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la chasse au terrain est ouverte, les prix s’envolent

Le signal du départ a été donné. Après avoir attendu plus d’un an un encadrement, la filière agrivoltaïque bénéficie depuis le 8 avril d’un décret qui définit la quasi-totalité de ses modalités de déploiement. De quoi signaler le réveil des entreprises du secteur, déjà prêtes à profiter de cette nouvelle visibilité permise par la loi. La preuve au salon de l’agriculture de Nouvelle-Aquitaine la semaine dernière qui accueillait pour la première fois des énergéticiens.

Entre les déambulations parmi les moutons et les vaches de races atypiques, la curiosité du public a également été stimulée par des maquettes d’installations photovoltaïques au-dessus des prairies. Des terrains convoités par les promoteurs d’énergies renouvelables qui envisagent de couvrir entre 0,5 et 1 % de la surface agricole française, soit 135 000 à 270 000 hectares. Même si certains projets sont déjà préparés, la publication du décret a déclenché une course aux terres.

 » Il y a une guerre terrestre, observe Fanny Voet, responsable marketing de Watt & Co, un développeur tarnais. Des sociétés ont été créées suite au décret, certaines proposent des modèles standards alors que chaque projet est différent. Nous verrons donc des entreprises disparaître car elles ne pourront pas maintenir la qualité de la production agricole. « , elle est d’accord. Le nouveau cadre impose aux exploitations agricoles de limiter la perte de rendement à 10% sous les panneaux puisque, comme le veut l’essence du texte, l’agrivoltaïsme est avant tout un projet agricole.

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« Attention aux fausses promesses »

Entre les nouveautés sur le marché et l’intérêt particulier pour les parcelles proches des points de raccordement, les promoteurs font monter les enchères. Les loyers annuels proposés jusqu’à présent aux agriculteurs étaient d’environ 2 000 à 3 000 euros par hectare. TotalEnergies aurait proposé de débourser plus de 7 000 euros par hectare chaque année pour un projet en Lozère selon les représentants du secteur.  » La filière avance, chaque prairie est devenue une opportunité. Cette guerre foncière se traduit par une multiplication des propositions sur les loyers. Il y aura de la spéculation sur les terres agricoles », précise Bastian Édouard, directeur commercial d’Energiter, promoteur montpelliérain.

Les commissions de régulation chargées de l’examen des dossiers (les Commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers) pourrait modérer le jeu afin d’éviter une flambée des loyers au détriment de la production agricole.  » Ils veulent examiner nos promesses et voir si les loyers ne sont pas trop élevés. On prévient les éleveurs en leur disant qu’à 7 000 euros l’hectare, le projet ne passera pas », pense le représentant d’Energiter. « L’agriculture doit se méfier des fausses promesses »on prévient chez Watt & Co. Trop haut, trop beau ?

Les revenus énergétiques intéressent le monde agricole, voire les chambres d’agriculture. Plusieurs départements ont déjà imposé le partage de la valeur créée par l’agrivoltaïsme sur leurs territoires, comme la Gironde ou la Nièvre, via les Gufa (groupements d’utilisation du financement agricole) afin de financer des projets de transition ou d’installation. Une redistribution parfois obligatoire qui réduit les marges des développeurs.  » Les revenus ne devraient aller qu’aux agriculteurs. Les appareils fleurissent, comme Gufa, mais ils ne doivent pas empêcher le développement de certains projets. Nous ne devons pas devenir des vaches à lait », prévient un représentant de la société allemande Notus basée en France.

Sans les céréales et la vigne

Si les magnats de l’agrivoltaïque saluent à l’unisson l’arrivée du décret, le texte est aussi là pour les encadrer. L’objectif de maintien des rendements et d’un taux de couverture maximum fixé à 40 % élimine plusieurs types de projets. Notamment les installations au-dessus des parcelles céréalières et viticoles qui souffriraient, a priori, trop d’ombre et d’humidité. Les terres d’élevage seront prioritaires en attendant que l’Institut National de Recherche Agronomique produise ses travaux sur d’autres cultures. Les plus petits projets en termes de superficie peinent également et peinent à être financés par les banques puisque le taux de couverture – et donc les bénéfices – sont limités.

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Mais le réveil du secteur est arrivé et les projets vont désormais se multiplier. Le décret a mis en lumière ce secteur prisé des investissements citoyens. Promesses de rendements élevés obligent, avec 7% en moyenne, les développeurs parviennent à lever plusieurs centaines de milliers, voire parfois plusieurs millions d’euros en quelques jours sur des plateformes de financement participatif dédiées à la transition énergétique comme Enerfip ou Lendosphere. Particularité : certains projets sont ouverts uniquement aux personnes résidant sur le territoire du projet. De quoi illustrer la quête de l’assentiment citoyen à travers la promesse d’avantages locaux.

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