Nouvelles

Elections législatives 2024. « Je suis raciste ? Je suis noire, c’est ça ? » : dans les Yvelines, la campagne extrême de Babette de Rozières

Candidate de l’alliance Les Républicains – Rassemblement national dans la 7e circonscription des Yvelines, la célèbre dirigeante guadeloupéenne est arrivée troisième à l’issue du premier tour des législatives. Dimanche 7 juillet, elle espère décrocher un siège à l’Assemblée nationale en battant deux anciens membres du gouvernement : Aurélien Rousseau et Nadia Hai. Reportage à Conflans-Sainte-Honorine.

Une croix gammée surplombe le visage souriant de Babette de Rozières. Derrière elle, Jordan Bardella, le président du Rassemblement national (RN), et Éric Ciotti, le chef de file des Républicains (LR), arborent une moustache proche de celle d’Hitler. L’affiche électorale, qui trône dans une rue résidentielle de Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, est violente. A l’image de la campagne électorale dans laquelle s’est lancée la dirigeante guadeloupéenne.

Assise avec son mari à la terrasse d’une brasserie située près des bords de Seine, Babette de Rozières affirme avoir été victime d’insultes racistes et de menaces de mort depuis l’annonce surprise de sa candidature sous l’étiquette de l’union de la droite LR-RN. Mais ces attaques ne la découragent pas. Au contraire.

« Si j’ai laissé un instant mes fourneaux pour être ici, en campagne, c’est qu’il y a quelque chose à défendre. La France est en danger.elle croit. La seule alternative qui lui reste pour être sauvée est l’union de la droite.

La conseillère régionale d’Île-de-France et ancienne proche de Valérie Pécresse n’en est pas à son coup d’essai. Elle lorgne depuis des années un siège à l’Assemblée nationale. En 2017, lancée par Les Républicains dans une circonscription parisienne, elle n’obtient que 6,53 % des voix. Cinq ans plus tard, fâchée contre LR, elle se présente dans la 9e circonscription des Yvelines, revendiquant faire partie de la majorité présidentielle (sans y avoir été investie). Elle échoue à nouveau, ne recueillant que 2,91 % des voix.

Mais cette fois, la donne a changé. Portée par la vague d’extrême droite qui a frappé le pays aux élections européennes, Babette de Rozières a obtenu de très bons résultats dans la 7e circonscription des Yvelines, où elle est désormais candidate : 25,79 %. « Je suis allé chercher cette partition »dit-elle joyeusement.


Babette de Rozières, candidate des Républicains – Rassemblement national aux élections législatives dans les Yvelines.


Mais, même si le Rassemblement national, allié à la frange « ciottiste » des Républicains, a obtenu un résultat historiquement élevé dans cette circonscription habituellement plutôt centriste, l’ancien présentateur de télévision n’a terminé que troisième à l’issue du premier tour des législatives.

Avec quelques points d’avance, l’ancien ministre Aurélien Rousseau (18 810 voix, soit 36,68 %), qui s’est placé sous la bannière du Nouveau Front Populaire, et Nadia Hai (15 903 voix, 29,32 %), le député sortant, sont arrivés respectivement premier et deuxième. 13 987 personnes ont voté pour le Guadeloupéen.

Depuis dimanche soir, Babette de Rozières affirme avoir reçu des appels de conseillers de l’exécutif, qui souhaiteraient qu’elle se retire pour permettre la réélection du parlementaire Renaissance. En échange, elle obtiendrait un poste prestigieux. Des manigances politiques confirmées par l’hebdomadaire L’Express. « Je trouve ça honteux »s’emporte la patronne, qui rit à l’idée d’abandonner sa candidature : « Eh bien, c’est hors de question ! »

C’est donc une course à trois qui opposera dimanche prochain la gauche, le camp présidentiel et l’extrême droite. Aurélien Rousseau, ancien directeur de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France pendant la crise du Covid-19, qui a travaillé au cabinet d’Élisabeth Borne lorsqu’elle était Première ministre avant d’être nommée ministre de la Santé en juillet 2023, part avec une longueur d’avance. Fermement opposé à la loi sur l’immigration adoptée en décembre, l’homme de gauche avait décidé de quitter le gouvernement. Aujourd’hui, il espère remporter la circonscription avec Place publique, le mouvement mené par Raphaël Glucksmann, signataire du Nouveau Front populaire.

« Le sujet qui m’intéresse aujourd’hui, et je dois être extrêmement clair, c’est : est-ce que M. Bardella aura une majorité absolue à l’Assemblée nationale, ou une majorité relative ? (…) Je pense que le vote utile est le vote que j’incarne dans cette assemblée démocratique, républicaine et humaniste. »il défend à Conflans-Sainte-Honorine, ville qui l’a placé en tête dimanche dernier.


Aurélien Rousseau, candidat du Nouveau Front Populaire aux élections législatives dans les Yvelines.



Affiche de campagne pour Nadia Hai, à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines.


L’ancienne ministre critique l’attitude du député sortant, ancien ministre délégué à la Ville entre 2020 et 2022, qui refuse obstinément de se retirer pour faire barrage à l’extrême droite. Tout en distribuant des tracts devant la gare, Nadia Hai ne baisse pas les bras. « Je reste parce que je ne veux pas laisser les électeurs face à un choix qu’ils ne souhaitent pas, c’est-à-dire choisir entre l’extrême droite et l’extrême gauche. »soutient-elle. Elle reconnaît néanmoins que le score du RN dans les Yvelines est « inquiétant ». « Nous ne devons pas nous contenter de cela. »

Bien qu’elle soit en retrait par rapport à ses deux adversaires, Babette de Rozières veut encore y croire. Au premier tour, une candidate LR opposée à l’alliance formée entre Éric Ciotti et Marine Le Pen, a recueilli 4 142 voix. Une réserve potentielle de voix pour la candidate aguerrie.

Je ne suis pas défaitiste. Je suis sur le terrain pour le second tour. Et là, je me battrai encore plus fort, car il faut gagner cette circonscription. (…) J’appelle tous mes compatriotes de LR, tous mes compatriotes de droite, à me rejoindre, à rejoindre Bardella, à rejoindre Ciotti, car l’alternance est là !

Babette de Rozières, candidate LR-RN dans les Yvelines

« À l’aise dans ses baskets »Comme elle le répète souvent, elle refuse d’être associée à l’image d’un parti raciste, accusé d’attiser la haine au sein de la société. Elle s’en offusque : « Moi, suis-je raciste ? Je suis noir, n’est-ce pas ?dit-elle en désignant son visage. Je ne comprends pas pourquoi on parle de racisme. Le parti est tout neuf. Bardella est un jeune homme. Cela n’a rien à voir avec le Front national. Les gens se trompent.

Pourtant, depuis le lancement de cette campagne électorale express, dont l’issue pourrait bien être l’accès de l’extrême droite au pouvoir, les discours racistes – qui existaient déjà – semblent se généraliser en France. Dans son rapport publié juste avant le premier tour des législatives, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) soulignait que la tolérance tendait à diminuer dans le pays. Sans compter les affiches, les agressions physiques et verbales, les publications sur les réseaux sociaux qui témoignent d’un racisme de plus en plus décomplexé. Babette de Rozières elle-même en dit être victime.

La candidate à un siège de députée n’a désormais plus que quelques jours pour convaincre les électeurs de sa circonscription de voter pour elle. Mais la tâche ne sera pas simple, car le Rassemblement national peine toujours à séduire en région parisienne. A Conflans-Sainte-Honorine, à la terrasse de la brasserie, des clients venus boire un café reconnaissent la candidate guadeloupéenne. Ils se lèvent brusquement et décident de partir. « Je ne veux pas du Front national ici »un homme lui lance, dégoûté.

Cammile Bussière

One of the most important things for me as a press writer is the technical news that changes our world day by day, so I write in this area of technology across many sites and I am.
Bouton retour en haut de la page