Les confidences du président de Brest avant la Ligue des champions
ENTRETIEN – Le président du Stade Brestois, Denis le Saint, révèle au Figaro ses ambitions avant le début de la compétition de C1 jeudi soir face au Sturm Graz.
Envoyé spécial à Brest
Vous avez repris le club en 2016, qu’auriez-vous dit si on vous avait annoncé qu’il jouerait la Ligue des Champions huit ans plus tard ?
Denis le Saint : Vous plaisantez ? C’est une bonne idée mais ce n’est pas dans nos cordes d’aller taquiner la Ligue des Champions. Ce n’était vraiment pas dans les plans. Quand nous avons repris le club il y a 8 ans, le projet était de remonter en Ligue 1 et d’inscrire durablement le club dans l’élite française. Il nous a fallu trois ans pour remonter, nous avons appris et nous avons été couronnés de succès l’année dernière (3et et qualifié pour le C1).
Avez-vous passé le meilleur été de votre vie ?
Oui. Quand les résultats ne sont pas là, on ne se sent pas bien. Je termine ma semaine de travail le vendredi soir et à partir du samedi matin, le football est omniprésent dans ma tête. Quand ça va mal, on pense beaucoup au football. Quand ça va mieux, on y pense moins.
Quels sont les messages qui vous reviennent le plus depuis la saison historique au Stade Brestois ?
(il sourit) Merci ! Tout le monde sait que nous n’avons pas un gros budget en Ligue 1 (45 millions d’euros, 14et sur 18 pour la saison 2024-2025), avec une structure très large, mais on s’adapte comme on peut à la complexité de la compétition. Notre bonheur c’est de partager avec les petits-moyens-grands, tous CSP confondus, tous âges, toutes couleurs de peau, rouges et blancs, supporters et partenaires, qu’on fait un joli bout d’aventure ensemble. L’autre jour, un restaurateur me disait que l’hiver dernier, période difficile dans la région, le stade brestois et le BBH (le club de handball de son frère, Gérard), ont apporté un rayon de soleil dans les têtes des gens. Que demander de plus ? Voir tout ça déferler autour du club c’est magnifique. Mon plus grand plaisir et ma fierté c’est de rendre les gens heureux. Quoi de plus beau ?
L’image de Brest est-elle en train de changer ?
On a surpris tout le monde et personne ne nous a vu là. Est-ce que ça va durer ? On est encore un petit club, il faut beaucoup de temps pour arriver à la reconnaissance des tiers d’un point de vue du niveau. La notoriété prend du temps. Notre prochain défi ? Que ce ne soit plus une surprise d’être à un bon niveau en Ligue 1.
« Paris est la 2e ville bretonne de France. J’en ai déjà parlé à quelqu’un qui travaille à l’UEFA. Si on a la chance d’être parmi les 24… 80 000 personnes au Stade de France, ce serait génial, c’est un vœu pieux. »
Denis le Saint sur la possibilité d’un match au Stade de France
Est-ce que vous écoutez de la musique de la Ligue des Champions ?
On le met entre collègues quand il y a du silence. Ça redonne le sourire à tout le monde.
Vous évoquez les structures du club : en l’absence de stade Francis Le Blé homologué par l’UEFA, les matchs européens auront lieu à Guingamp…
Le football c’est comme une entreprise, il faut des outils pour travailler. On n’a pas de stade homologué et il faut délocaliser à Guingamp, je tiens à remercier nos homologues guingampais pour leur solidarité bretonne. Pour être attractif, pour donner envie de venir, pour accueillir les gens dans de bonnes conditions, il faut des outils. Ce futur stade (livré en 2027 et avec 15 000 places) sera là pour ça.
Quel sentiment domine avant de défier le FC Barcelone ou le Real Madrid ?
J’avais dit aux gens avant le tirage au sort que nous hériterions du Real Madrid. Que toutes les stars madrilènes affronteraient Brest. J’ai soupiré (il fait la moue). Je me suis dit que le rêve devenait réalité. Imaginez un instant Brest défier le Real Madrid… C’est fait. L’aventure est inimaginable. On va taquiner les Dieux, le Stade Brestois va taquiner le très haut niveau. On n’a aucune pression, le côté amical du tirage au sort prédomine… Je n’ai pas d’appréhension particulière. Je pense que mon entraîneur et mon directeur sportif inventent des histoires différentes de la mienne.
Quels films ?
On avait imaginé jouer un match au Stade de France, mais on n’a pas pu car on a vendu quatre matchs en pack. Je les fais rire en leur disant que si on est dans les 24, on fera notre demande à la FFF et à l’UEFA pour jouer à Saint-Denis en barrages (des 9)et à 24 anset Paris est la 2e ville bretonne de France. J’en ai déjà parlé à quelqu’un qui travaille à l’UEFA. Si on a la chance d’être dans les 24… 80 000 personnes au Stade de France, ce serait génial, c’est un vœu pieux. Le football n’est pas une science exacte… il y a beaucoup de surprises, rien n’est perdu, loin de là.
« Nous sommes très attachés au territoire. Le club fait partie de l’aventure que nous menons aux côtés de notre entreprise avec mon frère. Le SB29 n’est pas un outil financier, il y a beaucoup d’émotion. La vente n’est pas à l’ordre du jour. »
Denis le Saint sur la vente du club
Comment présenteriez-vous votre club à ceux qui ne le connaissent pas encore ?
Nous restons un petit club sans expérience européenne, je suis sûr que les supporters du Real Madrid sont contents de venir ici. Nous existons depuis 70 ans, situés au bout du monde, au fin fond du Finistère, dans un pays de football et qui se retrouve dans un endroit inattendu. Mais notre équipe va tout donner pour que le spectacle soit beau. Nous voulons être une équipe reconnue et respectée.
Que répondez-vous à ceux qui pensent que Brest n’a pas sa place en Ligue des Champions ?
Ce n’est pas un accident. Nous l’avons mérité. C’est à nous d’être dignes de nos territoires, de nos partenaires, de nos supporters. Si nous les rendons fiers, nous aurons déjà gagné. Nous écrivons une nouvelle page, une nouvelle histoire. Ce n’est pas le fruit du hasard. Je veux que nous créions les conditions de succès futurs et l’équipe doit être meilleure que les meilleurs de l’équipe. Réaliser des exploits est possible.
Cet été, votre directeur sportif Grégory Lorenzi a été sollicité, comment avez-vous géré cette séquence ?
Il ne m’a pas dit qu’il partait, donc il reste. C’est normal qu’avec la visibilité qu’il a eue, il soit demandé, c’est la vie.
Avec la baisse drastique des droits TV, la Ligue des Champions sauve-t-elle vos finances ?
Gregory a réalisé un mercato surprenant et de qualité. Financièrement, nous sommes dans les limites du budget et nous ne les avons pas dépassés. Il n’y a aucune raison pour que nous fassions une saison à l’envers. Nous avons fixé le budget pour les 2 prochaines années. Avec ce bonus de Ligue des Champions, nous ne voulions pas tout dépenser cette année, car nous avons l’année prochaine à couvrir. Pour le moment, nous envisageons l’avenir sereinement.
Dans une Ligue 1 avec de nombreux clubs détenus par des fonds étrangers, avez-vous été courtisé par de futurs investisseurs ?
J’avais été approché il y a peu de temps, mais je n’ai pas ouvert la porte. Ce n’est pas notre état d’esprit. Nous sommes très attachés au territoire. Le club fait partie de l’aventure que nous menons parallèlement à notre activité avec mon frère. Le SB29 n’est pas un outil financier, il y a beaucoup d’émotion. La vente n’est pas à l’ordre du jour.