France/Élections : Pour les marchés, l’alliance de gauche fait plus peur que le RN – 26/06/2024 à 15:03
Traders au siège de l’opérateur boursier Euronext dans le quartier financier de La Défense
par Yoruk Bahceli
Une victoire de l’alliance de gauche aux élections législatives prévues en France les 30 juin et 7 juillet pourrait représenter un risque plus grand que celui de l’extrême droite aux yeux des investisseurs en France, estiment certains analystes.
La décision surprise du président Emmanuel Macron de convoquer ces élections anticipées et le fait que le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, parti placé à l’extrême droite, soit en tête des intentions de vote, ont exacerbé les inquiétudes sur la situation budgétaire. de France.
L’écart de taux entre le Bund allemand et l’OAT à dix ans s’est creusé, tandis que les actions des banques et entreprises françaises du CAC 40 ont baissé dans les jours qui ont suivi l’annonce de ce scrutin. La baisse s’est depuis atténuée sans que les actifs financiers ne retrouvent leurs niveaux d’avant l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale.
Quelques jours après cette annonce choc, l’alliance de gauche, réunie sous l’étiquette du « Nouveau Front populaire » – et que les sondages placent en deuxième position derrière le RN – a dévoilé un programme économique dont les projets de dépenses ont suscité des critiques. préoccupations budgétaires accrues.
Ainsi, des résultats meilleurs que prévu pour le « Nouveau Front populaire » – qui rassemble La France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS), le Parti communiste français (PCF) et Europe Ecologie-Les Verts (EELV) – voire la participation de cette alliance à un nouveau gouvernement constitue pour certains investisseurs et analystes une source d’inquiétude majeure sur les marchés financiers.
« Le pire résultat pour le marché serait que la gauche obtienne une majorité… c’est le risque extrême », a déclaré Gareth Hill, gestionnaire de portefeuille chez Royal London Asset Management.
Le « Nouveau Front populaire » a estimé la semaine dernière à 125 milliards d’euros pour 2024-2025 le coût de son programme économique, qui prévoit d’augmenter le salaire minimum à 1.600 euros net par mois, soit une augmentation de 10% des salaires des fonctionnaires. cette année, ainsi que l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans, contre 64 ans actuellement.
Selon l’alliance de gauche, ces dépenses seraient entièrement compensées par des hausses des droits de succession, de l’impôt sur la fortune et de l’impôt sur les multinationales.
Alors que le déficit public de la France a atteint 5,5% du produit intérieur brut (PIB) en 2023, Eric Coquerel, député sortant de La France Insoumise (LFI) a reconnu la semaine dernière que ce déficit budgétaire ne se réduirait pas si sa coalition parvenait à former un gouvernement.
C’est une source d’inquiétude pour les investisseurs car le déficit dépasse déjà la limite de 3% fixée par l’Union européenne, ce qui a conduit la Commission européenne à ouvrir la semaine dernière une procédure pour déficits publics excessifs. contre la France.
En comparaison, le RN a promis de mettre fin à la « déraison budgétaire » du gouvernement actuel et s’est engagé à procéder à un audit des finances publiques. Le référent du RN pour les questions financières, Jean-Philippe Tanguy, a déclaré à Reuters dans une interview publiée lundi que son parti mettrait fin à des décennies de déficits publics importants et respecterait les règles financières européennes.
Même si ces engagements doivent encore être soumis à l’épreuve du pouvoir, le fait que le RN parle au moins de responsabilité budgétaire est « rassurant », a souligné Gareth Hill de Royal London Asset Management.
IMPACT SUR L’EURO
Mais certains projets du RN effraient également les marchés en raison de leurs coûts jugés élevés. Il s’agit notamment du projet de réduire la TVA sur l’énergie et les carburants et d’abroger la réforme des retraites en fixant un âge de retraite à 60 ans pour les personnes qui ont commencé à travailler avant l’âge de 20 ans et qui ont cotisé pendant 40 ans.
Le RN affirme que ses projets peuvent être financés en réduisant les formalités administratives, en supprimant les niches fiscales et en réduisant les dépenses sociales en faveur des immigrés.
Les économistes de Nomura notent cependant une préférence des marchés financiers pour le parti d’extrême droite dans un choix entre le RN et le « Nouveau Front populaire ».
« A notre avis, la formation d’un gouvernement par le « Nouveau Front populaire », dans le cadre d’une majorité absolue ou relative, serait très néfaste pour les marchés financiers et conduirait à un nouvel élargissement des écarts entre les pays français et allemands. obligations », ont-ils écrit dans une note. Ils soulignent également que cela aurait un impact négatif sur l’euro.
« À bien des égards, le ‘Nouveau Front populaire’ rejette ouvertement les institutions qui régissent la prudence budgétaire, un peu comme Liz Truss au Royaume-Uni », écrit Nomura, faisant référence aux réductions d’impôts non financées de l’ancien Premier ministre. ministre britannique, qui a provoqué des turbulences sur les marchés obligataires en 2022.
Les économistes de la banque d’investissement Jefferies estiment qu’un gouvernement de gauche serait le « pire résultat » pour les marchés s’il était le résultat du succès du parti de Jean-Luc Mélenchon et conduisait à la mise en œuvre d’un programme politique d’extrême gauche.
« Nous pourrions assister à une multiplication des conflits avec l’UE », écrit Jefferies, qui s’attend à ce que l’écart de taux entre la France et l’Allemagne – actuellement autour de 70 points de base – se creuse jusqu’à 120 points de base. Une telle hypothèse est considérée comme probable à 20 à 25 % par l’intermédiaire.
« La réaction négative du marché pourrait durer plus longtemps et il n’est pas certain pour nous que ce scénario soit compatible avec une stratégie ‘buy the dip' », écrit Jefferies, faisant référence au fait d’acheter un actif lorsque le prix baissait. Une position que Jefferies préconise pour la plupart des autres hypothèses, dont celle d’une majorité absolue pour le RN.
(Reportage de Yoruk Bahceli, avec la contribution de Leigh Thomas, version française Claude Chendjou, édité par Blandine Hénault)