Nouvelles locales

« Langue étrangère », amour et frontières

Langue étrangère **

par Claire Burger

Film français, 1 h 46

Il y a des réalisateurs qui ont des territoires de cinéma comme Bruno Dumont, les frères Larrieu ou Alain Guiraudie. Claire Burger est de ceux-là, qui circonscrit le cadre de ses films dans son Est natal, plus précisément à la frontière entre la France et l’Allemagne où s’épanouit une double culture mais aussi une grande misère sociale. Ses deux premiers films Fille de fêteco-réalisé avec Samuel Theis et Maria Amachoukeli, et C’est de l’amourétaient situées à Forbach. La troisième, Langue étrangère, se partage à parts égales entre les deux pays – la première partie à Leipzig, l’autre à Strasbourg – et adopte successivement le point de vue de ses deux protagonistes Fanny et Lena, propulsées dans un pays qui n’est pas le leur à l’occasion d’un échange scolaire.

Une manière d’illustrer par la fiction et de manière charnelle la réalité du « couple franco-allemand ». Dans notre pays, on parle plutôt d’amitié franco-allemande. « , observe Léna à Fanny lorsque cette dernière lui fait visiter le Parlement européen où travaillent ses deux parents. Elle scelle en tout cas la nature de la rencontre entre ces deux jeunes filles aux personnalités opposées qui vont se renifler, se détester puis s’apprivoiser.

Lorsque Fanny débarque à Leipzig pour rendre visite à son correspondant, elle est introvertie, mal dans sa peau et à peine sortie de l’enfance malgré ses seize ans. Lena, elle, est une lycéenne déjà engagée dans des luttes écologiques et féministes proches de l’ultra-gauche. La fascination de l’une pour l’autre est immédiate, et Fanny est alors prête à tout pour se rendre intéressante aux yeux de son correspondant, quitte à tricher avec la vérité.

Deux grandes jeunes actrices

Claire Burger chronique avec beaucoup de sensibilité, et deux actrices redoutables (Lilith Grasmug et Josefa Heinsius), la naissance de cette amitié amoureuse qui doit franchir plusieurs frontières pour aller à la rencontre de l’autre. Mais le basculement entre les deux pays n’est pas seulement métaphorique pour la réalisatrice, qui embrasse d’un seul mouvement les problèmes actuels de la jeunesse européenne : la montée du nationalisme et du racisme, l’angoisse du changement climatique ou la tentation du radicalisme.

Face à des parents désemparés et désabusés, empêtrés dans leurs problèmes personnels, les deux adolescents rêvent d’un absolu qui les sortirait de leur quotidien morose. La tentation d’un certain didactisme – l’évocation de la chute du mur et des clichés véhiculés entre les deux pays – est heureusement contrebalancée ici par de jolies séquences oniriques et par une mise en scène nerveuse et soignée.

• Non ! * Pourquoi pas ** Bon film *** Très bon film **** Chef-d’œuvre

New Grb1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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