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Le nouveau livre d’Édouard Louis, « Monique s’évade », raconte bien plus que la dernière rupture de sa mère

DANIEL ROLAND / AFP via Getty Images Édouard Louis, ici en octobre 2017, à Francfort, en Allemagne.

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Édouard Louis, ici en octobre 2017, à Francfort, en Allemagne.

LITTÉRATURE – Édouard Louis nous donne des nouvelles de sa mère. Et elle se porte très bien. C’est en tout cas le contexte dans lequel on la retrouve à la fin – ceci n’est pas un spoiler – de Monique s’échappenouveau livre de l’auteur deEn finir avec Eddy Bellegueule Et Histoire de violencesqui paraît ce vendredi 26 avril aux Editions du Seuil.

Ce n’était pas gagné. À l’ouverture du roman, Monique est au plus mal. Elle qui se croyait libre après avoir quitté son ex-mari (histoire racontée dans l’ouvrage précédent d’Édouard Louis Combats et métamorphoses d’une femme) avait tort. La voilà à nouveau coincée entre les mains de ce qu’elle avait fui : un homme alcoolique, méprisant et violent.

C’est trop. Un soir, elle appelle son fils en larmes.  » J’avais vingt-huit ans au moment de cet appel et c’était la troisième, peut-être seulement la quatrième fois depuis ma naissance, que je l’entendais pleurer. », note l’écrivain dès les premières pages. Pourquoi ne rencontre-t-elle que des hommes qui l’empêchent d’être heureuse ? » se demande sa mère.

Il veut la sauver. En Grèce pour une résidence d’écriture, Édouard Louis élaborera à distance le plan d’évasion de Monique. Elle doit rassembler ses affaires le plus rapidement possible. Tant pis pour les papiers d’identité, elle va les refaire. Mais aller où ? Il lui propose de se réfugier dans son appartement. Un de ses amis possède un double des clés. Il peut l’ouvrir pour elle. Comment aller là ? Son fils lui réserve un taxi. Et là, comment pourra-t-elle remplir le frigo vide et acheter des produits de première nécessité ? Elle n’a pas un seul euro en poche.

En emménageant avec l’homme avec qui elle entretenait une relation, elle avait perdu l’aide sociale qu’elle recevait de sa rupture avec le père d’Édouard Louis. Puis, lorsqu’elle s’installe à Paris, elle abandonne son travail à temps partiel. Monique était devenue dépendante de cet autre homme qui, lorsqu’elle se disputait avec lui, menaçait de ne plus rien lui donner.

Monique s’émancipe

 » Il était méchant avec l’argent aussi », se souvient-elle à son fils. Elle avait hésité à quitter son HLM du Nord pour le rejoindre.  » Mais non, tu verras, tout ira bien pour nous deux, je m’occuperai de toi « , il a répondu. Elle se souviens :  » Lorsqu’il était ivre, il me reprochait : « Tu vis ici à mes frais, je te rappelle. Si je prenais un morceau de beurre dans le frigo, il me disait : « Prends moins de beurre pour voir que ce n’est pas toi qui payes ». »

Les quelques jours passés dans l’appartement de son fils l’ont remise sur pied et lui ont ouvert les yeux. Plus besoin de jouer avec un homme. Elle a l’intention d’emménager seule. Une grande première pour elle, à 55 ans. Reste désormais à savoir où elle pourra vivre. Et avec quels moyens ?

Derrière ce nouveau récit d’émancipation, Édouard Louis ne pointe pas seulement la perte d’autonomie financière de sa mère à cause du patriarcat, il dénonce plus généralement l’impossibilité pour les femmes pauvres d’échapper à la violence de l’homme qui les tient prisonnières, une sorte d’esclavage domestique. .

 » Il existe évidemment d’autres facteurs qui rendent la fuite impossible ou impensable, l’habitude, la peur d’une réaction violente, mais justement, l’argent pourrait-il suffire à fournir suffisamment d’assurance pour surmonter ces facteurs de paralysie et de renoncement ? » demande l’auteur.

Le prix de la liberté

Tel un apothicaire, il calculera le prix de cette liberté. De combien d’euros avez-vous besoin pour un plein chargement de courses par semaine ? Combien pour un appartement décent par mois ? Et pour l’arranger ? Comme Virginia Woolf cent ans plus tôt dans son essai emblématique Une chambre à soiÉdouard Louis estime que la liberté « n’est pas avant tout une question esthétique et symbolique « , mais  » matériel et pratique « .

 » Une chambre, un espace, des murs, une clé, de l’argent : c’est aussi ce dont ma mère avait besoin, non pas pour devenir écrivain, mais pour devenir une femme plus libre et plus heureuse. », écrit le fils de Monique. Son livre, tendre et émouvant, révèle toute l’admiration qu’il porte à sa courageuse mère.

Mais il ne s’agit pas pour autant d’une « glorification », ni d’un éloge de la fuite au sens romantique du terme.  » Pourquoi certains doivent-ils toujours courir, alors que d’autres peuvent dormir ? Pourquoi certains doivent-ils toujours lutter, alors que d’autres doivent en tirer profit ? (…) Combien de déceptions pour chaque évasion ? » insiste l’écrivain. Avant de générer le  » Beau « , dit-il, la fuite est un fardeau. Et face à cela, nous ne sommes pas tous égaux.

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Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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