Nouvelles locales

les patrons ont-ils raison de prendre position ?

► « Prendre parti n’ajoute rien à la réflexion »

Pierre Guillet, Président d’Entrepreneurs et Leaders Chrétiens (EDC)

« Mes employés ne se soucient pas de savoir pour qui je vote, mais cela ne veut pas dire que nous ne parlons pas de questions politiques. Le matin, au café, on aborde beaucoup de sujets de fond. Je n’ai aucune crainte quant à ce que les salariés pensent de moi dans mon entreprise : j’agis comme un livre ouvert, mes engagements sont publics. Mais voter, c’est autre chose : il faut passer par l’isoloir. Ce n’est pas pour rien que la Constitution précise que le vote est « secret ».

Je reçois beaucoup de courriers et d’appels me demandant de prendre position avant ces élections législatives. Pourtant, je refuse de m’engager dans notre mouvement, qui est apolitique. Il est également très présomptueux de penser que nous serons entendus et suivis lorsque nous donnons des consignes de vote. C’est loin d’être le cas, même pour un footballeur comme Kylian Mbappé, qui a beau être un « influenceur », il n’a pas vraiment de perspicacité sur tous les sujets.

C’est très bien pour les chefs d’entreprise de s’impliquer dans la politique. Laissez les chrétiens s’impliquer également dans la politique. Mais chacun le fait en fonction de ses compétences, et je ne pense pas devoir juger les positions de chacun. Le rôle des entrepreneurs et dirigeants chrétiens est donc de faire la lumière sur nos sujets, l’économie et le monde des affaires. Mais dire qu’un programme est meilleur qu’un autre, qu’il faut voter pour un candidat plutôt qu’un autre, ce serait un raccourci facile qui n’ajouterait rien à la réflexion des gens.

En tant que chef d’entreprise, j’ai bien sûr des convictions personnelles. Cependant, je ne pense pas que ce soit ma vocation, en tant que président d’un mouvement, de prendre position. Cela ne ferait que faire du bruit alors que ce dont nous avons avant tout besoin, c’est de substance. C’est pourquoi je me limite à donner des pistes de réflexion, notamment sur ce qui me semble absent de la campagne, alors que les programmes sont trop souvent une accumulation de points très courts et qu’il y a un déficit de culture économique dans la société.

Par exemple, sur la subsidiarité, un sujet qui nous tient particulièrement à cœur à EDC. La semaine dernière, lors de l’audition des différents candidats devant les organisations patronales, j’ai interrogé le Nouveau Front Populaire à ce sujet. Boris Vallaud m’a répondu sur le dialogue social. Bien sûr, cela ne s’oppose pas, mais ce n’est pas la même chose, et j’aurais aimé approfondir cela avec lui sur ce point.

Nous, les entreprises, sommes dans le monde réel et c’est pour cela que je défends la subsidiarité. Vouloir dire qu’il n’y a qu’une seule façon de faire les choses toujours et partout est une très mauvaise méthode. C’est le contraire que nous devons faire : les entreprises ont besoin d’agilité.

Quoi qu’il arrive, nous devrons composer avec le gouvernement qui sortira des urnes. Ou peut-être pas de gouvernement du tout. Malgré cela, les chefs d’entreprise devront continuer à travailler, à payer leurs salaires, à œuvrer pour le bien commun. »

► « Notre devoir et notre responsabilité sont d’éclairer le débat »

Michel Piconprésident de l’Union des Entreprises Locales (U2P)

« Je suis président de l’Union des Entreprises Locales, une organisation professionnelle qui représente 3,7 millions de petites entreprises de l’artisanat, du commerce de proximité et des professions libérales. Nous ne sommes pas un acteur politique, nous respectons le choix de nos membres et nous n’avons aucune instruction de vote à donner.

Nous sommes néanmoins des observateurs soucieux de défendre les intérêts matériels et moraux des petites entreprises. Notre objectif est de donner des avis économiques et leurs implications sociales car ils sont intrinsèquement liés, mais nous nous arrêtons là. Notre devoir, notre responsabilité, est d’éclairer le débat, en tenant compte des compétences de l’U2P en matière d’économie, de social, de fiscalité, etc.

Quand on parle d’immigration, notre rôle est de dire que l’immigration zéro proposée par le Rassemblement national est une folie économique pour nos petites entreprises. S’il est mis en œuvre, des milliers d’entreprises se retrouveront sur le terrain, qui devront fermer parce qu’elles n’auront pas les collaborateurs et la main d’œuvre étrangère dont elles ont besoin pour fonctionner.

Quand le Nouveau Front Populaire propose d’augmenter le salaire minimum de 14%, notre rôle est de rappeler que le chiffre d’affaires des petites entreprises est en baisse, que leurs marges se réduisent en raison de la hausse des prix des matières premières. … Ils sont incapables d’augmenter leurs salaires dans des proportions aussi importantes, d’autant plus que de nombreux secteurs les ont déjà augmentés, comme l’hôtellerie et la restauration. Pourquoi promettre une mesure dont on sait qu’elle détruira des emplois ?

Face à des dépenses non financées, notre rôle est de rappeler que nous avons 3 000 milliards de dettes et que l’aggravation du déficit public a des conséquences. Par exemple, si les jeunes couples ne peuvent plus emprunter pour acheter un appartement parce que les taux d’emprunt sont devenus trop élevés compte tenu du déficit, plus aucun logement ne sera construit et les entreprises de construction connaîtront davantage de difficultés.

J’entends le vote ému, je le comprends, mais je dis : faites attention à ne pas tout casser, car vos entreprises sont en jeu ; attention à ne pas privilégier l’émotion que provoque une situation de désordre sur des mesures économiques qui détruiraient le pays. Il faut maintenir sa capacité à se développer, la capacité des entreprises à créer des emplois.

Chaque citoyen doit faire un choix, et ce choix doit être éclairé. Je n’ai aucun jugement à porter là-dessus. Le rôle de l’U2P est de décrypter. Chacun de nos adhérents, artisans, commerçants ou professions libérales, aura son mot à dire.

Notre organisation respecte les lois de notre République : après ce travail pédagogique, l’U2P travaillera avec la majorité qui sortira des urnes, quelle qu’elle soit, afin de défendre les intérêts moraux et matériels des petites entreprises. »

Retrouvez, dès leur publication officielle, les résultats du 1er tour des élections législatives 2024, commune par commune

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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