Elections en Afrique du Sud, revers historique pour l’ANC
Il ne s’agit pas vraiment d’une défaite, mais d’une sanction sévère adressée par les électeurs au Congrès national africain (ANC), le parti de Nelson Mandela à la tête de l’Afrique du Sud depuis trente ans. En obtenant seulement 40 % des voix aux élections législatives du 29 mai, il a perdu la majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Un bilan trop négatif
S’il reste largement le premier parti du pays, loin devant le plus grand parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA) qui a recueilli 21,79% des suffrages exprimés, l’ANC paie son bilan politique, économique et social catastrophique. . Porté au pouvoir en 1994 par un formidable espoir de changement et d’amélioration de la vie de tous, en premier lieu des Noirs, l’ANC a déçu de nombreux Sud-Africains.
Même si l’Afrique du Sud est aujourd’hui la deuxième puissance industrielle du continent, plus d’un tiers de sa population est au chômage : un taux qui monte jusqu’à 60 % pour les jeunes de 15 à 24 ans. D’élection en élection, l’ANC n’a pas réussi à juguler la pauvreté. ou des inégalités qui minent le pays. Selon la Banque mondiale, le pays est même le plus inégalitaire au monde. Et la criminalité continue de battre des records. Symbole de cet échec, les coupures répétées d’eau et d’électricité qui affectent la vie des Sud-Africains au quotidien. À ce sombre tableau s’ajoutent les scandales à répétition impliquant de hauts dirigeants du parti de Nelson Mandela, notamment dans le domaine de la corruption.
Des scandales qui ne passent plus
Elu en 2019 pour redonner confiance à l’ANC après les deux mandats catastrophiques de Jacob Zuma, Cyril Ramaphosa n’a pas réussi à inverser la tendance. À peine deux mois avant les élections générales, la présidente de l’Assemblée nationale, Nosiviwe Mapisa-Nqakula, a dû démissionner parce qu’elle était soupçonnée d’avoir accepté plus de 200 000 euros de pots-de-vin alors qu’elle était ministre de la Défense.
Un facteur générationnel explique aussi ce déclin de l’ANC. « De nombreux jeunes en âge de voter n’ont pas vécu l’apartheid ni la période qui a immédiatement suivi. Le critère d’évaluation d’un gouvernement par cette catégorie d’électeurs est exempt de toute dette envers les mouvements de libération. Ils jugent les institutions étatiques sur la base de leurs résultats en matière de santé, d’emploi, de développement économique et de probité dans la conduite des affaires publiques.observe le groupe de réflexion Policy Center for the New South (PCNS) dans une note publiée à la veille du scrutin.
Il faut partager le pouvoir
L’ANC, enfin, a été considérablement affaiblie par la présence du parti uMkhonto we Sizwe (MK), fondé par l’ancien président Jacob Zuma et des transfuges du parti présidentiel, quelques mois avant l’élection. Obtenant 14,61% des suffrages exprimés, le député a attiré des partisans du président Zuma mécontents de l’éviction de leur leader en 2019. Ancré à gauche, jouant sur le ressentiment, le populisme, le communautarisme, le député a réalisé une percée lors de ce scrutin, faisant de lui le troisième force politique du pays. Un autre parti dissident de l’ANC, les Economic Freedom Fighters (EFF), a obtenu 9,48% des suffrages. Positionné à l’extrême gauche, l’EFF reprochait à l’ANC d’être trop conciliant avec les Blancs.
Ce résultat oblige le parti présidentiel à s’allier à d’autres partis pour gouverner, ce qui n’est pas sans problème. Il peut former une coalition à sa droite, avec le DA, mais il risque alors de déplaire à une partie de sa base qui ne comprendrait pas cette alliance avec un parti économiquement libéral associé aux « Blancs ». Soit il peut tendre la main à MK et à l’EFF, au risque d’affaiblir encore davantage la cohésion sociale en raison de leur positionnement trop à gauche, et d’inquiéter les marchés financiers, aggravant ainsi la crise économique. Quoi qu’il en soit, le résultat de ces élections législatives obligera l’ANC et l’Afrique du Sud à modifier leur mode de gouvernance, les obligeant à entrer dans l’ère des coalitions politiques.