Hongrie, Italie, Pologne… Comment l’extrême droite gouverne nos voisins européens
Il existe plusieurs gouvernements d’extrême droite dans l’Union européenne. Certains, comme celui de la Hongrie, portent atteinte à la démocratie.
Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, le Rassemblement national pourrait arriver au pouvoir. Le parti d’extrême droite et ses alliés sont arrivés en tête avec 33,2 % des voix au premier tour des législatives du 30 juin. Il pourrait obtenir la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale (289) dimanche 7 juillet, au second tour. Ce basculement vers l’extrême droite a déjà été vécu par plusieurs de nos voisins européens ces dernières années. Hongrie, Italie, Pologne… Franceinfo fait le point sur ce que ces pays peuvent nous apprendre.
La démocratie sous contrôle en Hongrie
La Hongrie est dirigée depuis 2010 par le Premier ministre populiste Viktor Orban. En 14 ans, le chef du gouvernement a réduit les libertés civiles et mis à mal l’État de droit. La Hongrie est même devenue une « démocratie partielle »selon le rapport sur l’état des démocraties 2024 de l’ONG Freedom House. « C’est le modèle le plus abouti de gouvernement d’extrême droite dans l’UE »résumé politologue Catherine Fieschi, spécialiste de la droite radicale européenne.
La justice fut la première victime, mais tous les contre-pouvoirs furent peu à peu soumis à l’influence de Viktor Orban. Les attaques contre l’indépendance de la justice ont suscité la colère de la Commission européenne, qui a bloqué les paiements de l’UE au pays en 2022 pour faire pression. Viktor Orban et son parti Fidesz ont également réprimé la liberté de la presse, notamment en « transformer la radiodiffusion publique en un organe de propagande » et en prenant le contrôle de centaines de médias nationaux et locaux, via la fondation Kesma, explique Reporters sans frontières.
« Viktor Orban a désormais une réelle emprise sur les médias et le système judiciaire. »
Catherine Fieschi, politologueà franceinfo
Héraut de l’extrême droite européenne pour sa défense de « la famille traditionnelle »Viktor Orban a fait des minorités et des immigrés l’une de ses cibles favorites. Le parlement du pays a adopté une loi anti-LGBT+ en 2021, interdisant notamment « promotion » de l’homosexualité chez les mineurs. Une mesure vivement dénoncée à l’époque par l’exécutif européen.
Le Hongrois est aussi fréquemment en conflit avec l’UE, n’hésitant pas à bloquer les décisions des Vingt-Sept. Le régime Orban est aussi régulièrement accusé de détournement de fonds européens, ce qui lui a valu une pénalité de 1,5 milliard d’euros en 2019. Trois ans plus tard, les députés ont adopté un rapport selon lequel la Hongrie n’était plus une démocratie, mais une « régime hybride d’autocratie électorale ». « Nous savons que c’est la famille d’Orban qui collecte les fonds européens »a déclaré l’écologiste française Gwendoline Delbos-Corfield en 2022, lors de la présentation du rapport. « L’économie est gérée comme en Russie, les marchés publics sont distribués à ceux qui rendent des comptes au pouvoir »confirme Catherine Fieschi.
En Pologne, un retour difficile du camp pro-démocratie au pouvoir
Au pouvoir de 2005 à 2007, puis de 2015 à 2023, le parti polonais Droit et Justice (PiS) a utilisé des méthodes similaires aux techniques hongroises pour attaquer la démocratie et consolider son pouvoir. Le PiS a gravement porté atteinte à l’État de droit, s’attaquant à l’indépendance des juges en 2019. La question a fait l’objet d’un long conflit avec l’UE, qui a fini par bloquer la distribution des fonds européens à Varsovie. Comme en Hongrie, le PiS a mis la radiodiffusion publique sous son contrôle en y plaçant ses hommes et s’en est pris aux droits des personnes LGBT+, créant ainsi une situation de plus en plus précaire. « zones anti-LGBT+ » en 2021.
Contrairement à la Hongrie, « L’opposition est restée forte et mobilisée tout au long du règne du PiS »note Catherine Fieschi. Freedom House a ainsi considéré la démocratie polonaise comme « gratuit »dans son rapport 2024. Pour preuve, la victoire de la coalition dirigée par le Premier ministre de centre-droit, Donald Tusk, en octobre 2023. Pas facile pourtant à remettre en place « qui a été démantelé, notamment parce que le président du pays reste membre du PiS et s’oppose à tout changement »souligne Catherine Fieschi.
Andrzej Duda, dont les prérogatives sont limitées, dispose d’un droit de veto, que le gouvernement actuel n’est pas en mesure de contrer et dont il se sert pour défendre les positions ultraconservatrices de son camp. D’autant que « Le PiS reste extrêmement puissant dans les sondages »prévient Catherine Fieschi, et que la coalition au pouvoir rassemble des partis de droite, du centre et de gauche, ce qui ne lui facilite pas la tâche. Rassurée par les débuts de la réforme de la justice, la Commission européenne a néanmoins annoncé en mai qu’elle mettait fin à à la procédure qui a visé Varsovie sur l’État de droit.
En Italie, une attitude prudente à l’international et une vision très conservatrice à l’intérieur
La Première ministre italienne Georgia Meloni, en poste depuis la victoire de son parti Frères d’Italie en septembre 2022, a passé les deux dernières années à tenter de rassurer ses partenaires européens. La dirigeante de la troisième économie de l’UE, dont le parti est un héritier du fascisme et qui gouverne avec la Ligue très anti-européenne de Matteo Salvini, avait effrayé les Vingt-Sept avant son arrivée au pouvoir. Mais la dirigeante s’est depuis distinguée par un soutien fort à l’Ukraine face à la Russie et une volonté de collaboration avec Bruxelles. « Elle a surpris tout le monde, mais elle a compris que l’Italie avait besoin de l’UE, notamment pour financer ses promesses électorales »décrypte Catherine Fieschi.
Le leader italien « joue sur deux tables »le spécialiste qualifie : « Elle a une personnalité sur la scène internationale et une autre sur la scène nationale. » Son gouvernement très conservateur a ainsi cherché à remettre en cause le droit de filiation des couples gays et lesbiens et à autoriser en avril les militants anti-avortement à accéder aux structures qui pratiquent l’IVG.
« Elle avance masquée et je pense qu’elle ne restera pas longtemps comme ça, y compris sur la scène européenne »exhorte Catherine Fieschi. Georgia Meloni veut transformer en profondeur l’Italie. Une réforme constitutionnelle majeure est en préparation. Si elle est adoptée par référendum, elle renforcerait considérablement la présidence du Conseil, qu’elle occupe, au détriment du Parlement et du président de la République italienne.
En Suède, un parti d’extrême droite a une influence sur le gouvernement
L’extrême droite suédoise n’est à la tête d’aucun ministère, mais elle impose ses idées. Arrivée en deuxième position aux législatives de septembre 2022 avec plus de 20 % des voix, elle soutient le gouvernement de centre-droit du Premier ministre Alors que le pays a accueilli de nombreux réfugiés au plus fort de la crise migratoire européenne en 2015, le parti d’extrême droite des Démocrates de Suède a capitalisé sur le rejet des nouveaux arrivants par une partie de la population. « Le gouvernement a largement adopté ses propositions en matière d’immigration »souligne Catherine Fieschi.
L’accord gouvernemental prévoyait ainsi de réduire le nombre de réfugiés accueillis chaque année de 6 400 à 900, de renforcer le regroupement familial et de restreindre l’accès à la citoyenneté suédoise. « Ce sont toujours des mesures discriminatoires »le spécialiste souligne que, alors que les attaques de l’extrême droite contre les musulmans se multiplient, explique un article de Monde.
En mai, le gouvernement a suscité la controverse en proposant une loi obligeant les fonctionnaires à signaler les immigrants sans papiers aux autorités. Certains responsables ont alors dénoncé cette mesure. « d’un État policier ».