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En Mongolie, un hiver meurtrier décime les troupeaux de nomades

Carcasses congelées d'animaux morts, à Sükhbaatar (Mongolie), le 17 mars 2024.

La steppe fut enfin libérée de la glace et de la neige. Le blanc laisse place au jaune encore sec du début du printemps, mais sur ces étendues vides à perte de vue, on distingue régulièrement des taches d’autres couleurs : marron, beige, noir. Carcasses de chevaux, de moutons et de vaches, parmi les plus de 6,9 ​​millions d’animaux qui n’ont pas survécu au rude hiver. Les Mongols parlent d’un dzud (catastrophe) « blanc et fer » : la neige est tombée brutalement début novembre 2023, mais une période de douceur l’a fait fondre. Le grand froid est venu immédiatement après, gelant de décembre à fin mars une couche de glace impénétrable recouverte d’une épaisse neige.

Les nomades n’avaient aucun souvenir de telles températures, tombant en dessous de -40°C. Ils restèrent impuissants alors que leurs animaux mouraient un à un. Oyungerel Dolgsuren a presque tout perdu. Sur les quatre cents animaux qu’elle a élevés avec son mari Demberelsaihan et leurs trois enfants, seuls trois moutons, une trentaine de chèvres et quatre vaches survivent. Les treize chevaux qui restaient de leur troupeau de cinquante têtes se sont perdus dans le froid et le blizzard. Il ne fait aucun doute qu’ils sont désormais morts, mais le couple les recherche quand même.

Chaque soir, l’éleveur de 46 ans repense à ce qu’on aurait dû faire si on avait su : vendre tous les animaux en décembre. Mais en janvier, lorsque le couple a pris conscience de l’ampleur du désastre, il était déjà trop tard. Impossible de parcourir les 40 kilomètres de piste jusqu’à la petite ville de Munkhkhaan pour vendre le bétail. Les bergers étaient dans la neige jusqu’aux hanches et ils ont dû franchir la porte de la yourte pour sortir. En seulement quelques minutes dehors pour chercher et nourrir les animaux, Oyungerel Dolgsuren avait les pommettes gelées. Elle avait peur pour elle aussi. Les animaux ne pouvaient plus se nourrir en grattant le sol, la glace était incassable, leurs pattes étaient griffées. La famille a utilisé toutes les céréales supplémentaires qu’elle avait empruntées avant l’hiver, mais rien n’y fait.

Tas de carcasses

Affaiblis, les animaux succombèrent au froid et à la faim. Alors que les animaux malades ou vieux mettent du temps à mourir, raconte le nomade, là-bas, tout le monde est mort rapidement. Ils ont atterri et ne se sont plus jamais relevés. Chaque jour, il y en avait trois ou quatre, parfois plus, vingt à la fois, un matin terrible. La famille faisait dormir avec eux dans la yourte les animaux les plus faibles, mais ils étaient déjà trop faibles. Certaines femelles sont mortes d’épuisement pendant la grossesse ou en mettant bas. « Nous avons tout essayé » répète Oyungerel Dolgsuren.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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