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l’équation se complique pour Patrick Drahi

Patrick Drahi et Altice France s’enfoncent un peu plus dans les difficultés. Sur les trois premiers mois de l’année, son opérateur SFR, qui a publié ses résultats mardi, a encore perdu des abonnés. Mais ces fuites, déjà constatées lors des trimestres précédents, se transforment en hémorragie. Sur la période, pas moins de 487 000 abonnés mobiles ont quitté l’opérateur carré rouge. SFR est également passé sous la barre symbolique des 20 millions de followers. Dans l’Internet fixe, 77 000 clients sont partis.

De quoi contrarier, sans aucun doute, Patrick Drahi. Celui-là même qui déclarait en 2016, lors d’une audition au Sénat, qu’un « Un client qui (le) quitte, fait mal à son cœur, et plus que son cœur, à son portefeuille ». Et le portefeuille, justement, en prend le coup. Au premier trimestre, le chiffre d’affaires d’Altice France a reculé de 3,8% sur un an, à 2,56 milliards d’euros, tandis que son résultat opérationnel (Ebitda) a reculé de pas moins de 6,5%, à 782 millions. euros.

Retour des tensions sur le marché mobile

Lors d’une conférence de presse express, où l’habituelle séance de questions-réponses a été – pour la première fois – interrompue, les collaborateurs du groupe ont déclaré souffrir d’une forte concurrence sur le marché français des télécoms, notamment sur le segment des forfaits mobiles d’entrée de gamme. . Des tensions sont réapparues ces derniers mois, notamment avec les offensives sur les prix de la marque. faible coût B&You de Bouygues Telecom. Red, son concurrent chez SFR, a également réduit les prix de certains forfaits.

Alors certes, les investissements du groupe, notamment ceux consacrés au déploiement de la fibre optique, diminuent sensiblement comme prévu. Mais pas suffisant toutefois pour compenser les problèmes commerciaux. Celles-ci rappellent fortement la précédente crise subie par Altice en 2016-2017. A l’époque, SFR avait perdu des centaines d’abonnés, largement mécontents de la qualité du réseau. Altice, alors cotée en bourse, avait vu ses actions s’effondrer, sur fond d’inquiétudes des investisseurs quant à sa capacité à rembourser son énorme dette.

Peur de l’endettement

Cette fois, les mauvais résultats du groupe surviennent à un moment où les craintes liées à l’endettement s’étaient déjà ravivées il y a plus d’un an. Altice France est en effet assis sur une poudrière, à savoir une dette colossale de 24,6 milliards d’euros. C’est le fruit d’années de LBO, pour « rachat par effet de levier », une technique financière consistant à s’endetter pour acheter des actifs, puis à rembourser en augmentant les profits. En d’autres termes : la capacité à honorer ses dettes repose sur la santé économique de l’entreprise, sa capacité à générer suffisamment de trésorerie en stimulant les ventes ou en réduisant les coûts. Sous ce prisme, les pertes d’abonnés de SFR constituent clairement un coup dur pour Patrick Drahi.

Ils interviennent également au moment où le magnat est actuellement en bras de fer avec ses créanciers. Patrick Drahi a mis des bâtons dans les roues en mars dernier, en leur demandant de participer à son désendettement. Comment ? En leur demandant d’abandonner une partie de leurs dettes, ce qui représenterait pour eux une perte de l’ordre de 30 %. C’est à cette condition que Patrick Drahi se dit prêt à utiliser le produit de ses cessions d’actifs, notamment celles récentes de ses datacenters ou de BFMTV, pour désendetter.

Les créanciers montent au créneau

Le milliardaire reste sur cette ligne dure. En témoigne ses dernières manœuvres concernant XpFibre, sa précieuse filiale propriétaire du réseau fibre de SFR. Comme indiqué lors de la publication des résultats trimestriels, Altice France, il y a tout juste une semaine, « a apporté ses actions dans XpFibre et certaines de ses dettes à une société holding, qui a été déclarée « sans restriction » ». Cela signifie que si cet actif devait être vendu, « Altice pourrait faire ce qu’elle veut avec la trésorerie, donc ne pas l’utiliser pour rembourser la dette par exemple »explique un analyste financier qui souhaite rester anonyme.

En face, quelque 150 créanciers, principalement des fonds d’investissement américains qui détiennent la majorité de la dette d’Altice France, font bloc pour défendre leur bout de gras. Ils ont notamment signé un  » Accord de coopération « comme l’indique le quotidien Le monde le 23 mai. L’initiative devrait leur permettre de s’opposer à toute proposition contraire à leurs intérêts en cas de restructuration financière d’Altice, ou d’évincer les actionnaires en cas de défaut de paiement de la dette.

De mauvais résultats qui pourraient servir à Patrick Drahi

Depuis des semaines, on assiste à un match de haut niveau entre loups financiers. Mais de manière quelque peu paradoxale, les déboires commerciaux de SFR pourraient aussi, finalementservir les intérêts de Patrick Drahi. « Altice et SFR connaissent une perte record de clients au moment où cela leur arrange le plusjuge notre analyste financier. Patrick Drahi aura tout le temps d’expliquer aux banques que la société ne peut pas survivre si chacun ne fait pas un effort. » Et que les créanciers ne s’alignent pas, visiblement, sur ses souhaits.