En Isère, des personnes âgées « abandonnées » dans une résidence seniors en liquidation judiciaire : « Nous sommes tous paniqués »
« Soyez rassurés, vous êtes entre de bonnes mains. » Tel est le slogan de la société Cormaline, ancienne gestionnaire de la résidence pour seniors Clos des Tilleuls à Vézeronce-Curtin (Isère). Son site Internet promettait un « environnement chaleureux et accueillant ». Depuis un mois, les résidents vivent en réalité un cauchemar : ils ont reçu le 12 juin un courrier du directeur de Cormaline, les avertissant d’une possible liquidation judiciaire. Celle-ci a finalement été prononcée par le tribunal de commerce de Lyon le 2 juillet, et l’ensemble du personnel a brusquement quitté les lieux, fermant toutes les parties communes derrière eux.
« On est tous paniqués. On vit dans la peur d’être expulsés. À notre âge, c’est de la maltraitance », se plaint Josette, 89 ans, qui discute avec une dizaine d’autres résidents très inquiets dans le petit hall d’entrée. Ils ont entre 80 et 101 ans, les yeux embués, en évoquant leur situation. Il n’y a que deux fauteuils pour s’asseoir, alors que la plupart se lassent de rester debout.
« Nous n’avons pas le choix, la salle commune a été fermée pendant la nuit ! » poursuit Josette, qui ne cache pas sa colère. « Nous avons été abandonnés. Nous ne savons pas ce qui va se passer d’ici le 12 juillet. » (date limite pour que les acheteurs se manifestent). En attendant, je ne mange plus, je dors mal, et je prends des anxiolytiques comme beaucoup ici, pour surmonter le stress. »
« Il n’y a plus de service de restauration. On ne peut plus laver nos vêtements. »
A côté d’elle, Simone, 85 ans, dit ne plus se sentir en sécurité. « Il n’y a plus de gardien. La porte ne ferme plus. On entre ici comme dans un moulin. La buanderie et la salle commune sont fermées à clé. Il n’y a plus de service de restauration. On ne peut plus faire notre lessive. Les activités qui étaient organisées ont été annulées. On est livrée à nous-mêmes si on n’a pas de famille pour venir s’occuper de nous. »
« C’est une honte de faire subir ça à nos personnes âgées, fragiles et déstabilisées au moindre changement », déplore Joëlle Clastre, venue voir sa mère nonagénaire pour lui apporter à manger. « Ce sont des escrocs. Ma mère paye 960 euros pour 40 m2, dont 250 euros pour le nettoyage des parties communes et certaines prestations qui n’ont pas été honorées. C’est une arnaque. »
Face à l’incertitude, les 42 résidents vivent dans la peur de devoir partir. « J’ai une canne et je sais m’en servir. Qu’ils essaient de me faire déménager ! », prévient Claude, 83 ans. « Déménager où ? Les résidences de la région n’ont plus de place », renchérit Geneviève, 88 ans, un sac de vêtements à la main que le pasteur du village vient de laver pour elle.
Le maire de Vézeronce-Curtin, Maurice Belantan, s’échine depuis plusieurs jours à tenter de trouver une solution. « Le tribunal de commerce a eu une attitude inhumaine. Il ordonne la fermeture immédiate des services de la résidence comme s’il fermait une usine de boulonnerie, sans se soucier des conséquences humaines. Des personnes vulnérables et fragiles vivent toujours dans la résidence ! On essaie de voir si des structures d’aide à domicile peuvent prendre le relais. Le sous-préfet de La Tour-du-Pin vient d’ailleurs de m’assurer que les personnes âgées ne seront pas expulsables dans les six prochains mois. »