la majorité prise en tenaille
Mardi soir, Valérie Hayer a invité tous les parlementaires de la majorité à faire le point sur la campagne européenne. La tête de liste macroniste aura fort à faire pour rassurer son camp. A deux mois des élections, tout va mal.
Dans le dernier sondage Elabe – La Tribune dimanche, la liste de la majorité présidentielle est en effet au plus bas, avec 16,5 %. Il baisse d’un demi-point par rapport au mois précédent. Surtout, les tenailles se resserrent autour d’elle. D’un côté, l’écart se creuse avec la liste RN menée par Jordan Bardella, qui avec 30% (+0,5% en un mois) atteint désormais un niveau spectaculaire. Il se réduit en revanche avec la liste PS conduite par Raphaël Glucksmann, qui récolte 12% et bondit de 3,5 points par rapport à mars.
Pour le camp macroniste, la conclusion est sans appel : la stratégie, choisie par le chef de l’Etat, de dramatiser les enjeux et de reconfigurer l’élection en duel avec le RN, comme en 2019, ne fonctionne pas. Dans plusieurs catégories électorales, qui ont été pour lui de véritables points forts, les signaux sont alarmants. La liste de Valérie Hayer devance celle de Jordan Bardella chez les retraités (21% contre 25%) et les CSP+ (19% contre 24%). En région parisienne, le RN obtient 25 % et la majorité, 15 %, soit seulement un point de mieux que la liste Glucksmann. » La majorité paie la très forte impopularité d’Emmanuel Macron, analyse Bernard Sananès, le président d’Elabe. Plus les enjeux nationaux reviennent sur le devant de la scène, plus la situation lui est défavorable. Toutefois, Valérie Hayer avait été choisie pour rester sur une dimension européenne du scrutin. Les événements actuels rendent cela impossible. »
» Je comprends qu’il y ait des déçus au niveau national, mais au niveau européen, Emmanuel Macron a un vrai bilan », veut se rassurer, un pilier de la campagne. La majorité parviendra-t-elle donc à européaniser les campagnes ? La dernière semaine d’avril, le chef de l’État prononcera un grand discours sur l’Europe, dans la continuité de celui prononcé à la Sorbonne en 2017. » Il entend peser sur l’agenda de la future commission comme il a influencé celui de la commission von der Leyen avec la Sorbonne « , explique l’un de ses conseillers. Demain, une réunion se tiendra à l’Élysée pour arbitrer le projet défendu par Valérie Hayer dans les prochaines semaines…
» Nous avons un équilibre à trouver, » dit l’un des principaux leaders de la campagne. Nous devons tous les deux nous dévoiler notre projet et dénoncer l’hypocrisie du RN. » Le premier objectif doit permettre à la majorité de déclencher un mécanisme de vote utile, le second de réduire le retard sur la liste Bardella. Avec le même objectif stratégique, Valérie Hayer débattra demain sur CNews face à Marion Maréchal. Ce duel vise à faire exister la tête de liste Reconquête (dans l’enquête Elabe, elle a engrangé un point grâce au forfait de Nicolas Dupont-Aignan) étouffée par le Rassemblement national. » Je pensais qu’elle serait plus forte et j’irais plus d’électeurs pour Jordan Bardella et François-Xavier Bellamy »observe un député européen de Renaissance.
Une redistribution des cartes au sein de la gauche
Est-ce que cela peut fonctionner ? » Les européennes sont un scrutin où l’on peut vraiment dévisser », s’inquiète un proche d’Emmanuel Macron. En 2004, la liste Chiraque a obtenu 16,6 % et en 2014, la liste néerlandaise, 14 %. C’est aussi une élection où le premier défi est de mobiliser son camp. Aujourd’hui, 58 % des électeurs de la liste Hayer voteront avec certitude pour elle, contre 79 % de ceux de la liste Bardella. » Il s’agit d’une certitude de choix assez faible, note Bernard Sananès. Il n’est également qu’à 54 % en faveur de la liste Glucksmann et à 47 % de la liste LR conduite par François-Xavier Bellamy. C’est là qu’il peut y avoir du mouvement et un problème. »
Si, dans la majorité, beaucoup s’inquiètent de la menace que représente Raphaël Glucksmann, il bénéficie d’abord d’une redistribution des cartes au sein de la gauche (il capte 25 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon en 2022 et 26 % de ceux de Yannick Jadot) plutôt qu’une fuite des électeurs d’Emmanuel Macron à son profit (il récupère 11% de ses électeurs de 2022). » Il y a plus de déçus par le mélenchonisme que par le macronisme »conclut Bernard Sananès.
Géographiquement, le camp présidentiel privilégiera dans les semaines à venir le Grand Ouest et les grandes villes, c’est-à-dire là où se trouvent majoritairement ses électeurs. Avant le 9 juin, dans la dernière ligne droite, Emmanuel Macron s’impliquera en première ligne sous plusieurs formes qui ne sont pas encore complètement décidées (il pourrait notamment participer à une réunion à l’étranger). » Le militant européen qu’il est pense qu’il s’agit d’une élection existentielle », dit-on à l’Élysée. Pour le chef de l’Etat, c’est aussi une élection qui ne doit pas être une catastrophe et le priver d’oxygène pour ses trois dernières années de mandat.