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L’envoi de migrants au Rwanda, un « coup politique » aux contours d’application « flous »

Lorsqu’il a présenté le projet en avril 2022, l’ancien Premier ministre britannique Boris Johnson a qualifié le Rwanda de pays « mondialement connu » pour « son bilan en matière d’accueil et d’intégration des migrants ». Malgré la polémique et une suspension de dernière minute de la Cour européenne des droits de l’homme en juin 2022, les députés britanniques persistent et signent. Ils ont voté dans la nuit de lundi à mardi cette loi qui permettra à Londres d’expulser vers le Rwanda les migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni.

Depuis des années, Kigali se présente comme une terre de refuge pour les exilés. Depuis 2019, le pays accueille le programme d’accueil des réfugiés de Libye. Et, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), il a accueilli 135 000 réfugiés et demandeurs d’asile en septembre 2023. Mais la décision du parlement britannique de relocaliser de force les immigrés, à 6 000 kilomètres de leur objectif, est avant tout une « communication » coup d’État » et un « coup d’État politique », assure Hélène Thiollet.

Le symbole plus que le chiffre

« Le nombre de migrants concernés est insignifiant comparé au phénomène migratoire au Royaume-Uni. Ces politiques de retour sont quantitativement négligeables mais politiquement extrêmement centrales », assure le chercheur au CNRS et spécialiste des politiques migratoires. «Cette politique n’a pas pour but d’envoyer en masse des demandeurs d’asile au Rwanda», explique Thomas Lacroix, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des migrations internationales.

Pour Londres, l’objectif est donc d’afficher sa détermination face à l’immigration clandestine. Depuis le début de l’année, les traversées illégales de la Manche ont augmenté de plus de 20 %. Ce mardi, cinq personnes se sont noyées, dont une fillette de 7 ans, alors qu’elles tentaient de rejoindre les côtes britanniques. Mais sur les près de 30 000 personnes qui ont réussi à rejoindre le pays en 2023, très peu pourraient être concernées par une relocalisation au Rwanda.

Un « environnement hostile » pour les migrants

«Lorsque Theresa May était ministre de l’Intérieur, elle a participé à une politique d' »environnement hostile » destinée à rendre le séjour des personnes sans papiers au Royaume-Uni aussi insupportable que possible. Des campagnes d’affichage ont encouragé les immigrés sans papiers à appeler un numéro pour être accompagnés à leur retour chez eux. Mais en réalité, cette campagne était destinée aux électeurs », rappelle Thomas Lacroix pour qui la « loi rwandaise » va « dans la même lignée ».

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Et, si Rishi Sunak assure que les avions à destination du Rwanda « décolleront quoi qu’il arrive », l’application de cette loi reste soumise à de nombreuses incertitudes. La Cour européenne des droits de l’homme pourrait intervenir à nouveau, tout comme la Cour suprême britannique, qui a jugé en novembre dernier que le projet initial était illégal.

Enfin, les groupes de défense des droits de l’homme ont promis d’utiliser tous les recours juridiques possibles pour lutter contre ce que le directeur général d’Amnesty International au Royaume-Uni a qualifié de « honte nationale ». « Nous ne savons même pas si, effectivement, les gens seront expulsés vers le Rwanda. Et s’ils le sont, on sait encore moins comment ils seront reçus », précise Hélène Thiollet.

Des magnifiques hôtels de Kigali aux « conditions épouvantables » de Nauru

À l’été 2022, Kigali a organisé une opération de communication pour promouvoir ses hôtels rénovés dans le but d’accueillir ces personnes déplacées. Mais, à côté de cette image d’Epinal, un reportage de Télégraphe de juin 2022 a rapporté que les réfugiés affirmaient manquer de toutes les ressources de base. Alimentation, logement, accès aux soins… « Il n’y a pas beaucoup d’aide sur place car il n’y a pas assez d’argent », souligne Hélène Thillot.

Il est difficile, en effet, d’imaginer des réfugiés « relocalisés » parvenant facilement à « reconstruire leur vie », comme l’a promis l’ancienne ministre de l’Intérieur, Priti Patel, dans un pays qui affiche près de 20 % de chômage. D’autant que, si Londres a promis 144 millions d’euros à Kigali, il n’est pas précisé combien sera réinjecté pour l’accueil des immigrés. La « loi rwandaise » reste jusqu’à présent « très vague sur les modalités de mise en œuvre », souligne Hélène Thiollet.

En savoir plus sur la « loi rwandaise »

« L’exemple qui existe déjà est celui de l’Australie qui envoie des migrants sur l’île de Nauru. Les gens se retrouvent en prison dans des conditions effroyables», rappelle Thomas Lacroix. Selon lui, si Londres suit l’exemple de Canberra, « cela violera évidemment la Convention de Genève ». Toutefois, si Londres a divorcé de Bruxelles en 2020, elle reste (du moins jusqu’ici) sous l’égide de nombreux protocoles internationaux.

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr
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