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Doit-on s’attendre à une baisse des prix ?

Des milliers de voitures électriques en stock en France. On pourrait facilement répondre à cette question en disant que « plus personne n’en veut », ce qui ne serait pas totalement faux dans l’absolu, mais il y a d’autres facteurs, un peu plus complexes, qui entrent en jeu.

Panique à cause des voitures électriques ? En regardant de plus près l’actualité automobile, on constate en effet Tous les signaux ne sont pas au vert, loin de là.

Entre le ralentissement de la croissance des ventes et les réajustements de stratégies de certains constructeurs (General Motors, Porsche, Ford, Volvo, etc.) qui devraient finalement maintenir en vie leurs gammes thermiques et hybrides plus longtemps que prévu, on peut logiquement se demander ce qui se passe sur le marché de la voiture électrique depuis plusieurs mois.

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Que disent les chiffres?

Mais en attendant, regardons quelques chiffres. Les résultats du premier semestre 2024 viennent d’être publiés par les constructeurs, et ils ne sont pas bonsà quelques exceptions près (ceux qui ne vendent pas de voitures électriques par exemple, comme Lamborghini).

Alors que la croissance du marché européen des voitures électriques a bondi de 53,8 % au premier semestre 2023 par rapport à la même période de l’année précédente, au premier semestre 2024, ce rythme jusqu’alors très soutenu est tombé à 1,3%selon les rapports de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA).

Il y a une raison à cela, et une étude récente de Transport & Environment nous l’explique : les ventes de voitures électriques au sein de l’UE continuent de croître, à l’exception notable de l’Allemagne. Sans compter ce pays, le nombre de voitures électriques vendues dans le reste de l’UE augmente de 9 % au premier semestre 2024 par rapport à la même période de l’année dernièreEn incluant l’Allemagne dans l’analyse, l’augmentation n’est que de 1,3 %.

Et pourquoi ce ralentissement s’est-il produit en Allemagne ? Tout simplement parce que le gouvernement a décidé, à la fin de l’année dernière, de mettre fin aux subventions pour ces véhicules.

En France, où le dispositif de leasing social a été mis en place, les ventes de voitures électriques ont augmenté de 14,8 % sur la période, malgré un durcissement des règles pour obtenir le bonus écologique. Reste à voir au second semestre 2024 comment cela évoluera, sachant que le leasing social est déjà verrouillé pour le reste de l’année.

Tesla modèle 3

Bien que le nombre de ventes de VE (voitures électriques) dans l’UE soit resté stable, leur part de marché a légèrement diminué à 12,5 % (contre 12,9 % au premier semestre 2023), y compris sur le marché allemand cette fois.

On pourrait aller encore plus loin en analysant le marché chinois, le marché américain, les performances des marques chinoises en dehors de leur marché local, mais ce ne serait qu’énoncer une évidence. Oui, de plus en plus de voitures électriques se vendent, mais pas encore suffisamment pour que les constructeurs s’y retrouvent et puissent respecter les échéances à venir. A commencer par le durcissement de la norme CAFE en 2025 (et des amendes de plusieurs milliards d’euros attendues pour certains constructeurs) et, à plus long terme, 2035 et l’interdiction de vente de voitures thermiques et hybrides neuves..

De nouvelles voitures électriques, partout et en tout lieu

Les constructeurs avaient anticipé un afflux de demande pour les voitures électriques, et comme cela n’a pas vraiment eu lieu, pour diverses raisons que nous expliquerons ci-dessous, Ils se retrouvent avec un stock absolument fou de voitures électriques.

Il y a bien longtemps, semble-t-il, que deux ou trois Tesla Model Y neuves en stock se disputaient dans la rubrique « stock » du site de la marque en France. Il en existe désormais une centaine, à tous les prix, et pour tous les goûts. Une Model 3 ? C’est pareil, il y en a une centaine. Et c’est évidemment sans compter le marché de l’occasion, où elles prolifèrent, notamment avec les retours de LLD et LOA d’il y a trois, quatre ou cinq ans.

Mais ce n’est pas forcément chez Tesla que c’est le plus impressionnant, même si le constructeur a été, et est toujours, obligé de louer des surfaces ou des parkings pour stocker ses voitures neuves, comme ce fut le cas au sein d’un centre commercial américain, pourtant voué à la destruction, qui accueillait plusieurs centaines de Tesla qui attendaient patiemment leurs propriétaires. En Allemagne, plusieurs centaines de Model Y sont également entreposées sur les parkings d’un aéroport, faute de place.

Vous avez peut-être aussi vu plusieurs articles d’actualité sur les ports européens saturés de voitures électriques chinoises. Plusieurs marques chinoises avec une grande quantité de voitures « bloquées » dans plusieurs ports du nord de l’Europe, dont ceux d’Anvers, Bruges (Belgique) et Bremerhaven (Allemagne).

MG4

Mais au-delà du ralentissement de la demande, c’est un peu plus compliqué que cela pour les marques chinoises. En effet, Il y a une volonté de la part de ces constructeurs de se développer le plus rapidement possible à l’étranger, notamment en Europe..

Les constructeurs chinois exportent d’énormes quantités de véhicules électriques dans le monde entier pour « allouer » les voitures déjà produites sur les marchés où la demande de voitures électriques est encore forte, tout en espérant gagner des parts de marché.

Pour atteindre ces objectifs, tout en essayant de contenir au maximum les coûts de transport, plusieurs marques chinoises (comme BYD) ont commandé de nouveaux porte-voitures. Des navires qu’elles ne « loueront » plus, mais qu’elles posséderont et qui seront à leur entière disposition.

Mais une fois arrivée dans les ports européens, cette quantité de véhicules rencontre un deuxième problème : manque de chauffeurs pour le transport de voitures par camionEt ce phénomène concerne aussi les industriels européens qui fabriquent à l’autre bout du monde.

Résultat, les images de plusieurs milliers de voitures électriques chinoises entassées dans les ports ont fait le tour du monde, et même si ces constructeurs continuent de voir leur part de marché croître en Europe, tous ces véhicules n’ont probablement pas encore été vendus.

Entreposer le plus de voitures possible pour éviter les taxes

A tout cela, il faut ajouter un phénomène nouveau : l’augmentation des droits de douane pour les voitures électriques qui ne sont pas fabriquées en Europe.

Pour rappel, L’UE impose des droits de douane supplémentaires pouvant atteindre 38 % sur les importations de voitures électriques chinoisesCette mesure, temporaire pour l’instant, qui s’ajoutera à la taxe habituelle de 10% sur les voitures électriques importées de Chine, précède une décision finale attendue en novembre. La raison ? Bruxelles accuse Pékin de favoriser illégalement ses constructeurs automobiles, créant ainsi une concurrence déloyale.

Le groupe SAIC (propriétaire de MG) est particulièrement touché, avec une augmentation de 37,8% des droits de douane, la plus élevée de tous les autres constructeurs chinois. Du coup, MG a approvisionné de nombreux modèles pour l’Europe en les faisant importer avant que ces taxes n’augmentent, d’où l’impressionnant stock de MG4 actuellement. La voiture, bien que n’étant plus soumise au bonus écologique, reste cependant parmi les meilleurs rapports qualité/prix du marché.

Volvo EX30 // Source : Volvo

Même chose pour Volvo et son EX30. On trouve plus de 47 pages de stock de ce modèle sur le site de la firme suédoise. Rappelons que Volvo est sous l’égide du groupe chinois Geely, et que cet EX30 est fabriqué en Chine. Il sera lui aussi soumis aux mêmes sanctions que MG, mais à un degré moindre, la Commission européenne s’étant prononcée sur une augmentation de 20 % des droits de douane pour les marques Geely. Mais Volvo a tout de même pris de nombreuses dispositions.

En revanche, il est un peu plus difficile d’expliquer les milliers de Renault Mégane E-Tech également en stock sur le site de la marque. Même si elle fait partie des meilleures ventes du marché français, Renault semble avoir pris de nombreuses dispositions pour l’année à venir, probablement, peut-être, en vue des normes CAFE pour 2025.

Pour éviter de lourdes amendes, il ne serait pas étonnant de voir le constructeur au losange immatriculer ces modèles en abondance au cours de l’année et ainsi abaisser sa moyenne carbone globale. Les véhicules pourraient alors être vendus comme des « véhicules d’occasion à kilomètre zéro » avec de belles remises à la clé. On verra bien.

Pourquoi y a-t-il de bonnes raisons d’espérer une reprise de la demande ?

Vous l’aurez compris, le marché ralentit, mais la demande n’est pas au point mort. On en connaît les causes : l’arrêt ou le resserrement des subventions dans certains pays clés (Allemagne et France), même si, à l’inverse, en Italie ou en Espagne, elles ont été renforcées. Le contexte économique fait aussi que le marché automobile en général ralentit. On peut l’attribuer aux tensions géopolitiques, mais de notre côté, on penchera davantage vers des prix encore trop élevés.

Car en fait, au-delà de la peur de la panne, qui n’est plus forcément un problème aujourd’hui, il y a toujours le problème du prix, même s’il est souvent noyé dans des financements astucieux aux loyers plutôt attractifs, mais remplis de conditions compliquées à remplir (prime à la conversion, apport gargantuesque, etc.).

Mais comme nous vous l’avons signalé dans un rapport récent, Les prix des batteries s’effondrent en Chineet les répercussions commencent à se faire sentir sur le marché automobile mondial. Au cours de l’année écoulée, le prix des cellules de batterie LFP en Chine a chuté de 51 % pour atteindre une moyenne de 53$/kWhL’année dernière, le prix moyen mondial de ces batteries était d’environ 95 $/kWh.

Les coûts des matières premières, la surcapacité et les marges réduites des fabricants expliquent en grande partie la chute drastique des prix des batteries, mais d’autres facteurs doivent également être pris en compte, à commencer par les améliorations technologiques significatives sur ces mêmes batteries et une certaine rationalisation des procédés de fabrication.

En Chine, les petites voitures électriques sont désormais moins chères que leur équivalent thermique. En France, c’est comme si la R5 E-Tech était devenue moins chère que la Clio, mais on en est encore loin, malgré les subventions.

Renault 5 E-Tech Electrique // Source : DPPI

La grande majorité des batteries pour voitures électriques vendues en Europe proviennent de Chine, Il y a fort à parier que le prix des modèles électriques vendus ici va également baisser. De toute façon, il n’y a pas forcément d’autres choix, car comme le démontre le marché allemand, sans l’infusion de subventions, le marché de la voiture électrique tel qu’il est actuellement ne tiendra pas, surtout avec des prix aussi élevés.

En France, le leasing social et le bonus devraient perdurer jusqu’en 2027, devraient permettre au marché d’atteindre une certaine maturité avant la fin de ces aides, avec une transition plus douce que chez nos voisins d’outre-Rhin, mais là encore, les constructeurs devront jouer le jeu et proposer des voitures électriques vraiment abordables.

Vers une baisse des prix ?

Car non, une voiture électrique neuve « à partir de 25 000 euros » n’est pas abordable, surtout lorsqu’il s’agit du modèle d’entrée de gamme. Rappelons que 25 000 euros, c’est à peu près le prix moyen d’une voiture neuve en France.

Et il en va de même pour les futurs modèles électriques « à moins de 20 000 euros », comme la prochaine ë-C3 qui arrivera en 2025 avec une autonomie d’environ 200 km, et dont le rapport prix/prestations n’est franchement pas bon sur le papier à l’heure où nous écrivons ces lignes.

La grande question est de savoir si le prix des voitures électriques va dégringoler en France dans les prochains mois. En partie oui, grâce à l’arrivée de voitures électriques plus abordables. Mais les voitures en stock vont-elles connaître des promotions pour vider les parkings ? C’est une possibilité.

Attention toutefois au prix des voitures électriques produites en Chine, qui pourrait, à l’inverse, augmenter dès novembre 2024 en Europe.


Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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