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des migrants dénoncent les techniques parfois violentes des forces de l’ordre dans la Manche

Alors que le nombre de passages de migrants vers l’Angleterre a sensiblement augmenté depuis 2024, un dispositif important tente de freiner les départs. franceinfo a pu recueillir des témoignages de migrants qui dénoncent des méthodes particulièrement musclées.

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Distribution de vêtements secs aux migrants mis à l'eau après un départ empêché.  (BORIS LOUMAGNE / RADIOFRANCE)

Sur les quatre premiers mois de l’année, 8 000 personnes ont réussi à rejoindre les côtes anglaises, dont 800 pendant le week-end de Pâques. C’est un nouveau record atteint pour ce premier trimestre 2024. Sous la pression de l’Angleterre, les autorités françaises s’empressent de restreindre les départs, et franceinfo a recueilli des témoignages de migrants, qui disent avoir subi ce qui semble être des violences policières. .

Franceinfo a suivi une association d’aide aux migrants, Utopia 56, lors d’une de leurs maraudes nocturnes. En voiture, il est 3 heures du matin, et en mer, le temps est doux : « C’est clairement une fenêtre. » pour les départs, explique Axel, le coordinateur de l’agence de Calais. Cela relève déjà « les échos des gens qui sont en mer », et s’attend à ce qu’il y ait beaucoup de monde sur la côte. En effet, cette nuit-là, 700 personnes réussiront leur traversée. Mais des dizaines d’entre eux ont également échoué.

Couper un bateau avec un couteau

A 3h45, l’équipe d’Utopia reçoit un appel d’un groupe de migrants : des personnes auraient été « mouillé »avec des enfants. « Nous allons aller voir ce qui se passe. », décide Axel, pour voir quelle aide ils peuvent apporter. Dans la ruelle d’un lotissement, à 500 mètres de la plage d’Hardelot, une trentaine de personnes, pour la plupart des Syriens, sont mouillées de la tête aux pieds.

Des migrants se réchauffent devant un feu après une tentative ratée de traversée de la Manche.  (BORIS LOUMAGNE / RADIOFRANCE)

L’équipe d’Utopia distribue du thé et des vêtements secs, les migrants allument un feu sur le trottoir, et les langues se délient : « Nous sommes montés à bord du zodiacdit un homme, puis la police est arrivée et nous a attaqués. Ils nous ont lancé des gaz lacrymogènes, même s’il y avait des enfants et des femmes âgées dans le zodiac. » Tous confirment cette histoire. Une grenade lacrymogène a même atterri à l’intérieur du bateau gonflable qui était déjà en mer. Mais ce n’est pas tout: « Le bateau se trouvait à environ dix ou quinze mètres de la plagerapporte un autre homme, et trois policiers se sont approchés avec un couteau et ont percé les tubes avec le couteau. » « Tout le monde s’est retrouvé à l’eaudécrit un compagnon, c’était très dangereux. La police ne m’a pas aidé. » « L’eau était très profondeajoute le premier homme, et trois ou quatre personnes ont failli se noyer. »

Un dispositif impressionnant financé en partie par Londres

Il faut savoir que le droit de la mer est clair à ce sujet. Il est interdit aux policiers d’intercepter, et a fortiori de détruire, un bateau une fois qu’il est à l’eau. Et pourtant, d’après ces témoignages, et d’après d’autres récits que franceinfo a pu recueillir auprès de migrants vivant dans un camp près de Dunkerque, cette pratique de la police est loin d’être exceptionnelle.

En août 2023, au large de Berck-sur-Mer, un gendarme aurait demandé, via radio maritime, à un membre de la Société nationale de sauvetage en mer (SNCM) de percer les tubes d’un bateau de migrants. « On m’a demandé de briser le zodiaque des migrants, mais je suis là pour sauver des vies », a déclaré à la radio le marin qui a refusé d’accomplir cette tâche. En mars 2024, le journal Le monde a révélé qu’un signalement a été transmis à ce sujet au procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, par Rémi Vandeplanque, garde-côte douanier et représentant du syndicat Solidaires. « Une enquête est en cours, mais je n’ai pas d’autres informations »» déplore-t-il auprès de franceinfo.

Face à ces témoignages, la préfecture maritime et la préfecture régionale refusent de commenter ces cas précis. Ils indiquent simplement « qu’aucune consigne visant à percer les bateaux en mer ne soit donnée à la police ». Officiellement, la police ne peut intervenir que sur terre. Pour cela, le dispositif déployé sur les côtes de la Manche est conséquent. 800 policiers et gendarmes patrouillent quotidiennement, avec drones, buggies et caméras thermiques. Le tout est en partie financé par le Royaume-Uni : Londres a promis, l’an dernier, le versement de 543 millions d’euros à la France sur trois ans, pour réduire le nombre de traversées.

Augmentation des temps de traversée et prise de risque pour éviter la police

Malheureusement, ce dispositif policier impressionnant, entre Calais et Dunkerque, pousse les migrants à prendre de plus en plus de risques. « On voit que cela pousse les gens à aller toujours plus loin, toujours plus au sud.déplore Axel d’Utopia 56, nous avons des départs de Boulogne, à 30 à quelques minutes de Calais par autoroute, ou encore du Touquet, à une heure par autoroute. Nous avons même désormais des appels de détresse en provenance de la Baie de Somme, ce qui fait que les délais de traversée sont multipliés par deux ou trois. »

Et puis pour tenter d’échapper aux policiers qui patrouillent sur les plages, de plus en plus de migrants se lancent depuis les canaux en amont pour rejoindre la mer. Dans le canal de l’Aa, une opération de police vient d’avoir lieu. a eu lieu cette nuit-là, à l’écluse de Gravelines, à trois kilomètres de la mer. Rénald, un résident, a tout vu : « Quand je suis arrivéil dit, il y avait plus d’une cinquantaine de migrants qui venaient de jeter le bateau sur un petit pont. Mais malheureusement ils n’avaient pas parcouru 50 mètres lorsque le tube a explosé et ils se sont tous retrouvés à l’eau. La police est arrivée pour les aider à se relever. Depuis le début de l’année, 15 personnes sont mortes en tentant de rejoindre l’Angleterre, dont trois en empruntant un canal.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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