Le corridor de Philadelphie, le nœud gordien d’une trêve introuvable
En répétant lundi 2 septembre, quelques heures après l’annonce de l’exécution de six otages par le Hamas, qu’Israël ne renoncerait sous aucun prétexte au contrôle du « corridor de Philadelphie », Benjamin Netanyahu a anéanti les minces espoirs de voir un accord sur la libération des 101 otages – morts ou vifs – détenus dans la bande de Gaza être rapidement signé.
Cette bande de terre, située le long de la frontière entre Gaza et l’Egypte, et incluant le poste frontière de Rafah, est devenue au fil des mois la principale pomme de discorde entre l’Etat hébreu et le Hamas, dans les négociations indirectes menées par les trois pays médiateurs – les Etats-Unis, l’Egypte et le Qatar. Son origine vient du nom de code « Philadelphie » (sic), utilisé par l’armée israélienne pour appeler la zone démilitarisée entre l’Egypte et Gaza après le traité de paix de 1979.
« La réalisation des objectifs de guerre passe par le corridor de Philadelphie », a soutenu le Premier ministre israélien, carte à l’appui, lors d’une conférence de presse. Selon lui, le contrôle de cette zone tampon « garantit que les otages ne seront pas sortis clandestinement de Gaza ». Elle exclut tout retrait, « même pendant 42 jours »a-t-il insisté, faisant référence à la durée de la première phase de l’accord prévoyant l’échange d’un groupe d’otages israéliens contre des prisonniers palestiniens.
« Le couloir Saladin »
Pour Israël, qui a pris le contrôle total de ce corridor de 100 mètres de large et de 14 km de long fin mai, il s’agit surtout d’empêcher le Hamas de se réarmer depuis l’Egypte, via la myriade de tunnels creusés depuis le blocus israélien de 2007. Or, Le Caire, chargé de sécuriser son « corridor Saladin » depuis un accord de 2005, est farouchement opposé à une présence permanente des forces israéliennes. Le mouvement islamiste palestinien exige également leur retrait total de cette zone comme condition à tout accord de cessez-le-feu, ainsi que du corridor de Netzarim qui coupe le territoire gazaoui en deux.
C’est pour tenter de résoudre cette quadrature du cercle que les États-Unis doivent, selon plusieurs médias américains, proposer dans les prochains jours une nouvelle formulation de l’accord de trêve. Wall Street Journalcette version devrait notamment insister sur la durée de la présence israélienne sur la bande de terre stratégique, en plus des détails sur les échanges de prisonniers palestiniens contre des otages et sur les conditions d’une éventuelle reprise des hostilités à l’issue de cette phase.
Comme pour accentuer la pression croissante à laquelle Benjamin Netanyahu reste imperméable, John Kirby, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, a rappelé mardi 3 septembre que le Premier ministre israélien avait déjà, par le passé, accepté de se retirer des zones densément peuplées autour du corridor de Philadelphie, après la présentation du plan américain fin mai.
« Les otages doivent être rendus »
Washington, qui ne cache plus son agacement envers son allié israélien, sans parvenir à le faire céder, répète que« Il est temps de finaliser un accord »au onzième mois de guerre. Une position partagée par l’opposition israélienne et par les manifestants dont la mobilisation en faveur d’un accord s’intensifie à travers le pays.
Tous accusent Benjamin Netanyahu d’avoir sacrifié les otages pour conserver le soutien de son extrême droite, clé de voûte de sa survie politique. Mardi soir, le leader centriste et ancien chef de l’armée Benny Gantz a condamné son intransigeance sur le corridor de Philadelphie. « Les otages doivent être restitués, même si le prix à payer est très élevé », a-t-il ajouté. a-t-il déclaré aux côtés de l’ancien membre du cabinet de guerre et responsable militaire Gadi Eisenkot, dont le fils a été tué dans les combats à Gaza en décembre 2023.
Illustrant cette impasse politique, l’un des piliers du cabinet Netanyahu, le ministre d’extrême droite de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a nié mercredi 4 septembre l’existence même de négociations avec le Hamas. « Un pays où six otages sont assassinés de sang-froid ne négocie pas avec les meurtriers, mais met fin aux pourparlers, arrête le transfert de carburant et d’électricité et les écrase jusqu’à ce qu’ils s’effondrent », il a écrit sur le réseau social X.
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