Indépendance ou financement, le choix difficile des startups en IA : Actualités
Les startups spécialisées dans l’intelligence artificielle générative (IA) sont-elles déjà une espèce en voie de disparition ? La question peut surprendre, mais la cruelle réalité du secteur est là : à peine écloses-elles, elles se retrouvent englouties par les géants du numérique.
Jusqu’à récemment, les startups de la Silicon Valley étaient inondées d’argent, mais la hausse des taux d’intérêt a radicalement changé la donne et les sources se sont taries.
Faute de financement, plusieurs des startups les plus prometteuses, comme Inflection AI ou Adept, ont été confrontées à une fuite de leurs dirigeants, priés de rejoindre discrètement les grands groupes du secteur.
Certaines, comme Character AI, éprouvent de grandes difficultés à réunir les fonds nécessaires pour maintenir leur indépendance, tandis que d’autres, comme l’entreprise française Mistral, ont été identifiées comme des cibles potentielles de rachat.
Même OpenAI, le créateur de ChatGPT, est lié à sa relation avec Microsoft, l’une des plus grandes capitalisations boursières au monde.
L’accord permet à OpenAI de compter sur un investissement de 13 milliards de dollars de Microsoft en échange d’un accès exclusif aux modèles d’apprentissage de l’entreprise. Amazon a conclu un accord similaire avec Anthropic, un autre fleuron du secteur.
– Définir les règles –
La raison principale n’est pas à chercher bien loin : le développement de cette technologie disruptive est si coûteux que seuls des groupes comme Microsoft, Google ou Amazon ont les moyens de la financer.
« Ceux qui ont les moyens sont aussi ceux qui fixent les règles et définissent les résultats attendus, qui seront nécessairement en leur faveur », explique Sriram Sundararajan, investisseur dans le secteur et professeur adjoint à l’école de commerce de l’université de Santa Clara.
Loin de la légende urbaine qui entoure la Silicon Valley, l’IA générative ne sortira pas du garage des parents d’un de ses créateurs.
Pour que ChatGPT puisse créer des textes qui imitent les créations humaines en quelques secondes seulement, il faut un type de technologie qui exploite des niveaux fantastiques de puissance de calcul à partir de serveurs dédiés pour lui permettre d’être formé.
« Les startups (du secteur) ont été fondées par d’anciens directeurs de recherche qui ont travaillé chez des géants du numérique et elles nécessitent des ressources dont seuls les grands fournisseurs de cloud disposent », rappelle Brendan Burke, analyste spécialisé en IA pour Pitchbook.
« Ils ne suivent pas le chemin entrepreneurial classique qui consiste à faire plus avec moins, mais souhaitent plutôt reproduire les conditions qu’ils ont vécues en travaillant dans des laboratoires de recherche très bien financés », ajoute-t-il.
La plupart des jeunes entreprises du secteur, dont Inflection et Adept, ont en fait été créées par d’anciens salariés de Google ou d’OpenAI.
Se rapprocher des géants « a donc tout son sens », estime Abdullah Snobar, directeur exécutif de DMZ, un incubateur de startups basé à Toronto (Canada), « cela nous permet de mettre de l’huile dans les rouages et de faire avancer les choses ».
– « Tuer la concurrence » –
Avec le risque toutefois de « tuer la concurrence » et de « se retrouver avec trois grands groupes qui vont tout aspirer », prévient-il.
La question brûlante dans la Silicon Valley est donc de savoir si les régulateurs finiront par intervenir. Les géants du numérique sont de plus en plus confrontés à des vetos en raison de leur appétit insatiable pour les startups à fort potentiel.
Ainsi, la tentative d’acquisition par Google de la société israélienne de cybersécurité Wiz, potentiellement l’une des plus grosses opérations du secteur, a été abandonnée précisément à cause du risque de ne pas passer le cap réglementaire.
Que ce soit aux États-Unis, dans l’Union européenne ou au Royaume-Uni, les régulateurs ont en effet annoncé qu’ils seraient plus attentifs et l’accord entre Adept et Amazon a attiré l’attention de l’autorité américaine de la concurrence (FTC).
« Les régulateurs auront du mal à empêcher le type d’accord » signé avec Inflection ou Adept, estime néanmoins John Lopatka, professeur de droit à l’université d’État de Pennsylvanie, « ce qui ne veut pas dire qu’ils ne tenteront pas d’agir ».
Dans une déclaration commune, les régulateurs américains, britanniques et européens ont déclaré qu’ils ne laisseraient pas les géants de l’industrie prendre le contrôle de l’industrie naissante de l’IA.
« La réglementation rattrapera l’IA », prévient M. Sundararajan.
publié le 28 juillet à 07:11, AFP