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L’Iran et le Hezbollah ont un sérieux problème

« Téhéran, nous avons un problème ! » L’été a été particulièrement compliqué pour l’autoproclamé « axe de résistance ». Sa capacité de dissuasion s’est fortement érodée. Les coups tactiques que lui inflige Israël deviennent de plus en plus difficiles à encaisser. Et les perspectives stratégiques commencent à s’assombrir.

Bien sûr, tout est ici affaire de perception. La guerre de Gaza dure depuis près de onze mois et la dynamique a changé, voire s’est parfois inversée, à plusieurs reprises. Le conflit est loin d’être terminé et personne ne peut dire aujourd’hui à quoi ressemblera le Moyen-Orient une fois ce cycle de violence terminé. Les Iraniens sont les champions du monde de la « patience stratégique » et peuvent considérer qu’aucun des revers subis n’est décisif tant qu’ils ne remettent pas en cause les deux piliers de leur politique étrangère, le réseau de milices et le programme nucléaire.

Même les plus fervents partisans de l’axe auront du mal à ne pas reconnaître que la situation s’est rapidement dégradée. Le double assassinat de Fouad Chokor et d’Ismaïl Haniyeh, à Beyrouth et à Téhéran, a redonné l’avantage à Israël. Non seulement il peut éliminer les cadres de la « résistance » où et quand il le souhaite, mais il peut le faire sans avoir à en payer le prix.

Les Iraniens ont différé, voire renoncé, à leur riposte. Et l’opération menée par le Hezbollah dans la nuit de samedi à dimanche ne semble pas de nature à restaurer la capacité de dissuasion du parti. Hassan Nasrallah a beau prétendre que l’attaque a été un succès, qu’elle a causé des dégâts, notamment dans la base de Glilot, et que les frappes israéliennes qui l’ont précédée n’ont eu aucun impact, on a du mal à le croire. Le chef du Hezbollah lui-même admet qu’il doit désormais « attendre de voir si les résultats sont satisfaisants ». Traduction : si cela suffit à dissuader Israël de considérer le Liban, y compris sa banlieue sud, comme une nouvelle Syrie, un terrain où il peut agir à sa guise et quand il le souhaite.

L’axe est coincé. Pris dans son propre piège. Il est incapable de restaurer sa capacité de dissuasion sans risquer une confrontation directe, qu’il veut absolument éviter, avec Israël et les Etats-Unis. L’attaque menée par la République islamique contre l’Etat hébreu le 13 avril n’a pas eu les effets escomptés. Et celle du Hezbollah a de bonnes chances de suivre la même trajectoire. Si l’on en croit la version israélienne, qui peut bien sûr être exagérée, elle ressemble même à un échec cuisant. Tel-Aviv était au courant du timing et des détails de son exécution et ses frappes préventives en ont largement limité la portée.

Le Hezbollah peut arguer qu’il n’a pas utilisé ses missiles à longue portée et que l’opération visait surtout à prouver qu’il est capable de viser une cible proche de Tel-Aviv. Mais elle met aussi en évidence les limites de l’axe. L’Iran n’est pas à l’aise dans une confrontation directe avec Israël, où son arsenal est assez limité. Le Hezbollah a plus de possibilités, mais il est aussi plus exposé. Sa réponse, même si elle semble réduite, démontre qu’il n’est pas prêt à risquer une nouvelle guerre ouverte et totale avec Israël, contrairement à ce qu’il a affirmé ces dernières semaines.

Benjamin Netanyahou pourrait être tenté d’en profiter. De pousser son avantage en frappant le plus de cibles possibles, humaines ou matérielles, dans le Sud, dans la Bekaa et peut-être même, plus exceptionnellement, dans la banlieue sud. Plus cette guerre durera, plus le pouvoir israélien se permettra de franchir des lignes rouges. Et plus il le fera, plus il sera difficile pour l’axe, au premier rang duquel se trouve le Hezbollah, de rétablir les règles d’engagement.

Cette impasse est aggravée par le fait que les perspectives de sortie de crise s’amenuisent pour l’Iran et ses alliés. Ils ne peuvent accepter un cessez-le-feu à Gaza qui permettrait aux Israéliens de reprendre ultérieurement leur offensive sur l’enclave. Mais quelle est leur alternative ? Le temps joue à nouveau en faveur de Benjamin Netanyahou. Le Likoud est en tête dans les sondages. La pression internationale n’a eu que très peu d’effet. L’éventualité d’une victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine le renforcerait. Et il peut espérer enregistrer de nouveaux succès militaires à Gaza comme au Sud-Liban. Seule une énorme pression américaine, qui se fait encore attendre, pourrait renverser la situation. Benjamin Netanyahou a compris que l’axe fera tout pour éviter la guerre totale, ce qui le laisse libre de mener autant de guerres d’usure qu’il le souhaite.

Les revers de l’axe iranien ne sont pas forcément synonymes de victoire pour Israël. Sa supériorité militaire ne suffit pas à lui offrir une véritable porte de sortie. Sur le plan stratégique, il n’a pas de solution crédible à long terme pour Gaza, pour le Sud-Liban, pour la Cisjordanie et pour le dossier nucléaire iranien. Lui aussi est coincé et pris à son propre piège. C’est pourquoi, quelle que soit l’issue des négociations en cours au Caire, qui pourraient au mieux aboutir à une forme de trêve à moyen terme, cette guerre est encore loin d’être terminée. Et si l’escalade régionale a heureusement été évitée cette fois, il est très probable que cette guerre ne prenne fin qu’en cas de rupture stratégique majeure à l’échelle du Moyen-Orient.

« Téhéran, nous avons un problème ! » L’été a été particulièrement compliqué pour l’autoproclamé « axe de résistance ». Sa capacité de dissuasion a été sévèrement érodée. Les coups tactiques que lui inflige Israël sont de plus en plus difficiles à encaisser. Et les perspectives stratégiques commencent à s’assombrir. Bien entendu, il s’agit ici en grande partie d’une question de perception.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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