marmonnements » indicible. Les deux jeunes hommes « je ne sais pas », « plus », ne comprennent pas, se répètent et se contredisent, parfois d’une phrase à l’autre.
Traumatisme et circonstances aggravantes
Car, deux jours après une première attaque qui ne leur avait pas rapporté le butin espéré, les deux jeunes hommes avaient récidivé. Même site, mais le mode opératoire varie, avec un couteau de dix centimètres et des menottes car la première victime s’était libérée de la cassette. Le second, un professeur de français de 43 ans, sera séquestré chez lui pendant 60 heures. Ses agresseurs vont tenter de prendre ses 20 000 euros d’épargne sur son compte épargne, en se faisant aider d’un troisième homme qui leur aurait envoyé un RIB. Le transfert sera finalement refusé. Leur prisonnier parviendra à envoyer un mail SOS à un ami, et ses geôliers seront arrêtés sur le fait.
Pour ces faits, Guillaume N. et Karim B. devraient retourner en prison, où ils sont incarcérés depuis deux ans. Mais plane au-dessus des accusés le risque de voir leur peine s’alourdir sous l’effet de la circonstance aggravante. Le fait de ne cibler que les homosexuels est-il lié à une croyance homophobe selon laquelle leurs victimes auraient été plus faciles à immobiliser ? Au cours de l’enquête et lors de l’audience, ils ont nié toute haine dans leur acte, affirmant avoir été motivé uniquement par l’attrait de l’argent. « Ce n’est pas parce qu’ils sont plus fragiles, mais parce que oui, nous avons procédé d’une manière plus simple avec ces gens-là », répond Guillaume N. au procureur général. Lors de l’audience, la deuxième victime a indiqué qu’elle pensait que ses agresseurs n’étaient pas « Je ne suis pas venu ici pour casser la police ».