La productrice Margaret Menegoz est décédée
Les affinités électives entre le cinéma et la France, qui remontent aux frères Lumière, ont produit en plus d’un siècle d’existence une moisson de talents exceptionnelle, y compris dans des catégories qui ne partagent pas la visibilité des stars et des réalisateurs. Il reste par exemple une histoire de la production française à écrire, dans laquelle quelques très grands noms brillent d’une lumière qui ne demande qu’à être faite.
Margaret Menegoz, qui a exercé ses talents à la tête des Films du Losange de 1975 à 2021, était l’une de ces lumières. Elle y produisit notamment, pardonnez-moi de le dire, Eric Rohmer, Barbet Schroeder, Rainer Werner Fassbinder, Michael Haneke, Andrzej Wajda.
Décédée le 7 août, à Montpellier, à l’âge de 83 ans, rien n’indiquait a priori qu’elle deviendrait productrice de cinéma en France. Née Margit Katalin Baranyai en 1941 à Budapest d’un père hongrois et d’une mère souabe, elle fut expulsée avec sa famille par les Soviétiques à la Libération car sa mère appartenait à cette minorité allemande. Direction Berlin, puis Paris. Purement autodidacte, c’est par le biais d’une petite annonce qu’elle intègre une petite société industrielle de cinéma allemande, avant d’épouser, en 1962, le documentariste français Robert Menegoz.
Talent et détermination
En 1975, elle rejoint Les Films du Losange – gageons que sa connaissance de la langue allemande touche droit au cœur du grand romantique et fin érudit qu’est Eric Rohmer – dans une position suffisamment indéfinie pour qu’elle y puise l’énergie et l’intelligence qui lui permettront de démontrer sa détermination et son talent. Il n’y a sans doute pas de hasard si le destin de Margaret Menegoz, comme celui du cinéma moderne qu’elle contribuera à enrichir en France comme en Allemagne, trouve son origine dans le désastre de la Seconde Guerre mondiale.
Fondée en 1962 par Eric Rohmer et Barbet Schroeder pour réussir à créer, dans le sillage de la Nouvelle Vague naissante, les conditions d’une véritable autonomie financière, cette société allait devenir l’une des structures de référence du cinéma indépendant français, tant du point de vue de la production que de la distribution, cette dernière activité étant inaugurée par Margaret Menegoz et confiée à la dynamique Régine Vial.
Sans doute lassés des tâches administratives inhérentes à ce métier, les deux cinéastes fondateurs n’auront sans doute été que trop heureux de la voir prendre en charge, avec une rapidité et une certitude impressionnantes, les affaires de la maison. Un an après son arrivée, en effet, la voilà nommée gérante.
Il vous reste 54.48% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.