Le président de Renault charge Rachida Dati
Jean-Dominique Senard a porté plainte contre le ministre de la Culture dans le cadre de l’affaire Ghosn. Il révèle que la justice n’a trouvé aucune preuve de ses missions pour Renault malgré des virements de 900 000 euros. Rachida Dati répond.
C’est assez rare pour être souligné mais le président de Renault est en colère. Jean-Dominique Senard, réputé calme, placide et discret, a porté plainte lundi dernier contre Rachida Dati, dans le cadre de l’affaire Carlos Ghosn.
Comme le révèle mardi Le Nouvel Obs, il accuse la ministre de la Culture de « dénonciation calomnieuse » après qu’elle ait porté plainte contre le président de Renault pour « entrave à la justice » fin mars. Il comparaîtra début mai devant le tribunal correctionnel de Nanterre pour se défendre de « ne pas avoir transmis les pièces demandées pour le disculper », selon la citation de Rachida Dati.
La confrontation tourne autour d’un des aspects de la gigantesque affaire Carlos Ghosn. En novembre 2018, une semaine après l’arrestation de son ancien PDG, le gouvernement annonçait un audit, lancé par Renault, pour examiner les comptes de RNBV, filiale de l’Alliance Renault-Nissan, dirigée par Carlos Ghosn. Jean-Dominique Senard n’était pas encore président de Renault.
Il le devient deux mois plus tard et découvre, en avril 2019, les conclusions du rapport du cabinet Mazars. Entre 2010 et 2012, Rachida Dati recevait 300 000 euros par an, soit 900 000 euros, de RNBV. Par la suite, en 2019, un actionnaire minoritaire a alors porté plainte contre elle pour corruption et le Parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête. Elle a été mise en examen en 2021 pour « abus de confiance », « corruption passive » et « trafic d’influence ».
L’ombre de Carlos Ghosn
« Madame Dati a eu du mal à apporter la preuve de son travail pour Renault », expliquait récemment une source judiciaire à BFM Business. Tout le problème est là. Renault n’a pas trouvé la preuve d’une mission de l’ancien garde des Sceaux.
« Même Ghosn a admis devant les juges qu’il avait fait appel en tant que négociateur et non en tant qu’avocat », explique une source proche du constructeur.
Il y a deux ans, trois magistrats se sont rendus à Beyrouth pour interroger l’ancien PDG en fuite au Liban.
L’année dernière, Rachida Dati a fait quatorze demandes de documents auprès des magistrats pour enjoindre à Renault de fournir les preuves de ses missions. Mais le ministre de la Culture persiste. « Le rapport Mazars, commandé par Jean Dominique Senard en février 2019, contient la preuve de mes efforts d’avocat mais Renault ne l’a pas livré intégralement à la justice, se contentant d’une version expurgée et édulcorée », assure Rachida Dati à BFM Business. par l’intermédiaire de son avocat Olivier Baratelli. L’ancienne garde des Sceaux se considère comme la victime collatérale d’un bras de fer à distance entre Renault et son ancien PDG, Carlos Ghosn.
« Rachida Dati prétend que Jean-Dominique Senard dissimule des preuves de son innocence afin de dénigrer et critiquer les choix de son prédécesseur », ajoute son avocat.
Pour le président de Renault, c’est trop. « Sénard malhonnête ? Il n’a jamais eu de contravention de sa vie», s’amuse un de ses proches. Dans sa plainte au vitriol, il s’en prend au ministre de la Culture : « Rachida Dati tente de transférer à Renault et à Jean-Dominique Senard la responsabilité d’apporter la preuve de la réalité de ses prestations, qu’elle est elle-même incapable de démontrer, ce que l’enquête judiciaire en cours a révélé sans aucune ambiguïté ».
Bruno Le Maire laisse faire
Après cinq ans d’enquête, les preuves des missions de Rachida Dati restent inexistantes. « Ni Renault ni M. Jean-Dominique Senard n’ont en leur possession d’éléments susceptibles d’apporter la preuve de ses prétendues prestations et Mme Rachida Dati le sait parfaitement car elle-même est incapable depuis 2019 de les fournir », ajoutent ses avocats, François. Sureau et Antonin Lévy. Les magistrats ont bouclé leur enquête et doivent formuler une demande d’ici l’été.
Selon nos informations, l’ensemble du conseil d’administration de Renault a été informé du dépôt de plainte de Jean-Dominique Senard et personne ne s’y est opposé. Parmi eux, les deux dirigeants de l’Etat français, premier actionnaire du groupe avec 15% du capital, Alexis Zajdenweber et Thomas Courbe. Contacté, le ministère de l’Economie n’a pas souhaité faire de commentaire. Bruno Le Maire laisse Renault porter plainte contre Rachida Dati…