Divertissement

« Je ne connaissais rien au cinéma… à part DiCaprio »

« C’est tellement bizarre de vous voir ici. » Mallory Wanecque vient de fêter ses 18 ans et nous accueille à Anzin, chez « Mémé », sa grand-mère adorée qui l’attendait depuis la fenêtre de son immeuble en béton et briques rouges. Elle n’avait encore jamais montré sa terre natale aux journalistes. Ses sœurs, Amanda et Mylena, sont présentes. Sur le buffet, les portraits de Johnny Hallyday côtoient ceux de son grand-père décédé il y a une dizaine d’années.

« Quand je vois mon nom de famille au générique, je pense à lui. Il serait si fier. » Alors que le journal de 13 heures diffuse ses informations régionales, les trois jeunes femmes, nées de trois pères différents, font des allers-retours dans la chambre pour essayer diverses tenues.

« Ma sœur, tu es superbe comme ça ! » lance Mallory à Mylena, toujours incertaine de son choix. « Surtout, garde les pieds sur terre et la tête sur les épaules ! » prévient sa grand-mère en regardant sa petite-fille essayer des jupons Christian Dior et des robes Chloé pour notre séance photo. « Ouf ! Je n’ai pas fini de m’inquiéter pour elle… »

Une fête d’anniversaire… onze jours plus tôt, et entourée de ses sœurs, Amanda et Mylena.

Une fête d’anniversaire… onze jours plus tôt, et entourée de ses sœurs, Amanda et Mylena.

Paris Match / © Vincent Capman

Des yeux verts magnétiques, une impertinence sans pareille. C’est ce qui la fait remarquer par deux directeurs de casting à sa sortie du collège. Repérée « dans la nature » pour jouer dans « Les pires », le premier long-métrage de Lise Akoka et Romane Gueret. Comme Sophie Marceau à son âge, Mallory Wanecque n’imagine pas que le 7e art puisse faire partie de sa vie. « Je n’ai pas suivi de cours de théâtre. Le cinéma n’a jamais été mon truc. Je ne connaissais rien ni personne… à part Leonardo DiCaprio. »

De pères différents, ils ont grandi ensemble auprès de leur mère et restent très proches. Valenciennes, le 15 juillet.

De pères différents, ils ont grandi ensemble auprès de leur mère et restent très proches. Valenciennes, le 15 juillet.

Paris Match / © Vincent Capman

Le film a rencontré un tel succès qu’il a reçu le prix Un Certain Regard au Festival de Cannes 2022. « Avant le tapis rouge, j’ai fait une petite crise d’angoisse. Mais c’était du pur bonheur, hein ! », s’exclame-t-elle encore. « Bon, j’avoue, personne ne nous prenait en photo parce qu’il y avait une star qui était juste avant nous. » Sa prestation lui a valu une nomination au César du meilleur espoir féminin en 2023. Amanda n’en revient toujours pas. Et elle n’est pas la seule…

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J’ai l’impression qu’Adèle Exarchopoulos fait partie de ma famille, qu’elle est un mélange de moi, de ma mère et de mes tantes.

Mallory Wanecque

Personne dans la famille n’imaginait Mallory « capable » de faire sa place dans ce milieu. « Elle n’a jamais été une bonne élève, elle ne se souvenait d’aucun poème », confie Amanda. L’école était finie. L’apprentie comédienne quitta le lycée à la fin de sa deuxième année pour se consacrer entièrement à sa nouvelle passion. Gilles Lellouche, séduit, la choisit pour « L’amour ouf », le projet de sa vie (tant en termes d’ambition que de budget, 36 millions d’euros), présenté à Cannes cette année.

Dans

Dans « L’amour ouf », elle incarne Jackie, une lycéenne qui, dans les années 1980, tombe amoureuse de Clotaire, incarné par Malik Frikah.

© DR

Si certains critiques ont raillé l’esthétique « lourde » du film, la prestation de Mallory Wanecque a été épargnée. Même la profession a été impressionnée par son interprétation de Jackie, une adolescente de bonne famille qui tombe sous le charme de Clotaire, incarné par Malik Frikah, un voyou bagarreur qui s’implique dans une bande de braqueurs.

Sur la Croisette, elle pose aux côtés d’Alain Chabat, qui incarne son père dans le film, de Raphaël Quenard, de François Civil et d’Adèle Exarchopoulos, qu’elle considère comme « sa sœur ». « On me compare souvent à elle. Sur notre apparence, notre façon de parler. J’ai l’impression qu’elle fait partie de ma famille, qu’elle est un mélange de moi, de ma mère et de mes tantes. »

Après Cannes, c’est difficile de revenir à la vie normale. J’avoue que je ne me suis jamais sentie aussi seule qu’aujourd’hui.

Mallory Wanecque

Deux mois se sont écoulés depuis cette folle semaine à Cannes. Et Mallory est déjà pleine de nostalgie. « Pendant une semaine, tout le monde s’occupe de toi. On te dit que tu es belle, on t’apporte le petit déjeuner dans ta chambre, tu appelles le room service quand tu veux… Puis, soudain, tu rentres chez toi, tout est silencieux, c’est à toi de cuisiner. C’est dur de revenir à la vie normale. J’avoue que je ne me suis jamais sentie aussi seule qu’en ce moment. »

Seule ?… Mallory peut compter sur sa famille. C’est avec ses sœurs, au parc de la Porte du Hainaut, à Raismes, qu’elle décide de souffler ses bougies. « On se retrouvait ici. » Mallory regarde au loin, vers le lac. « C’est agréable ici, mais quand on est jeune, c’est mieux à Paris. » Elle est fière d’avoir trouvé son petit appartement dans la capitale et d’être enfin « indépendante ». Sa vie n’a pas tellement changé, pense-t-elle. « À part l’argent. »

Avec le réalisateur Gilles Lellouche et Malik Frikah sur le tournage du film.

Avec le réalisateur Gilles Lellouche et Malik Frikah sur le tournage du film.

© DR

Quand elle était plus jeune, sa famille avait du mal à « joindre les deux bouts ». « Cela m’a appris la valeur des choses. Même quand on avait des difficultés, ma mère a toujours réussi à nous assurer d’avoir de la nourriture et un toit au-dessus de nos têtes. » Aujourd’hui, elle peut faire ses courses « sans compter », sortir avec ses amis « sans se poser de questions ». Ce soir, elle commandera des tacos pour toute sa famille sur Uber Eats : « C’est ce dont je suis fière, de pouvoir payer pour tout le monde. »

Je veux jouer autant de personnages différents que possible. Une princesse, une nageuse, un voleur…

Mallory Wanecque

A peine majeure, Mallory Wanecque fait preuve d’une clairvoyance déconcertante sur le cinéma. « Je sais déjà qu’une autre actrice prendra ma place. Aujourd’hui, je fais partie de la nouvelle génération, je suis perçue comme le phénomène à suivre. Il faut travailler et se battre pour rester légitime. Si tout s’arrête demain, tant pis, c’est que la vie en aura décidé ainsi. »

Elle vient de terminer le tournage de « Rapaces », avec Sami Bouajila, et s’apprête à incarner une jeune mère de famille dans « Le gang des amazones » avec Izïa Higelin, Lyna Khoudri, Laura Felpin et Kenza Fortas. « Je veux incarner le plus de personnages différents possible. Une princesse, une nageuse, une braqueuse… On m’a refusé un rôle parce que j’avais l’air trop vieille, c’est la première fois que ça m’arrive ! » Et pourtant elle paraît si jeune ! Mallory rêve avant tout d’incarner « une femme puissante » dans un biopic et s’imagine déjà en protagoniste du prochain long-métrage de Jacques Audiard.

Elle incarne l'adolescente Adèle Exarchopoulos dans

Elle incarne l’adolescente Adèle Exarchopoulos dans « L’amour ouf » et est restée très proche de l’actrice, qu’elle considère comme une grande sœur.

Paris Match / © Vincent Capman

Elle nous guide jusqu’à la digue du Braek à Dunkerque, décor de plusieurs scènes de « L’amour ouf ». « Je vais pleurer, c’est tellement bizarre de revenir ici. Il faut absolument que je montre ça à Gilles », confie-t-elle en filmant la Manche et les usines d’ArcelorMittal avec son smartphone. C’est sur ces dunes qu’elle a tourné une « scène intime » avec Malik Frikah. La deuxième de sa carrière.

Je suis une fille avec un grand caractère. Les gens remarquent vite qu’il ne faut pas se laisser prendre à la légère.

Mallory Wanecque

« Tout était super carré, on s’est vu plusieurs fois pour en discuter. Il a été incroyablement attentionné avec moi. Quand je constate que mon partenaire n’est pas très à l’aise, j’en fais tout un plat pour compenser. Je suis très à l’aise avec mon corps. »

Elle est vigilante. Peut-être un peu grâce aux témoignages de Judith Godrèche et Isild Le Besco, victimes de violences sexuelles dans leur jeunesse, et qui, comme Mallory Wanecque, se sont lancées dans le cinéma alors qu’elles étaient encore adolescentes. « Ma mère me dit souvent de faire attention, surtout lors des séances photos… Je pense que le danger est partout en tant que femme, pas seulement pour les actrices. Je suis une fille avec un caractère bien trempé. Les gens remarquent vite qu’il ne faut pas m’embêter. »

Ahmed Sylla me dit de faire attention à l’alcool, à la drogue, aux paillettes… Et surtout de prendre soin de moi, de prendre le temps de me reposer entre deux shootings.

Mallory Wanecque

Amanda acquiesce. Elle garde un œil sur les choses et tient à remercier Ahmed Sylla, avec qui Mallory a partagé l’affiche de « Like a Prince » en 2023. « Il a été incroyable avec elle. C’est rassurant de voir qu’il y a quelques âmes aussi bienveillantes que la sienne. » Mallory ajoute : « Il me dit de faire attention à l’alcool, à la drogue, aux paillettes… Et surtout de prendre soin de moi, de prendre le temps de me reposer entre deux tournages. »

Pour ses 18 ans, elle rêvait de réunir sa famille et ses copains de cinéma. Mais Mallory a dû annuler sa fête d’anniversaire, faute de convives. « Tout le monde est en vacances ! Surtout avec les Jeux olympiques… C’est ça, naître un 26 juillet ! C’est l’histoire de ma vie ». Elle a donc prévu de partir à Barcelone avec son père, qu’elle retrouvait quand elle avait « 7 ou 8 ans » un week-end sur deux, et a demandé à sa mère « une casserole et une grande couverture » pour son appartement parisien. Mallory a grandi avec elle.

« Elle est vraiment loin de ce milieu, elle préfère vivre tout ça de l’extérieur. C’est elle qui me permet de garder les pieds sur terre. Elle me parle comme si de rien n’était… après tout, je suis loin d’être une star. » Ce n’est pas sûr.

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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