L’hydrolienne D 10 de Sabella a été soignée, les ingénieurs et techniciens de l’entreprise de Quimper en ont pris grand soin depuis des années. Mais maintenant que Sabella a été liquidée, personne ne s’occupe de cette machine qui continue de tourner au fond de l’eau, tel un poulet sans tête, à une quarantaine de mètres de profondeur, au milieu du puissant courant qui sépare Ouessant de Molène. . Reconnecté depuis un an et demi, le démonstrateur continue d’approvisionner l’île, encore trop dépendante du diesel pour faire fonctionner sa centrale électrique. C’est loin d’être le seul paradoxe de l’histoire.
La société Entech a repris 19 salariés de Sabella, dont 17 ingénieurs, la propriété intellectuelle constituée de 81 brevets et de certains actifs assurant le maintien du savoir-faire. Mais pas la machine. Trop risqué et pas dans son domaine d’expertise immédiat. L’État et la Région se sont donc mis en quête d’un repreneur même si, pour l’instant, personne n’assure le suivi et la maintenance du système informatique. Situation sans précédent à la pointe de l’Europe et dans le monde des énergies renouvelables. Même s’il existe un précédent malheureux avec l’abandon du projet d’hydrolienne DCNS, resté au fond de la baie de Fundy au Canada.
Trouvez un acheteur le plus rapidement possible
Qui récupérera l’exploitation de ce prototype qui porte enfin ses fruits après des années de développement ? Sur l’île, l’équipe système énergétique d’EDF-île n’a pas les compétences pour le gérer et le redémarrer. Alors on croise les doigts pour qu’il n’arrête pas de tourner. « Cela fonctionne toujours et nous en sommes ravis », confirme le maire d’Ouessant, Denis Palluel.
En l’absence d’entretien minimum, le D10 connaîtra un jour ou l’autre un problème technique. « Il va falloir réaliser des plongées de vérification et le remonter pour l’entretenir ou le réparer », résume Herveline Gaborieau, directrice de France Énergies Marines, la structure de Plouzané qui a largement soutenu le lancement du projet.
Les candidats à sa reprise ne se bousculent pas au portillon. Un consortium s’est néanmoins positionné depuis environ six mois. Des négociations sont ouvertes, dans le but de récupérer le site expérimental, ses autorisations d’exploitation et son câble de connexion qui permet de tester sans délai de nouvelles machines, autres que le D10. La valorisation de la D10 n’est sans doute pas l’objectif premier de ce groupe spécialisé dans l’énergie marémotrice. Le site, aux innombrables autorisations, a bien plus de valeur qu’une machine dont les brevets et le savoir-faire ont été récupérés par une autre entreprise…
Assuré uniquement pour le démontage
Le levage de la machine pour réparation ou entretien resterait à la charge de l’acheteur, puisque la provision d’assurance de 500 000 € déposée par Sabella au cours de son activité ne sera effective qu’en cas de démontage définitif de la machine.
Quant à la Région Bretagne, représentée par le vice-président Daniel Cueff, membre du parti Bretagne Ecologie, on se garde bien de commenter les difficiles négociations engagées avec le repreneur potentiel. Plusieurs options sont sur la table, jusqu’au démontage pur et simple de la machine afin de libérer l’espace de travail, en déclenchant une couverture d’assurance.