Droits des femmes, le double discours du Rassemblement national
« Demain, je serai le Premier ministre qui garantira sans relâche à chaque fille et à chaque femme de France leurs droits et libertés. » Au cours de deux minutes et demie de vidéo, publiée sur ses réseaux sociaux lundi 17 juin, Jordan Bardella promet de leur garantir les droits, les libertés et l’égalité avec les hommes. UN « féminisme de façade » dénoncée par des associations (Fondation des Femmes, Planning familial, #NousToutes…) qui appellent, avec les syndicats (CGT, CFDT), à la mobilisation dans une quarantaine de villes de France, dimanche 23 juin.
Cette adresse à « toutes les femmes de France » est loin d’être anodin pour le RN. Si, historiquement, les femmes n’ont pas voté pour l’extrême droite, elles sont de plus en plus nombreuses à le faire : 30 % d’entre elles ont choisi ce parti aux élections européennes du 9 juin, contre 20 % en 2019.
« Il a toujours été dans l’ADN de l’extrême droite d’avoir une conception très traditionnelle des femmes : augmenter la natalité, les laisser à la maison pour s’occuper des tâches domestiques, etc. Lorsque Marine Le Pen devient présidente du parti, elle Le défi était de corriger son image et de réduire l’écart entre le vote des femmes et celui des hommes. Aujourd’hui, nous le constatons, le vide est comblé. » analyse Suzy Rojtman, porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes (CNDF).
« Ennemi des droits des femmes »
« Pour nous, très clairement, l’extrême droite est l’ennemie de la liberté et des droits des femmes.prévient Sarah Durocher, présidente du Planning familial. Nous le savons car les branches du Planning ont été attaquées ces dernières années, et le RN a menacé à plusieurs reprises de suspendre nos financements. »
En effet, derrière la vidéo de Jordan Bardella vue plus de 20 millions de fois, la position du Rassemblement national ces dernières années n’a pas souvent été en faveur des droits des femmes. En 2022, dans le programme de Marine Le Pen pour l’élection présidentielle, aucun de ses livrets thématiques ne mentionne clairement les femmes, évoquées uniquement dans le chapitre « famille » au prisme de la natalité, et dans le chapitre « sécurité » autour de l’immigration.
A l’Assemblée nationale, en juin 2023, seul le groupe RN s’est opposé au projet de loi « visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique » – largement adopté par les députés. Lors du vote au Congrès sur l’introduction dans la Constitution de « la liberté garantie aux femmes de recourir à une interruption volontaire de grossesse », en mars, une petite majorité de députés RN ont voté pour – dont Marine Le Pen – mais onze ont voté contre. et vingt se sont abstenus.
Instrumentalisation de la violence domestique
Au Parlement européen, le RN s’est opposé à plusieurs reprises à l’accès à l’avortement. En novembre 2020, ses vingt-trois élus ont voté contre une résolution visant à condamner la Pologne, qui restreint l’avortement aux femmes dont la vie est en danger ou victimes de viol ou d’inceste. En avril 2024, ils ont également voté contre l’inclusion du droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE.
Les associations déplorent également la position du parti d’extrême droite face aux violences faites aux femmes, « inexistant dans le discours du RN jusqu’à tout récemment », soutient Suzy Rojtman. En effet, les députés se sont abstenus en mai 2023 lors de l’adoption de la Convention d’Istanbul, un texte obligeant les gouvernements à prendre des mesures pour prévenir la violence, protéger les victimes et poursuivre les agresseurs. Et en juin suivant, une résolution est adoptée pour lutter contre le harcèlement sexuel au sein du Parlement européen. Aucun élu RN ne vote pour cela. Jordan Bardella s’abstient.
La question des violences sexuelles et conjugales n’est abordée par le RN qu’à travers le prisme sécuritaire, oubliant la prévention. Dans sa vidéo, Jordan Bardella promet de « reprendre le contrôle de notre politique migratoire en expulsant les délinquants et criminels étrangers » et renforcer les sanctions afin que les femmes puissent circuler librement dans les rues et les espaces publics.
« C’est de l’instrumentalisation.Nous savons tous que, dans neuf cas sur dix, l’agresseur est dans l’entourage. » regrette Sarah Durocher, qui sera présente dimanche à Paris, où le cortège s’élancera à 14h30 de République pour rejoindre Nation.