« Il est urgent d’agir pour protéger nos secteurs agricoles et alimentaires », alerte la Coopération agricole face à la crise du secteur
La Coopération agricole appelle le futur gouvernement à prendre des mesures pour faire face à la crise des filières agricoles. Dominique Chargé, son président, est l’invité économique de franceinfo.
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De nombreuses professions du secteur, notamment agricole, attendent la nomination d’un gouvernement pour avancer sur les dossiers en suspens. Dominique Chargé, président de la Coopération agricole, également éleveur laitier et avicole en Loire-Atlantique, est l’invité économique de franceinfo.
franceinfo : Quel est le dossier agricole que vous souhaiteriez voir en tête des priorités du prochain Premier ministre à Matignon ?
Il y en a plusieurs, mais celle qui nous tient le plus à cœur est bien sûr la reprise des projets que nous avons laissés inachevés et que nous avions suspendus en juin, en espérant que nous aurions les moyens de les reprendre. Plus généralement, nous constatons toujours que notre secteur fait face à un certain nombre de crises qui deviennent structurelles ou en tout cas qui ont des effets structurels sur nos modèles économiques. Il y a urgence à agir pour protéger nos filières agricoles et alimentaires et pour faire en sorte que nous soyons capables à l’avenir de répondre à l’objectif de souveraineté alimentaire, de transition écologique et, bien sûr, de rémunération et de renouvellement des générations et des agriculteurs.
Le projet de loi sur l’agriculture n’a pas été voté, il a été balayé par la dissolution. Il devait faciliter la transmission des exploitations et raccourcir les délais de contentieux. Espérez-vous que ce projet de loi soit repris tel quel ou préférez-vous qu’il soit renforcé ?
Lorsque ce projet de loi a été présenté, j’ai dit qu’il était intéressant pour un certain nombre de sujets, notamment celui sur le renouvellement des générations. Mais j’ai considéré que ce projet de loi était un très bon tronc, mais sans muscle. Il y a effectivement un besoin de renforcer ce projet de loi sur les leviers de compétitivité et d’accompagnement des transitions qui manquent cruellement dans les dossiers qui nous ont été présentés.
Qu’aimeriez-vous y ajouter ?
Je voudrais voir quelles sont nos difficultés aujourd’hui, qui sont finalement liées au constat des crises que nous traversons. Il y a d’abord une crise liée à la consommation.
« On voit aujourd’hui que les Français ont massivement réorienté leur consommation vers des produits plutôt d’entrée et de milieu de gamme. »
Dominique Chargeà franceinfo
Ils ont donc profondément modifié leurs modes de consommation et malgré la baisse de l’inflation, cela semble durable. Nous devons travailler à accompagner la transformation de nos filières et de nos modèles économiques pour mieux répondre à cette offre et à cette demande alimentaire sur lesquelles nous sommes positionnés, mais qui sont aujourd’hui beaucoup trop positionnées sur des produits importés.
40% du beurre est importé, 50% du brebis aussi, mais on ne peut pas forcer les Français à acheter français ?
On ne peut pas forcer les Français à acheter ce qu’ils ne veulent pas consommer. En revanche, il faut être capable de produire une offre de production agricole qui corresponde mieux à ce qu’ils consomment. Malheureusement, on constate depuis deux ans que les Français ont massivement réorienté leur consommation, notamment sur les produits bio ou labellisés, vers des produits d’entrée de gamme, et donc des enjeux directement liés au pouvoir d’achat.
Cela signifie donc qu’il faut être capable de produire moins cher. Comment y parvenir ?
Nous devons améliorer notre compétitivité. Cela passe par une baisse des impôts de production, qui sont actuellement deux fois plus élevés en France que la moyenne européenne et six fois plus élevés qu’en Allemagne. Nous demandons la poursuite du travail engagé en 2019 avec le ministre de l’Économie pour mener à bien la baisse des impôts de production. Nous demandons également des leviers plus importants pour améliorer l’organisation économique de notre production.
« Aujourd’hui, notre organisation productive ne nous permet pas d’avoir une production agricole mieux adaptée aux demandes du marché. »
Dominique Chargeà franceinfo
C’est quelque chose pour lequel nous, les coopératives, devons absolument disposer de plus en plus de moyens pour organiser l’approvisionnement de la production agricole.
Comment rendre le secteur agricole attractif pour les jeunes générations ? Au-delà de ce qui est déjà proposé, notamment dans le cadre du projet de loi qui devrait le reprendre.
Pour améliorer l’attractivité, je pense que cela passe inévitablement par l’amélioration, la stabilisation et la sécurisation des revenus. Cela passe aussi par l’amélioration des conditions de travail, c’est-à-dire par une modernisation des outils et une meilleure capacité à pouvoir robotiser les métiers exigeants d’aujourd’hui comme la traite. Il faudra aussi être plus attractif dans nos filières en même temps, car si nous n’avons pas les moyens de transformer la production agricole, cela ne sert à rien, ou alors cela sera très imparfait d’avoir une production agricole que nous ne pourrons pas valoriser.
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