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en Allemagne, le parti d’extrême droite AfD tente de séduire les jeunes, notamment grâce à TikTok

Alors que les jeunes Allemands pourront voter dès 16 ans aux élections européennes, le parti d’extrême droite arrive désormais en tête chez les 14-29 ans, avec 22% d’intentions de vote, selon une étude récente.

La réunion affiche complet. Dans cette brasserie de Straussfurt, en Thuringe, ce soir d’avril, le public est généralement âgé entre 40 et 70 ans, mais des visages jeunes émergent dans l’assemblée. « Je suis pour l’AfD, mais je n’ai pas le droit d’en parler à l’école » » clame Adrian, 16 ans, micro à la main. L’invité qu’il est venu voir est le député régional Björn Höcke, « l’un des visages les plus extrêmes » du parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD), résume Politico. Un élu dont les opinions et les discours publics « rappelez-vous les théories fascistes et nazies des années 1930. » Il a également été condamné à 13 000 euros d’amende le 14 mai, pour un slogan nazi prononcé lors d’un meeting en 2021.

Cependant, Adrian est convaincu. Il votera pour la première fois aux élections européennes, et sa voix reviendra sans aucun doute à l’AfD.

« Ce que j’aime vraiment dans l’AfD, c’est qu’il y a une volonté de s’occuper des jeunes, de faire beaucoup pour les 15-25 ans. »

Adrian, jeune sympathisant de l’AfD

sur franceinfo

Comme les lycéens, la jeunesse allemande apparaît de plus en plus réceptive aux idées de l’extrême droite. En avril, l’AfD s’est hissée à la deuxième place des intentions de vote aux élections européennes en Allemagne, à plus de 18%, selon Euronews. La progression du parti est nette chez les 14-29 ans. Il arrive en tête de cette tranche d’âge, avec 22% d’intentions de vote, selon l’étude Youth in Germany 2024. Alors que près de cinq millions d’Allemands pourront voter pour la première fois, dès l’âge de 16 ansl’AfD tente de séduire ce jeune électorat, lors de meetings et sur les réseaux sociaux.

Vers la fin de la réunion, Adrian se précipite pour prendre une photo avec Björn Höcke. « J’ai l’impression que l’AfD a des réponses sur les retraites, les écoles, les dépenses publiques » s’avance l’adolescent, très enthousiaste. Il suit de près la fête sur les réseaux sociaux, tout comme Lennart et Mika, 15 ans, restés à la porte de ce rendez-vous à guichets fermés. L’AfD, selon Mika, « est le parti qui représente le mieux les jeunes. »

Le député AfD en Thuringe, un Land du centre-est du pays, Stefan Möller comprend bien l’importance de cet électorat. « Nous ne devons pas décevoir, garder le contact avec cette jeunesse », souligne-t-il d’une voix calme. Dans la région de Straussfurt en particulier, « il faut trouver des thèmes qui parlent aux jeunes. » Leurs moyens de transport, « la question du manque d’argent » et aussi leur identité. « L’AfD se considère comme le parti de l’identité et ce sont des questions que se posent les jeunes.. « Qui je suis, qui je veux devenir. » Adrian le confirme. Avec l’AfD, il estime « très renforcé » dans son identité, « En tant qu’homme » et contre l’immigration.

A deux heures à l’est de Straussfurt, Florian Russ et deux collègues se dirigent vers un quartier résidentiel de Magdebourg, le camion rempli d’affiches. D’une rue à l’autre, ils accrochent leurs pancartes pour les prochaines élections locales et européennes. Ceux-ci appellent à « stopper l’immigration clandestine », voter AfD « pour notre sécurité. » Tous trois sont membres de Jeune Alternative, un autre levier pour amener les jeunes vers l’extrême droite. En février, un tribunal de Cologne a jugé que l’organisation de jeunesse AfD était « clairement un mouvement extrémiste », préconisant un « vision ethno-nationaliste » de l’Allemagne. Ceci est confirmé par l’idéologie défendue par Florian Russ, qui dit avoir rejoint l’AfD parce qu’il se sentait « étranger dans (son) propre pays ».

L’Allemand de 25 ans affirme y avoir trouvé « un groupe, une communauté ». L’organisme propose des activités sociales, entre fêtes et randonnées, précise-t-il en placardant ses affiches, en plus des activités militantes. « Pour les Européens, nous allons écrire directement aux 16-17 ans, pour les inciter à s’inscrire sur les listes et à voter pour l’AfD », il continue. Cependant, l’essentiel de la communication se trouve ailleurs : « C’est sur les réseaux sociaux qu’on touchera le plus le plus grand nombre. »

Florian Russ, membre de Jeune Alternative, accroche une affiche pour l'AfD à Magdebourg (Allemagne), le 17 avril 2024. (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

Sur ce point, l’AfD a peut-être une longueur d’avance. Selon une analyse du consultant politique Johannes Hillje, citée par le Deutsche Welle, les vidéos TikTok des députés de l’AfD obtiennent en moyenne 458 000 vues, contre 72 000 pour le groupe du Parti social-démocrate (SPD). L’AfD était « le premier à utiliser la plateforme de manière systématique et stratégique », souligne-t-il à l’AFP. Le chancelier social-démocrate allemand Olaf Scholz n’a ouvert son compte qu’en avril, promettant de « ne danse pas ».

Pour mener à bien sa stratégie numérique, l’AfD s’appuie sur un vaste réseau composé d’élus nationaux et locaux, de groupes parlementaires et d’influenceurs, note le Blog de veille sur les réseaux sociaux. Et rien qu’en Thuringe, trois personnes travaillent à plein temps sur les réseaux sociaux du groupe parlementaire AfD, assure le député Stefan Möller. « Nos équipes informent également les influenceurs afin qu’ils puissent créer du contenu. » il élabore.

« Il est obligatoire d’avoir ces influenceurs pour gagner l’opinion. TikTok peut clairement être un réseau qui transmet le message de l’AfD aux jeunes.»

Stefan Möller, député de l’AfD en Thuringe

sur franceinfo

Un député régional a trouvé son public sur TikTok : Ringo Mühlmann, 48 ans, quelque 7 000 abonnés et 130 000 likes. Au Parlement d’Erfurt, capitale de la Thuringe, l’élu de l’AfD décrit des formations, des contacts avec des influenceurs d’extrême droite pour gagner en visibilité, et même quelques conseils. « Nous rédigeons nos discours de manière à pouvoir les découper et réaliser de courtes vidéos. » il glisse. Sur TikTok, Ringo Mühlmann publie des extraits de ses interventions, critique les écologistes ou encore « la folie du genre ». L’élu utilise sans fard de rhétorique transphobe.

Au même titre que les questions de migration et d’écologie, les identités de genre sont au cœur du discours de l’AfD sur TikTok. Maximilian Krah, tête de liste pour les élections européennes, critique les études sur le sujet, dénonce « les wokistes » et prodigue des conseils en matière de séduction. Sa vidéo la plus vue consiste en une série de remarques masculinistes destinées aux jeunes hommes.

« Ne vous laissez pas dire qu’il faut être mignon, doux, faible et de gauche. Les vrais hommes sont de droite. (…) Alors vous trouverez une petite amie. »

Maximilian Krah, tête de liste AfD pour les élections européennes

sur TikTok

« Mon partenaire venait de rompre avec moi, alors j’y ai beaucoup réfléchi » dit Erik Ahrens. Le jeune consultant d’extrême droite très confiant affirme avoir collaboré avec le candidat sur cette vidéo et sa stratégie TikTok. « Les jeunes hommes s’identifient à ces sujets. Je savais que c’était un bon moyen d’attirer l’attention.

Ces jeunes hommes, « surtout de l’Allemagne de l’Est, mais pas seulement », sont pour Erik Ahrens le public à capter sur TikTok. Le consultant dit multiplier les formations auprès des membres de l’AfD, pour les aider à acquérir ce terrain numérique. Avec trois conseils clés : « Parlez à la caméra et à votre public, créez beaucoup de contenu et parlez directement, avec émotion, aux gens ». Les ressorts du populisme ? «Nos opposants disent que c’est populiste. Nous appelons cela l’authenticité.

Fin mars, TikTok a décidé de limiter la diffusion des vidéos de Maximilian Krah, récemment embarrassé par une affaire d’espionnage pour le compte de la Chine. « Il partageait des théories du complot comme celle du ‘grand remplacement’. » a justifié un porte-parole de la plateforme, cité par Politique. UN « la censure » avec des effets limités, dit Erik Ahrens. « Nous allons inonder TikTok de vidéos à l’avenir. »

Theresa Lehmann, le 18 avril 2024 à Berlin (Allemagne) Photographie d'un téléphone avec tiktok

A Berlin, Theresa Lehmann, spécialiste des phénomènes de haine en ligne, s’inquiète de cette tendance et constate que « Le populisme de droite et les algorithmes fonctionnent très bien ensemble. » Au sein de la Fondation Amadeu Antonio, elle dirige le projet pre:bunk sur TikTok, qui utilise les fausses informations circulant en ligne – notamment d’extrême droite – pour les déconstruire. D’une vidéo à l’autre, « nous aidons les jeunes à détecter les stratégies de désinformation ».

Sur TikTok, les membres de pre:bunk se considèrent également comme des travailleurs sociaux travaillant auprès des jeunes. Ceux qui passent du temps sur la plateforme, qui se sentent seuls ou désorientés, et que l’AfD peut convaincre.

« Ces jeunes sont inondés d’informations provenant de très peu de sources. Ils ont beaucoup de sentiments sur ce qu’ils voient, et personne ne réagit à cela. C’est là que l’AfD entre en jeu. »

Theresa Lehmann, du projet pre:bunk

sur franceinfo

L’équipe de Theresa Lehmann tente de toucher ce public et de répondre à ces sentiments, mais la tâche n’est pas simple. TikTok, résume-t-elle, reste « un terrain de jeu » pour l’extrême droite. «Ils peuvent se présenter comme des hommes politiques amicaux et accessibles. Et qui ne constituerait pas une menace. Même convaincre les jeunes électeurs de voter pour eux ?

Ce reportage a été réalisé avec l’aide de Salomé Hénon Cohin, journaliste en Allemagne, pour la préparation et la traduction.

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr
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