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Les experts doutaient que les Français acceptent de payer pour des produits écologiquement durables. Et s’ils avaient tort ?

Les agriculteurs bio préparent des cartons de produits bio avant que les clients viennent les chercher à Tarbes.

Les agriculteurs bio préparent des cartons de produits bio avant que les clients viennent les chercher à Tarbes.Les experts doutaient que les Français acceptent de payer pour des produits écologiquement durables.  Et s’ils avaient tort ?

©RÉMY GABALDA / AFP

Vert Atlantique

Atlantico : Quel bilan faites-vous aujourd’hui de la tendance de consommation de produits durables en France ? Selon vous, quels sont les principaux facteurs qui influencent cette tendance ?

Alexandre Baumann : La notion de produits durables est complexe : de nombreux produits prétendent être « durables » ou « écologiques » sous différents arguments, dans différents contextes et en répondant à différents besoins.

Par exemple, le produits agricoles biologiques construiront leur argumentaire autour du dénigrement du conventionnel, qui serait « empoisonné » (le terme a déjà été utilisé) et « empoisonnerait ». En pratique, son bénéfice sanitaire n’est pas démontré et l’impact environnemental est même souvent considéré comme négatif, la réduction des rendements impliquant l’utilisation de surfaces plus importantes. Dans le même esprit, les consommateurs sont prêts à payer un peu plus pour électricité « verte »(= le fournisseur achète l’équivalent en électricité certifiée produite avec des énergies renouvelables), qui, en France, n’a rien d’écologique puisque l’électricité « normale » est déjà quasiment décarbonée. Cette consommation est simplement le résultat d’un discours antinucléaire qui a créé un besoin artificiel. L’argument écologique basé sur la peur est également utilisé dans le secteur cosmétique.

Concernant les produits agricoles biologiques, la tendance, après avoir été fortement à la hausse, est stagnant, voire en déclin :

https://www.agencebio.org/vos-outil/les-chiffres-cles/observatoire-de-la-consommation-bio/

Si l’on regarde l’évolution des volumes de recherche sur Google Trend, les « cosmétiques bio » semblent être en déclin, mais il s’agit d’un indicateur très approximatif, qui peut en réalité refléter la vitesse de croissance. (les utilisateurs conquis ne saisiront plus cette requête, mais directement le produit ou le site qu’ils recherchent) plus que le volume des ventes. Selon Cosmébio, label de cosmétiques, le chiffre d’affaires de la cosmétique bio était de 572 millions d’euros sur un total de 9,1 milliards d’euros du secteur en 2022 et se situe en augmenter (+4%).

Sur d’autres marchés, comme Voiture électrique ou la mobilité légère, il n’y a tout simplement pas de marketing de peur et l’accent est vraiment mis sur l’utilité pratique de la chose. Le vélo électrique présente beaucoup d’avantages pratiques concrets par rapport à la voiture (et inversement bien sûr, tout varie selon le contexte). Pareil, à ma connaissance, pour les matériaux de construction.

Pour ces marchés, la désinformation pseudo-écologique est généralement un frein : on est d’autant moins motivés à faire un effort « pour la planète » qu’on voit des politiques dits écologistes fermer les centrales nucléaires et être finalement les pires ennemis de l’environnement. Plus largement, cela discrédite le discours autour de la dimension écologique pour tous les consommateurs en dehors de leurs fidèles adeptes. Enfin, elle brouille tous les discours et favorise ainsi le développement d’une désinformation défavorable au climat (ex : « une voiture électrique pollue autant qu’une voiture thermique »).

Malgré cela, l’écomobilité est un sujet en pleine expansion. Voici par exemple l’évolution des requêtes « vélo électrique » et « voiture électrique » sur Google Trends, qui reflète bien la curiosité de la population :

Plus concrètement, les ventes de voitures électriques ont connu une croissance explosive après 2019 (voitures électriques en vert clair) :

Source : https://pfa-auto.fr/wp-content/uploads/2024/06/Dossier-de-presse-PFA.pdf

Toutefois, les ventes semblent ralentir.

En ce qui concerne les voitures, plusieurs variables importantes peuvent être supposées :

  • L’évolution de l’aide
  • Les progrès des batteries et l’apparition de voitures électriques avec une bonne autonomie et abordables
  • Progrès dans le réseau de terminaux
  • L’évolution de la disponibilité des matières premières, notamment de l’essence

Cependant, je ne pouvais pas responsabiliser tout le monde.

Comment les entreprises peuvent-elles améliorer leur stratégie de communication pour mieux sensibiliser et convaincre les consommateurs français d’opter pour des produits respectueux de l’environnement ?

La réponse à cette question varie selon le marché et l’entreprise.

Les entreprises qui s’appuient sur le marketing de peur et la désinformation peuvent financer des études qui serviront à entretenir les récits sur lesquels elles s’appuient. C’est par exemple ce qu’ont fait Carrefour et Auchan en finançant la célèbre étude Séralini. Il faut aussi penser à l’impact médiatique. Pour ce faire, ils pourront financer des groupes activistes chargés d’agiter la population et de créer une pression politique et médiatique pour diffuser ces études. Cela s’est avéré extrêmement efficace dans le passé (pas de scandale autour du financement de Générations Futures par Léa Nature par exemple) et je pense que c’est encore efficace aujourd’hui. La population reste très sensible à ce type de blanchiment de conflits d’intérêts lorsqu’il s’oriente dans un sens anticapitaliste. C’est facile à imaginer dans un secteur comme la cosmétique, où les actifs sont nombreux. Si vous souhaitez des exemples concrets, vous pouvez consulter le site de Seppi.

De nombreux produits « durables » reposent sur de fausses informations.

Pour ceux qui ne le font pas, c’est plus difficile. Je pense que la dimension pratique est centrale. La multiplication des bornes de recharge a grandement facilité l’adoption des voitures électriques. Et plus les gens adoptent le vélo électrique, plus son intérêt pratique se répand. Concernant ces dernières, les entreprises pourraient miser sur des témoignages permettant aux gens d’apaiser leurs angoisses : « est-ce que je pourrai aller travailler s’il pleut ? « Mes jambes ne me feront-elles pas mal ? « Les voitures ne sont-elles pas dangereuses ? etc. Nous avons également besoin d’informations pour que ceux qui essaient ne vivent pas une mauvaise expérience.

Ils peuvent également financer des groupes luttant contre la désinformation pseudo-écologique, comme la Voix du Nucléaire. (je suis un membre plutôt passif de cette association)qui apportent de la clarté au débat public.

Quels sont les défis les plus importants auxquels les consommateurs français sont confrontés lorsqu’ils envisagent d’acheter des produits durables ? Comment ces défis pourraient-ils être surmontés ?

Le principal défi est de naviguer dans la désinformation. Qui écouter ? Les désinformateurs consacrent beaucoup d’énergie à ne pas être identifiés comme tels par leurs cibles, il est très difficile pour le grand public de distinguer cet écosystème et son fonctionnement, même vaguement.

Ce défi peut être surmonté grâce au développement d’un information sûre et surtout une dénonciation claire et précise de la désinformation pseudo-écologique. En effet, même exposés à une bonne information, les individus exposés à une désinformation pseudo-écologique auront souvent développé un lien affectif : ils s’accrocheront à leurs illusions. Ce n’est qu’en mettant en lumière la stratégie de manipulation qui se cache derrière cela que nous pourrons briser cette emprise. C’est aussi avec ces objectifs que j’ai créé discoverthegreentech.com et pseudo-ecologie.fr : le premier pour présenter la dimension scientifique et pratique de l’innovation écologique et le second pour décrire précisément son principal ennemi, la pseudo-écologie. Plus largement, nombreux sont les acteurs qui ont lutté et luttent encore contre la désinformation et dont le travail mériterait d’être davantage mis en valeur.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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