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La guerre en Ukraine n’est pas terminée, mais la Russie érige déjà des monuments à ses soldats



Le conflit en Ukraine, qui dure depuis plus de 30 mois, a causé des pertes considérables aux deux camps, engagés dans une guerre d’usure qui consomme la plupart de leurs ressources. Mais alors que la plupart des Russes vivent à des centaines ou des milliers de kilomètres du front, la construction rapide de monuments aux soldats rappelle le lourd tribut humain de la guerre en cours.

L’émergence des monuments commémoratifs de guerre en Russie

Si la Russie a réussi à reprendre le dessus sur plusieurs fronts et avance lentement dans le Donbass, l’armée de Moscou subit encore de nombreux dégâts. Au 30 août, une enquête de la BBC et de Mediazona a dénombré 66 471 soldats russes morts depuis le 24 février 2022, en s’appuyant sur des sources publiques comprenant des articles locaux, des annonces officielles et des déclarations sur les réseaux sociaux de familles de militaires.

Ce chiffre est inférieur au nombre réel de pertes, qui sont loin d’être toutes comptabilisées : l’équipe BBC-Mediazona estime que les Russes auraient en réalité perdu 120 000 soldats au combat. Même en se basant uniquement sur les pertes identifiées, le bilan reste lourd pour le mois d’août : durant cette période, l’enquête a enregistré 4 640 pertes, alors que la Russie a subi en moyenne 2 215 morts militaires par mois selon la même enquête.

Cette accumulation de pertes est clairement visible sur le territoire russe, où de nombreux cimetières se sont rapidement remplis. Cependant, une autre forme de commémoration se développe : les monuments aux morts, qui voient le jour aux quatre coins du pays, avant la fin des hostilités.

Des mémoriaux aux zones les plus reculées

La Russie compte déjà de nombreux monuments commémoratifs de guerre érigés durant l’ère soviétique, alors que plusieurs autres pays issus de l’URSS les ont démantelés ou en ont changé la signification. C’est le cas de la Statue de la Liberté à Budapest, érigée en l’honneur de la « libération » du pays par l’Union soviétique, dont les inscriptions ne mentionnent désormais plus les soldats bolcheviques mais la lutte du pays pour l’indépendance.

Mais il y a une différence significative entre les monuments érigés aujourd’hui et ceux installés par l’URSS : Moscou a attendu la fin de la guerre, tandis que les mémoriaux d’aujourd’hui glorifient un conflit en cours en Ukraine.

D’autant que les statues n’apparaissent pas seulement dans les grands centres urbains, mais sont également installées dans des zones plus reculées. C’est le cas de Lovozero, une petite ville à l’extrême nord de la Russie, dans la région de Mourmansk, centre culturel du peuple Sami.

Le Barents Observer en signale également à Novy Ourengoï, situé au nord du district autonome de Yamalo-Nenets. On en trouve jusqu’à Taz, une autre petite ville située sur la péninsule de Taïmyr, la région la plus septentrionale de l’Eurasie, où une statue dédiée au «protecteurs de la Russie » a été installé en décembre 2023. Le maire de la ville a insisté à cette occasion pour que ce mémorial « devenir un symbole de la volonté indomptable, de la bravoure et du courage des soldats qui ont toujours défendu notre patrie et de ceux qui défendent aujourd’hui le pays, sa liberté et son indépendance.« .

Des monuments commémoratifs soviétiques démolis

Alexandra Polivanova, membre de l’ONG russe Memorial centrée sur la mémoire des victimes du régime soviétique interrogée par le Moscow Times, a dénombré en décembre 2023 au moins 3.187 mémoriaux ouverts en Russie pour commémorer le conflit. La plupart ne sont pas des statues mais de simples plaques murales ou des installations sommaires dans les écoles.

Mais alors que des milliers de monuments ont été érigés à travers la Russie depuis le début du conflit pour honorer les soldats tombés au combat, une autre catégorie de mémoriaux soviétiques disparaît peu à peu. Selon Memorial, toujours en décembre 2023, 23 monuments dédiés aux victimes du stalinisme ont été vandalisés ou démantelés, comme une croix en granit dédiée aux Polonais installée dans le cimetière commémoratif de Levashovo, où se trouvent plusieurs dizaines de fosses communes creusées pendant la Grande Terreur.

Selon Memorial, les victimes des minorités ethniques et religieuses qui ont souffert pendant l’ère soviétique sont les plus touchées par ces destructions de monuments. Un autre mémorial, dédié aux victimes ukrainiennes du stalinisme dans le même musée, a également été vandalisé.

Cette remise en cause de la mémoire des victimes de la répression soviétique s’inscrit dans une lente évolution de la perception de l’URSS en Russie, dont les dirigeants sont peu à peu réhabilités. En 2019, le centre d’analyse russe Levada révélait après un sondage que sur les 1 600 Russes interrogés par ses chercheurs, 51 % avaient du respect, de l’admiration ou de l’affection pour Staline, et 26 % des autres avaient de l’indifférence. 70 % des personnes interrogées ont déclaré que le rôle de Staline dans l’histoire russe était « entièrement » ou « plutôt » positif, contre 53 % en 2003 ou 39 % en 2008.



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Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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