Flore Benguigui dénonce les humiliations subies au sein du groupe pop L’Impératrice
Le chanteur de 32 ans révèle à Médiapart les raisons de son départ du groupe L’Impératrice. Elle dénonce un environnement marqué par le sexisme ordinaire et l’humiliation.
Elle ne veut plus se taire. Après neuf ans de chant pour L’Impératrice, Flore Benguigui, auteure et compositrice, a mis fin à son aventure en septembre avec le groupe pop qu’elle a rejoint en 2015. « Cette décision n’est ni soudaine ni légère, elle est le fruit d’une longue et douloureuse réflexion, et prend malheureusement effet avant la tournée internationale de notre dernier album Pulsar», a-t-elle annoncé le 26 septembre, dans une publication Instagram. « Fin mai 2024, j’ai prévenu le groupe que je ne pouvais plus continuer. Que j’allais assurer la sortie de l’album et que la tournée des festivals d’été avait déjà commencé mais qu’il m’était physiquement et psychologiquement impossible de continuer, d’aller jouer cet album avec eux partout dans le monde », a écrit la jeune femme. qui a déclaré qu’elle partait pour « protéger (sa) santé, physique et mentale, qui a été sérieusement mise à mal ces dernières années ».
Ce samedi 23 novembre, quelques heures après un concert du groupe à l’Olympia et juste avant une seconde représentation, Flore Benguigui lève le voile sur sa situation en témoignant cette fois-ci auprès de Médiapart . Elle explique avoir souffert d’un environnement toxique, plein de sexisme ordinaire et d’humiliation. Elle commence par évoquer les critiques récurrentes sur sa voix, insuffisamment puissante pour les performances live. « On m’a toujours dit que j’étais une mauvaise chanteuse, que je chantais faux, pas assez fort », raconte Flore Benguigui au début de l’entretien, assurant que « très vite, il y a eu une pression pour que je chante plus fort » dans concert. Malgré des cours de chant intensifs, elle se heurte à un mur : sa voix est encore trop faible. Pour que le public ne s’aperçoive de rien, le groupe choisit alors de doubler sa voix avec des séquences préenregistrées lors des concerts. «J’avais l’impression de tricher, de mentir au public», admet-elle. « À aucun moment le groupe n’a dit qu’il fallait que le groupe s’adapte à la voix. C’était toujours la voix qui venait en dernier.
«Sous influence»
Ses efforts sont tels que Flore Benguigui perd finalement la voix en 2021, pendant un an et demi. « J’ai fait des radiographies, j’ai fait de la microkinésithérapie, j’ai vu des gourous sur Skype… Et c’est mon psychologue qui m’a fait comprendre que ça ne venait pas de moi », raconte l’artiste. au journaliste de MédiapartLénaig Bredoux. « Personne ne pensait que je devais arrêter. Nous avons continué la tournée. Pendant un an et demi j’ai essayé de chanter le plus possible, j’étais presque en play-back. C’est une énorme humiliation pour un chanteur.
À cela s’ajoute un climat d’anxiété qui donne à Flore Benguigui l’impression qu’elle pourrait « se faire virer » à tout moment. Alors, pour « garder sa place », elle avoue avoir toujours fait plus : « gérer les réseaux sociaux, faire du merch (merchandising), du stylisme, je lavais et repassais les tenues de scène de chacun ». De quoi lui faire perdre confiance en elle : « Je me suis dit que je ne méritais pas d’être là (…) que je méritais d’être traitée comme ça, d’être rabaissée. »
De plus, deux membres du groupe lui auraient rendu la vie difficile, avec une « alternance de love bombings, ils m’ont fait plein de cadeaux par exemple » et de moments où elle « était rabaissée, humiliée, ils pouvaient me crier dessus en devant les autres membres du groupe. Flore Benguigui dénonce également le contrôle exercé sur elle par le groupe : « On m’a déjà demandé de supprimer des choses sur mes réseaux sociaux. Même mes discours sur scène étaient très contrôlés. « J’étais sous influence », raconte Flore Benguigui, qui souligne « avoir été constamment avec 5, voire 9 hommes » pendant des années sans « vacances ni week-end », ce qui entraînait un « sentiment d’isolement très fort ». « . La chanteuse raconte avoir fini « en dépression, sous anxiolytiques ».
« Ce n’est pas la réalité des faits »
Contacté par Médiapartles cinq membres de L’Impératrice disent avoir « découvert la gravité des faits et les sentiments partagés par Flore ». « Alors que nous étions un groupe, soudé depuis 9 ans, nous sommes tristes de cette situation, de devoir répondre à Flore par la presse. Elle compte encore beaucoup pour nous et nous savons ce que le groupe lui doit, artistiquement et personnellement. Mais les situations décrites par Flore ne correspondent pas à la réalité des faits », argumentent-ils dans un email à Médiapart. Avant de nier avoir eu un quelconque contrôle sur ses prises de parole : « Au contraire, Flore s’est toujours exprimée librement sur ses projets personnels et les causes qu’elle défend, notamment à travers ses réseaux personnels. Concernant les interventions du groupe, il a été décidé dès sa création que les décisions seraient prises de manière collégiale et concertée. Concernant l’enregistrement de l’album, le lancement de la tournée et la promotion, Flore nous a réaffirmé à chacune de ces étapes son envie de continuer.
S’ils le regrettent, les musiciens de L’Impératrice assurent respecter le départ de Flore Benguigui. « Lorsque Flore nous a fait part de sa décision de quitter le groupe, nous avons convenu de poursuivre nos échanges dans un cadre constructif et bénéfique pour tous, avec une volonté commune de respecter la future forme de L’Impératrice. Nous avons immédiatement respecté sa décision, ignorant toutes les implications pour la suite du projet. (…) Si l’investissement et l’attention que nous lui avons apportés n’ont pas suffi, nous ne pouvons que le regretter. En tout cas, nous lui souhaitons le meilleur pour la suite. » Depuis, le groupe a trouvé une nouvelle recrue : la chanteuse Louve.