En Algérie, dans un milieu masculin, deux pionniers de l’agriculture biologique
Occupés dans leurs champs, Ibtissem Mahtout et Amira Messous examinent leur récente récolte de fraises, tomates et oignons dans leur ferme écologique, un projet insolite en Algérie dans un milieu agricole encore très masculin.
« Dès que je suis sur le terrain, je suis content. Du matin au soir, nous sommes là. Pour moi, c’est le plus beau métier du monde”» lance fièrement à l’AFP Amira Messous, 28 ans, un régime de betteraves fraîchement arrachées de terre à la main dans l’exploitation créée il y a quatre ans à Douaouda, à 30 km à l’ouest d’Alger.
Après un master en biodiversité et écologie végétale obtenu à l’Université des Sciences et Technologies Houari Boumediene, les deux amis ont quitté Alger pour retourner à la terre et se lancer dans une agriculture respectueuse des cycles naturels, sans recours aux pesticides.
Selon le quotidien algérien Horizons, seulement 4% des inscrits à la Chambre d’agriculture de la préfecture de Tipaza (à laquelle est rattachée la ferme bio) étaient des femmes en octobre 2023.
Au début, « le fait de devoir s’intégrer (dans un milieu d’hommes, ndlr), ça faisait un peu peur », confie Amira Messous. Mais « Les agriculteurs sont contents de voir des femmes instruites sur le terrain, ils prennent le temps de nous expliquer, ça valorise leur travail »elle croit aujourd’hui.
« Nous avons commencé avec un petit budget, 60 000 dinars algériens (environ 410 euros), rien que pour acheter nos outils de base »explique l’agriculteur, formé par le collectif Torba, une association qui défend l’agriculture écologique. « On a appris à planter, à semer, à travailler la terre »raconte Ibtissem Mahtout, 29 ans.
Aujourd’hui, les deux partenaires emploient un ouvrier agricole à temps plein et jusqu’à huit saisonniers pendant la période des récoltes, sur leurs 1 300 mètres carrés.
Vendre sur Instagram
Leur succès repose également sur une stratégie commerciale innovante alliant réseaux sociaux et proximité avec le consommateur.
Chaque semaine, ils présentent, sur leur compte Instagram, leur panier de fruits et légumes que les clients intéressés peuvent réserver via Whatsapp, puis récupérer le vendredi matin – premier jour du week-end en Algérie – dans une ferme pédagogique de Zeralda, dans un à quelques kilomètres de leurs champs.
« De temps en temps, nous avons envie de manger quelque chose de sain. Et en plus, quand j’ai découvert les soldes pour les abonnés, j’ai trouvé ces filles très sympas, j’ai eu envie de les encourager »a déclaré à l’AFP Fatma Zohra, retraitée de 72 ans et cliente fidèle.
Chaque semaine, les deux opérateurs vendent entre 10 et 30 paniers dont la composition suit les saisons, souvent plus variée lors des beaux jours qu’en automne ou en hiver.
Au-delà du marché paysan du vendredi, où d’autres producteurs viennent également proposer leurs produits, la ferme pédagogique est aussi un espace de rencontre où sont organisés cours de cuisine, activités artistiques et visites pour les enfants.