le procès s’ouvre dans l’un des naufrages de migrants les plus meurtriers de la Méditerranée
Le procès de neuf Egyptiens, accusés d’être impliqués dans l’un des naufrages de migrants les plus meurtriers de la Méditerranée, s’est ouvert mardi devant un tribunal grec alors que de nombreuses questions demeurent sur les responsabilités dans cette tragédie.
Près d’un an après ce naufrage qui a fait plus de 80 morts et quelque 600 disparus, les neuf passeurs présumés sont poursuivis devant un tribunal de Kalamata (sud) pour « facilité l’entrée illégale de migrants sur le territoire » Et « homicide par négligence ». Également accusé de« appartenance à une organisation criminelle »ces hommes en détention provisoire depuis 11 mois risquent la réclusion à perpétuité.
Devant le tribunal de Kalamata, où, avant l’ouverture des audiences, une trentaine de personnes se sont rassemblées dans une ambiance tendue, des militants antiracistes et de gauche scandaient : « Ce crime ne sera pas oublié ! ». L’un d’eux, Panagiotis Merdikas, 45 ans, dont le T-shirt était déchiré, a déclaré à l’AFP que deux personnes avaient été arrêtées. « Nous manifestons (…) pacifiquement. Nous ne voulions pas partir et ils ont envoyé la police anti-émeute. Deux arrestations ont eu lieu. »a-t-il assuré à l’AFP sans que la police ne fournisse dans l’immédiat aucune information.
La tante de l’un des accusés, Dalia Abdel Megui, originaire d’Italie, a affirmé que son neveu était innocent. « Il est venu en Europe pour chercher un avenir meilleur, c’est tout. Ce n’est pas un criminel. », dit-elle. Le naufrage de l’Adriana, un chalutier obsolète et surchargé, dans la nuit du 13 au 14 juin 2023 au large des côtes grecques, a suscité de nombreuses interrogations sur les opérations de sauvetage menées par les autorités portuaires grecques.
82 corps retrouvés
Cent quatre migrants ont survécu à l’accident survenu dans les eaux internationales, à 47 milles marins (87 km) au large de Pylos (sud-ouest). Le bateau était parti de Libye et se dirigeait vers l’Italie. Seuls 82 corps ont été retrouvés alors que selon l’ONU, plus de 750 personnes se trouvaient à bord, dont près de 350 Pakistanais, selon Islamabad.
Pour les avocats de la défense, les neuf Egyptiens, âgés de 21 à 37 ans, ne sont que « des boucs émissaires pour couvrir les responsabilités des autorités portuaires ». Ils contestent également la compétence du tribunal grec pour juger cette affaire puisque le naufrage s’est produit dans les eaux internationales. Human Rights Watch (HRW) met en garde contre « un risque réel que ces neuf survivants soient déclarés « coupables » sur la base de preuves incomplètes et douteuses »selon les mots de Judith Sunderland, vice-directrice Europe de l’ONG.
Les défenseurs des prévenus ont dénoncé de graves vices de procédure dans l’enquête : leurs clients ont été arrêtés à peine 24 heures après avoir survécu au drame, sur la base de neuf témoignages seulement. Certains survivants ont dit « ayant dû désigner, sous la pression de la police grecque, les coupables sur la base de photos peu claires »» expliquait l’une des avocates, Effie Doussi, quelques jours avant le début des audiences.
« Nos clients étaient encore sous le choc »
« Nos clients étaient encore sous le choc (…) Et tout d’un coup, ils ont été arrêtés sans comprendre pourquoi ! », a-t-elle protesté. Des associations d’aide aux migrants et plusieurs médias internationaux ont pointé la responsabilité des garde-côtes qui ont mis du temps à intervenir.
L’ONG Alarm Phone et l’agence européenne de surveillance des frontières Frontex avaient signalé la présence du bateau aux autorités grecques alors qu’il se trouvait dans la zone de recherche et de sauvetage grecque. Les autorités grecques, sur la défensive après ce drame, ont insisté sur le fait que les migrants avaient refusé toute aide. De leur côté, les survivants affirmaient que les garde-côtes voulaient remorquer le chalutier surchargé, ce qui l’aurait fait chavirer.
Le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis, dont le pays est accusé de pratiquer des refoulements illégaux à sa frontière avec la Turquie, avait jugé « C’est vraiment injuste » l’interpellation des autorités portuaires. Une enquête, menée par un tribunal naval, sur les éventuelles responsabilités des garde-côtes, est en cours mais les demandes d’accès au dossier ont toutes été refusées, selon les avocats des prévenus. En septembre, une cinquantaine de rescapés ont porté plainte contre les garde-côtes.