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Hydro-Québec : voici 10 questions à poser à la nouvelle superministre Christine Fréchette

Le départ de Pierre Fitzgibbon à la veille des débats sur le projet de loi 69 est inquiétant. Ce projet de loi majeur transformera complètement la politique énergétique du Québec pour des décennies.

Déjà, des voix s’élèvent pour réclamer la suspension des travaux parlementaires entourant le projet de loi 69. Cette opposition inclut des partis d’opposition, des groupes environnementaux et le Syndicat des spécialisés et professionnels d’Hydro-Québec.

Tout d’abord, comprenez

Le projet de loi 69 compte une cinquantaine de pages. C’est un document que ni vous, ni moi, ni même la plupart des élus ne comprenons vraiment.

Derrière le verbiage juridique se cachent trois mesures phares qui transformeront à jamais la façon dont l’énergie est produite, distribuée et commercialisée au Québec :

1. Suppression de l’obligation de procéder par appel d’offres. Cela accélérera le rythme de développement d’Hydro-Québec, mais réduira la transparence et la participation du public aux projets.

2. De nouveaux paramètres de révision tarifaire visant, de manière générale, à augmenter le prix de l’électricité au Québec.

3. Ouverture aux producteurs privés d’énergie renouvelable, leur permettant de vendre directement à certains consommateurs.

Ces changements soulèvent de nombreuses questions, qui ne peuvent être analysées en quelques heures de commission parlementaire.

Voici dix questions que les députés devraient poser à la nouvelle super-ministre de l’Économie et de l’Énergie, Christine Fréchette :

1) Quel rôle jouera le PDG d’Hydro-Québec dans les décisions? Le projet de loi 69 donne une « flexibilité » à la direction générale, mais accorde au gouvernement un droit de regard. Cela peut être interprété de différentes manières, mais cela pourrait signifier que l’entreprise publique se retrouve entièrement subordonnée au politique. Est-ce le cas ?

2) Où est passé l’excédent ? Et où ira l’excédent ? En 2020, le siège social affirmait disposer d’un excédent de 40 TWh. Quelques mois plus tard, il en manquait 100. Les prévisionnistes peuvent-ils nous donner une idée plus fiable de l’énergie et de la puissance disponibles pour les années à venir ?

3) Comment les projets seront-ils choisis ?

Début 2024, Pierre Fitzgibbon avait sur son bureau 150 « bons » projets, soit 13 500 MW de puissance ; un tiers de la capacité actuelle. Il lui fallait faire des choix. Mais comment ? Est-ce à une seule personne, à la tête du « superministère », de décider des gagnants et des perdants ?

4) La Planification intégrée des ressources énergétiques (IREP) affirme vouloir impliquer les experts, les communautés autochtones et l’ensemble de la population. Impliquer ? Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

5) Quelles sont les implications pour les achats locaux ? Si on supprime toute obligation de recourir aux appels d’offres, abandonne-t-on aussi le soutien à l’industrie locale dans la construction de barrages, d’éoliennes et de panneaux solaires ? En matière industrielle, le Québec deviendra-t-il une « filiale » dans le secteur de l’énergie ?

6) Comment sera gérée l’opposition des citoyens aux projets ? Dans le contexte du développement éolien et hydroélectrique, des communautés entières ont commencé à exprimer leur désaccord. Ces voix seront-elles entendues ? Comment l’intérêt national sera-t-il équilibré avec les préoccupations locales ?

7) Hydro-Québec aura-t-elle son mot à dire sur l’utilisation de l’énergie produite par le secteur privé? Allons-nous laisser n’importe qui défricher des forêts et convertir des champs pour en faire ce qu’il veut ? Que faire de « l’hydrogène vert » ou des cryptomonnaies, deux industries que l’on décrit comme de fausses solutions, des escroqueries et des fraudes du XXIe siècle ?et siècle?

8) Le nucléaire fait-il partie du futur mix énergétique du Québec, oui ou non? De plus, est-il normal d’avoir donné à AtkinsRéalis (ex-SNC Lavalin) – un fournisseur de technologies de mini-centrales nucléaires – le mandat de déterminer si nous avons besoin ou non… du nucléaire ?

9) Comment seront gérés les efforts d’efficacité énergétique résidentielle ? La filiale Hilo, qui a perdu son PDG (licenciement) et son responsable technologique (démission), continue d’opérer en marge de l’entreprise publique. On apprenait en 2022 que le siège payait Hilo deux fois plus cher pour les gains de puissance que pour les clients industriels. Comment compte-t-on faire évoluer les comportements sans pénaliser les consommateurs ?

10) Devrions-nous et devrions-nous envisager de réviser nos contrats d’exportation ? Les prochains projets de développement, qu’ils soient éoliens ou hydroélectriques, coûteront au moins 10 à 12 cents le kilowattheure. Or, pour la première année du contrat avec le Massachusetts, l’énergie sera vendue à 5,15 cents le kWh. Pendant 20 ans, nous vendrons de l’énergie aux Américains à une fraction du prix. Est-il trop tard pour rompre l’accord ?

Bref, le projet de loi 69 n’a pas encore été examiné en bonne et due forme, et il soulève déjà des questions fondamentales pour l’avenir de l’économie et de l’énergie du Québec. Ces questions ne peuvent être traitées à la légère et méritent à la fois une véritable joute politique et de véritables analyses économiques.

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