« Les cyclistes ne respectent pas le code de la route », vraiment ?
Depuis la mort de Paul, cycliste de 27 ans tué sur une piste cyclable par un automobiliste en SUV le 15 octobre à Paris, on entend de plus en plus l’argument selon lequel les cyclistes ne respectent pas le code de la route. S’ils ont des accidents, ils n’en seront responsables qu’eux-mêmes.
Ce raisonnement simpliste oublie que si les cyclistes prennent parfois des libertés avec le code, c’est avant tout pour assurer leur sécurité en se protégeant des voitures, bus et camions. Car, s’il est le même pour tout le monde, le code de la route a d’abord été pensé pour les automobilistes et ne prend pas suffisamment en compte les spécificités des déplacements à vélo. Même constat pour l’aménagement des routes.
Quand la sécurité passe avant le strict respect du code de la route
En l’absence d’aménagements cyclables, il peut être préférable pour un cycliste de remonter les files de véhicules à l’arrêt (bien que cela soit interdit) jusqu’au feu rouge voire au-delà de la file de feux, pour être bien visible devant.
Le problème ? Évitez de partir avec des voitures, des bus et des poids lourds lorsque le feu passe au vert, au risque de vous faire prendre ou renverser en essayant de retrouver votre équilibre.
Ou encore, dans un petit carrefour avec feux tricolores, le cycliste a parfois intérêt à considérer le feu rouge comme cédant, afin d’éviter de se retrouver, au passage du feu vert, coincé au milieu du trafic qui redémarre. . Si une voie de bus est fermée aux cycles, mieux vaut rester à droite dans la voie, plutôt que de se retrouver coincé entre les voitures à gauche et les bus à droite.
En l’absence de sas à une intersection ou lorsque celle-ci est indûment occupée, le cycliste est contraint de se placer devant les véhicules motorisés, au-delà de la ligne de vue, s’il veut être bien repéré.
Dans d’autres circonstances, le cycliste ne peut qu’essayer de s’éloigner à tout prix d’un trafic rapide et intense faute d’aménagements cyclables, surtout s’il a un enfant sur le porte-bagages ou une charge à transporter qui le rend moins mobile. Il préférera peut-être emprunter une direction interdite pour contourner une route encombrée ou encore rouler sur le trottoir (à basse vitesse et en respectant au maximum les piétons, s’il vous plaît !).
Enfin, dans certains cas, quelques manœuvres judicieuses peuvent s’avérer bien plus sécuritaires pour un cycliste que ce que prévoit le code. Ainsi, il peut être préférable, de tourner à gauche, d’emprunter les passages piétons à vélo (encore une fois, à basse vitesse, s’il vous plaît !), plutôt que de vous retrouver en danger au milieu du carrefour, frôlé par les voitures et les gens. camions.
Dans tous les cas, le cycliste a toujours intérêt à prendre sa place plutôt que de respecter strictement le code de la route.
Les règles implicites du cyclisme
Alors le code de la route est-il inutile pour les cyclistes ? Bien sûr que oui, et de nombreuses règles fondamentales restent très utiles : avoir un vélo en bon état, être bien visible la nuit, rentrer dans la file à l’approche d’un véhicule, etc.
En effet, à côté des règles explicites du code, souvent mal adaptées aux cyclistes, il existe de nombreuses règles implicites, c’est-à-dire non écrites, que tout usager doit apprendre à connaître pour sortir sans danger des situations les plus dangereuses. critiques.
Cependant, ceux qui ne font jamais de vélo ignorent ces règles ou hésitent à admettre qu’elles sont essentielles. La principale règle implicite des modes actifs consiste à douter du respect du code par les usagers motorisés.
Si un cycliste ou un piéton est prioritaire à un carrefour, y compris au moyen d’un feu tricolore, il ne doit pas y entrer sans avoir vérifié au préalable si un véhicule s’approche et sans s’être assuré qu’il a été repéré par les autres véhicules. De même, un cycliste ne peut pas supposer que tout automobiliste sera prudent en ouvrant sa portière routière ou qu’il respectera le compteur réglementaire en zone urbaine lors d’un dépassement dans une rue étroite ou qu’il ne lui coupera pas la route en quittant la route. ‘un rond-point.
Pourquoi un tel écart entre ce que préconise le code de la route et la pratique des cyclistes et piétons ? La raison principale est que les rédacteurs du code et plus généralement les autorités voire les statisticiens ont tendance à mettre tous les modes de déplacement sur le même plan, comme s’ils présentaient les mêmes caractéristiques.
A l’origine en effet, le code de la route (son nom l’exprime bien) a d’abord été conçu en 1921 pour les automobilistes, puis son champ d’application a été étendu aux autres usagers, comme s’ils étaient tous semblables.
A lire aussi : Le vélo peut-il se développer en dehors des grandes villes ?
On n’a jamais vu un cycliste heurter une voiture
Cependant, les différents usagers de la rue – et plus encore de la route – sont très différents. Ils n’ont pas du tout la même masse, ni la même vitesse et donc pas la même énergie cinétique. Une voiture roulant à seulement 30 km/h possède déjà une énergie cinétique 60 fois supérieure à celle d’un cycliste roulant à 15 km/h. Et d’ailleurs, on n’a jamais vu un cycliste percuter une voiture.
Les cyclistes présentent de nombreuses autres caractéristiques particulières qui génèrent des comportements spécifiques :
-
N’ayant pas de carrosserie, ils se savent vulnérables.
-
Ils se déplacent grâce à la puissance de leurs muscles, ce qui les amène à économiser constamment leurs efforts, en s’arrêtant le moins possible et en évitant les détours et les pentes.
-
Sans montants de toit obscurcissant la visibilité ni intérieur atténuant le bruit de la rue, ils détectent facilement les véhicules qui approchent sans avoir besoin de s’arrêter complètement.
-
Leur taille étant petite, ils se faufilent facilement dans la circulation, mais pour trouver leur équilibre, ils peuvent zigzaguer au démarrage ou lors de la montée d’une côte.
Le code de la route est encore très en retard dans la prise en compte de toutes ces spécificités.
Cependant, quelques avancées importantes ont déjà été réalisées, comme l’interdiction des cyclomoteurs sur les pistes cyclables, les itinéraires cyclables à double sens dans les rues à sens unique, le passage aux feux rouges, les zones de circulation calmes, la possibilité de s’éloigner des véhicules en stationnement et distance nécessaire à votre sécurité.
Certains articles reconnaissent la spécificité des modes actifs. Par exemple, l’article R412-6 stipule que tout conducteur de véhicule « doit notamment faire preuve d’une prudence accrue à l’égard des usagers les plus vulnérables ».
Dans la pratique, c’est l’inverse qui se produit : les piétons et les cyclistes doivent faire preuve d’une prudence accrue à l’approche des voitures et notamment des poids lourds, dont ils doivent éviter les angles morts, en veillant à rester en dehors de leur trajectoire. quelles que soient les règles.
Evolutions souhaitables du code de la route et évolutions
Pour réduire l’écart entre la pratique des cyclistes et le code de la route, il faut non seulement que ce dernier évolue, mais aussi les aménagements.
Côté code, il serait souhaitable que les règles explicites soient plus proches des règles implicites. Par exemple :
-
Tous les arrêts et tous les feux doivent pouvoir être considérés par les cyclistes comme un passage prioritaire.
-
Les virages indirects à gauche, via les passages pour piétons, pourraient être autorisés à basse vitesse.
-
Il devrait être fortement conseillé aux cyclistes de s’éloigner d’au moins un mètre des voitures garées.
-
Enfin, il conviendrait d’introduire un principe de proportionnalité des sanctions basé sur la dangerosité des véhicules en fonction de leur énergie cinétique.
En termes d’aménagements, il faut bien sûr aménager ou améliorer les pistes cyclables, les bandes, les itinéraires à double sens, les voies centrales non balisées, les rues cyclables et autres écluses cyclables, mais d’autres solutions sont possibles. Quelques exemples :
-
Il y a beaucoup trop de carrefours à feux tricolores en France. Grâce à des politiques de modération de la circulation automobile, on peut réduire leur nombre et ne laisser que les carrefours à feux vraiment nécessaires, qui seront alors mieux respectés (ce que font déjà des villes comme Bordeaux ou Grenoble).
-
La taille des ronds-points devrait être systématiquement réduite.
-
Enfin, la généralisation de quartiers sans transit (c’est-à-dire où la circulation automobile n’est assurée que par des boucles de services) permettrait de créer des zones 30 beaucoup mieux respectées.
Plutôt que de s’entêter à faire appliquer strictement un code de la route très imparfait, il est urgent de mieux intégrer les règles implicites de comportement des cyclistes et des piétons, tant dans le code que dans la conception des aménagements.
A lire aussi : Mobilité : et si on remettait le piéton au milieu du village ?