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les Français sous le choc

Alors que les débats sur le budget, suspendus, doivent reprendre le 5 novembre à l’Assemblée nationale, les enquêtes d’opinion montrent des Français désorientés et inquiets face à une crise budgétaire sans précédent.


A la veille des élections législatives de juin 2024, l’enquête Ipsos pour Le Monde, la Fondation Jean-Jaurès, le CEVIPOF et l’Institut Montaigne a demandé à un large échantillon de la population électorale quels étaient les trois sujets qui avaient compté lors des élections européennes et qui venait d’avoir lieu. Le pouvoir d’achat, l’immigration et la sécurité des biens et des personnes arrivent en première position, tandis que le montant des déficits publics n’arrive qu’en neuvième position. Ce classement reflète la stabilité des préoccupations ces dernières années.

Deux mois plus tard, Bruno Le Maire, alors ministre de l’Économie démissionnaire, catapultait dans l’espace public une annonce aux effets comparables à ceux d’une bombe à fragmentation : « l’augmentation extrêmement rapide des dépenses des collectivités territoriales pourrait à elle seule dégrader les comptes 2024 ». de 16 milliards d’euros. Depuis la nomination de Michel Barnier, les déficits publics et l’urgence budgétaire ont eu un puissant effet d’encadrement sur la communication et l’action du gouvernement (avec un plan de réduction des dépenses de 60 milliards d’euros).

Une préoccupation croissante

Ces dernières semaines, plusieurs enquêtes d’opinion attestent d’une forte hausse des inquiétudes sur l’endettement et les déficits publics : le Baromètre politique dominical Ipsos-La Tribune de septembre et octobre 2024 montre que si l’achat de pouvoir reste la première préoccupation des Français (50%), viennent ensuite l’avenir du système social (44%), le niveau de délinquance (32%) et l’immigration (31%), la principale préoccupation Le niveau d’endettement et de déficits est en nette progression (29%, + 4 points par rapport à septembre ), désormais devant la protection de l’environnement (27%).

La récente enquête réalisée par Elabe par l’Institut Montaigne et Les échos montre qu’une grande majorité des personnes interrogées jugent urgent de réduire la dette publique (82%) et 41% déclarent que c’est « très urgent ». De même, 74% des personnes interrogées pensent « qu’en utilisant différemment l’argent public, on peut maintenir, voire améliorer la qualité des services publics tout en réduisant les dépenses ». Les pistes de réduction de la dette qui sont principalement mises en avant par les enquêtes d’opinion portent sur la réduction des aides aux entreprises et la réduction de certaines dépenses sociales (famille et chômage).

L’effet de surprise-explosion produit par la révélation de la situation budgétaire du pays prolonge donc ses effets depuis des semaines. Plusieurs signaux témoignent d’une opinion désorientée, dans le doute et l’inquiétude : la cote de popularité de Michel Barnier est assez moyenne avec une tendance à la baisse ; si le Premier ministre avait une quelconque crédibilité dans l’opinion publique au lendemain de sa nomination, celle-ci a clairement décliné. Dès le départ, les Français étaient assez dubitatifs sur sa capacité à apporter des réponses pour améliorer leur quotidien et même à agir efficacement pour redresser les comptes publics.

Quant au chef de l’Etat, tous les signaux sont passés au rouge : popularité faible, voire très faible, retour à ses plus bas niveaux de soutien lors de la crise des « gilets jaunes » et nette érosion du soutien à son action dans le socle de son 2022. électorat. Ajoutons que, pour près d’un Français sur deux, la situation économique en France est « extrêmement grave » et fait craindre le scénario d’une faillite de l’État.

Pas de « clarification » mais confusion et anxiété

Loin de la « clarification » souhaitée par Emmanuel Macron lorsqu’il a annoncé la dissolution, c’est donc la confusion, l’anxiété et le pessimisme qui ressortent renforcés de cette séquence. Les annonces du gouvernement et les débats parlementaires sur le budget n’ont rien aidé. La valse des annonces, les chiffres de déficits astronomiques, les disputes sur les chiffres créent une situation profondément anxiogène pour les acteurs économiques et pour les ménages. Les quasi-dégradations de la France par les agences de notation complètent un sentiment diffus de perte de pouvoir, de perte de souveraineté et de perte de contrôle. Le président de la Cour des comptes a lui-même parlé de déficits « incontrôlables ».

Pour qui suit l’actualité, il est devenu quasiment impossible de s’orienter dans le dédale des débats parlementaires et des chiffres incommensurables : on ne sait plus qui rejette quoi, qui soutient qui, quel est le calendrier de ces débats, qui est majoritaire, dont C’est la faute. Rarement, et peut-être jamais dans l’histoire parlementaire du Ve République, un tel chaos a assombri l’horizon politique. Pris dans un épais brouillard, les Français s’interrogent. Comment en sommes-nous arrivés là ? Est-ce vraiment sérieux ? Avons-nous caché la vérité par omission ou pire ? Faut-il épargner pour couvrir ses impôts futurs ?

Le plus inquiétant est le pouvoir négatif de toutes ces questions restées sans réponse dans un pays marqué par une profonde méfiance politique et un pessimisme social affirmé : dans le Baromètre de Confiance Politique du Cevipof de février, on constatait un état d’esprit des Français profondément marqué par le pessimisme et le pessimisme. des sentiments négatifs, à des niveaux parmi les plus élevés de la série de cette enquête depuis 2009. Si d’autres démocraties européennes (Allemagne, Italie et Pologne) connaissent également une crise de confiance politique, c’est en France qu’elle s’exprime le plus fortement.

Autant de signaux qui indiquent la complexité de la situation française aujourd’hui et l’équilibre très fragile sur lequel repose l’exécutif. Comme dans un jeu de dominos, tout s’emboîte : une telle réduction des dépenses, une telle fiscalité, soulève de nombreuses questions : est-ce vraiment « juste », « équitable », « égalitaire » ? Cela doit-il s’accompagner d’une réflexion sur les salaires, les conditions de travail et de vie, la fiscalité ? Encore une série de questions complexes que les politiciens sont très gênés de rencontrer lorsqu’ils cherchent à réduire les dépenses et à augmenter les impôts.

En listant des annonces qui ciblent tantôt les fonctionnaires, tantôt les « riches », tantôt les allocataires de la sécurité sociale, en faisant prendre aux acteurs économiques et aux ménages l’ascenseur fiscal émotionnel (j’augmente, j’augmente pas, je monte et je baisse), la situation actuelle ne favorise pas la réflexion et l’analyse. Pour reprendre les termes de Daniel Kahneman, l’avalanche d’annonces dans un temps court mobilise sans doute plus notre « système 1 » (intuitif, rapide mais qui s’appuie sur les émotions) que notre « système 2 » (qui demande du temps, requiert de la concentration et un esprit d’analyse). ).

Quel est le projet de société ?

La qualité d’un véritable débat démocratique sur nos choix publics et budgétaires s’en trouve affectée, même si ce débat est plus que jamais nécessaire. Les Français sont donc déchirés par des injonctions et des affirmations contradictoires fondées sur des chiffres sur lesquels personne ne s’accorde.

La seule voie raisonnable serait qu’un projet de société s’affirme à travers des choix budgétaires, donnant du sens pour sortir de la situation anxiogène que vivent les citoyens depuis des mois. Mais l’affirmation d’un choix public dominant doit normalement s’exprimer par le biais d’élections ou d’autres formes de consultation populaire. On revient alors à la seule question fondamentale : quel est le mandat populaire sur lequel reposent les choix publics ?

Le cœur du problème est peut-être notre déficit démocratique, sans pour autant nier tout court la réalité de nos déficits.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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