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Le patrimoine français menacé par le changement climatique : « Nous craignons autant la sécheresse que les inondations »


L’ONG Réseau Action Climat a publié jeudi un rapport dans lequel elle recense l’impact du climat par région. La France entière est concernée et ses châteaux et églises ne sont pas épargnés.

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Le château de Chenonceau, l'un des nombreux édifices menacés par le changement climatique. (GUILLAUME FARIOL / FRANCEINFO)

Sécheresses, inondations ou érosion côtière… Le patrimoine français subit lui aussi de plein fouet le changement climatique, alerte le Réseau Action Climat dans un rapport publié jeudi 19 septembre. Il cartographie les impacts du changement climatique région par région. Parmi les fiertés françaises à la merci du changement climatique : nos châteaux de la Loire, dont Chenonceau.

Dans le jardin de Diane de Poitiers, au bord du Cher, la vue sur le château est imprenable. Depuis cinq siècles, il n’a pas bougé, planté dans la rivière sur de larges pilotis. L’architecture est unique, elle fait la renommée de Chenonceau, mais fragilise aussi le monument et notamment ses fondations.Nous craignons la sécheresse autant que les inondations » explique Étienne Barthélémy, architecte en chef des monuments historiques.

« Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les fondations de ce type d’ouvrage étaient réalisées avec des pieux en bois qui servaient à bloquer la maçonnerie. Ces pieux risquent de pourrir s’ils ne sont pas maintenus dans un niveau d’eau minimum, explique Etienne Barthélémy.

« Ce que l’on peut craindre, c’est que si le niveau du Cher baisse trop, les fondations se dégradent. »

Étienne Barthélémy, architecte en chef des monuments historiques

à franceinfo

Le niveau de l’eau baisse, les fondations souffrent, puis, « lors de la prochaine crue, on ajoute un facteur qui est celui de la pression de l’eau ou du coup de bélier lié aux rondins qui sont charriés par le Cher, au point qu’on peut avoir une rupture d’un des pieux et un effondrement de la galerie« , poursuit-il.

Même si le scénario paraît aujourd’hui lointain, il sera plus probable dans les prochaines décennies. Les barrages qui régulent le Cher risquent de ne plus suffire, compte tenu des projections dans la région : un tiers de jours de fortes chaleurs en plus d’ici 2040, 10 à 40 % de débit des cours d’eau en moins d’ici 25 ans et des hivers plus pluvieux. Pour résister, le château doit donc être parfaitement entretenu, selon l’architecte en chef des monuments historiques : «Nos architectures traditionnelles ont montré une résilience importante aux variations climatiques depuis le Moyen-Âge. En revanche, il existe une nécessité de réparations importantes sur l’ensemble du patrimoine. C’est vrai à Chenonceau, c’est encore plus vrai sur d’autres monuments« .

Ce qui est particulièrement menacé est ce qu’on appelle le «petit héritage« , loin des projecteurs et souvent déjà dégradées. Comme l’église de Neuvy-Deux-Clochers, qui n’en compte en réalité qu’une, à une centaine de kilomètres de là, en pleine campagne, près de Bourges. L’édifice est fermé depuis 2018 et la sécheresse a fait bouger le sol argileux. A l’intérieur, on aperçoit une longue fissure du sol au plafond dans la nef, sous le regard désolé d’Isabelle Légeret, la maire. »Petit à petit, la fissure s’est agrandie, jusqu’à ce que le plafond s’effondre. Il y a une partie de l’église qui peut aller » dit-elle.

L'église de Neuvy-Deux-Clochers. (GUILLAUME FARIOL / FRANCEINFO)

Depuis, la municipalité se bat avec ses assurances pour prouver le lien avec la sécheresse. Mais la facture, dans tous les cas, sera salée pour la petite commune.On va construire des contreforts, en attendant de pouvoir faire des travaux de consolidation. Plus de 100 000 euros, 200 ou 300 000 euros, on ne sait pas où on va, explique Isabelle Légeret. Certains des projets que nous avions vont forcément être mis en suspens pendant un certain temps. L’église est aussi un patrimoine important pour une ville. Neuvy-Deux-Clochers, s’il n’y a plus de clocher du tout, il faudra rebaptiser la ville.« Le début des travaux de consolidation est prévu dans les prochaines semaines, pour le reste, rien n’est sûr.

C’est une situation devenue monnaie courante. C’est même le quotidien de Claire Daniéli, de l’observatoire du patrimoine religieux. Chaque jour, elle reçoit des appels de maires, désespérés par l’état de leurs églises fissurées. L’association en a dénombré 250 gravement endommagées par la sécheresse.C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, car en fait cette histoire de changement climatique arrive à des églises qui sont déjà en piteux état. Parce que les subventions de l’État fondent comme neige au soleil et une petite ville qui a un tout petit budget, il n’y a pas d’hésitation, ça met l’église de côté« , déplore-t-elle. Sécheresse, mais aussi orages ou tempêtes, l’observatoire du patrimoine religieux a dénombré l’an dernier plus de 1.400 églises en péril, soit 20% de plus en un an.

Face à ce constat, il existe une solution simple, répond Claire Daniéli. Il faut mieux surveiller l’état de notre patrimoine.Nous essayons actuellement de mettre en place un carnet d’entretien des églises dans les communes. C’est comme notre carnet de santé, elle explique. C’est à dire que les services financent une équipe technique pour regarder mur par mur pour voir s’il y a des micro-fissures, des infiltrations d’eau pour prendre des mesures en amont, car très souvent, c’est très tard« La méthode a également fait ses preuves dans les Yvelines, région très exposée au retrait et au gonflement des sols argileux.

La réponse passe aussi évidemment par une lutte globale contre le changement climatique. Il faudra des dizaines de milliards d’euros pour financer la transition et sauver d’autres pans de notre patrimoine : les huîtres bretonnes, frappées par le réchauffement des océans, le Mont Saint-Michel menacé par la montée des eaux, le canal du Midi frappé par les sécheresses, ou encore l’île d’Oléron grignotée par l’érosion.

Grb2

Jewel Beaujolie

I am a fashion designer in the past and I currently write in the fields of fashion, cosmetics, body care and women in general. I am interested in family matters and everything related to maternal, child and family health.
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