Des espaces réservés aux femmes qui voyagent seules ? « C’est triste mais nécessaire »
Mise à jour le 22 août 2024, suite à des précisions de la SNCF sur la réservation d’un compartiment « femme seule ».
Voyager serré dans un siège étroit entouré d’inconnus est déjà désagréable. Mais quand on passe en plus son trajet à craindre qu’une main se pose sur sa cuisse, cela devient carrément intolérable. Depuis mardi, la compagnie aérienne IndiGo permet à ses passagères, après un test concluant en juin, de voir où sont assises les autres femmes pour réserver un siège à côté d’elles, via une icône rose, plutôt que de risquer de se retrouver à côté d’un homme.
« Nous avons à cœur de proposer une expérience de voyage inégalée à tous nos passagers », explique la compagnie indienne, qui fait référence à un outil de son « éthique #GirlPower ». Une manière de gérer les agressions sexuelles dans les avions sans les nommer, dans un pays où « l’insécurité pour les femmes est telle qu’elle peut être un frein au voyage », pointe Marie-Xavière Wauquiez, présidente de l’association Femmes en Mouvement.
Le succès des compartiments « femme seule »
Mais le fléau est loin de se limiter à l’Inde. Aux États-Unis, le FBI a ouvert 96 dossiers d’agressions sexuelles en fuite en 2023. « Il y a un besoin urgent d’espaces sûrs entre femmes », constate Claire Suco, fondatrice de l’appli Meuf. « J’ai déjà passé des trajets en bus de nuit sans dormir », parce que j’étais assise à côté d’un inconnu, raconte-t-elle. Il faut donc trouver des solutions pour que les femmes puissent voyager seules sereinement. « C’est triste mais nécessaire », clame-t-elle.
Depuis plusieurs années, la SNCF propose une option « femme seule » pour ses trains de nuit, afin de créer des compartiments réservés aux femmes. « C’est plus rassurant car on dort », et donc vulnérable, approuve Marie-Xavière Wauquiez. Une option prise 80 000 fois en 2022, mais qui ne fonctionne pas toujours. Sur les réseaux sociaux, plusieurs femmes ont témoigné de déceptions une fois dans le compartiment, où elles se sont retrouvées quasiment seule femme parmi des hommes inconnus.
La faute à des dysfonctionnements techniques, selon la SNCF, mais aussi à une demande supérieure à l’offre. Pour éviter ces mauvaises surprises, depuis janvier, un message d’erreur s’affiche lorsqu’il n’y a plus de place dans les compartiments « femmes seules », obligeant le voyageur à effectuer une nouvelle réservation sans l’option en compartiment mixte « en toute connaissance de cause », indique la SNCF.
« Il faut mettre en place une solution technologique qui permette d’identifier le genre de la personne », explique Claire Suco. Un sujet que l’entrepreneuse connaît bien, puisque son réseau social réservé aux femmes a lancé au début de l’été un partenariat avec Lime pour permettre aux utilisatrices de rentrer chez elles après une soirée à vélo à moindre coût. « On va de plus en plus devoir s’identifier avec un selfie et une carte d’identité, ça fait partie de cette tendance », explique-t-elle, tout en reconnaissant qu’il faut prendre en compte les personnes trans pour qui « les déplacements sont aussi très sensibles en raison des attaques transphobes ».
Des rames de métro pour femmes ?
Et si on allait plus loin, en trouvant des espaces non mixtes dans les transports en commun, comme cela pouvait exister au siècle dernier ? Des voitures de métro réservées aux femmes, qui ont disparu en Europe, existent encore au Caire (Egypte) ou au Japon par exemple. « Ce serait un terrible retour en arrière », oppose Marie-Xavière Wauquiez. « Mais ça n’existait pas pour les mêmes raisons, on ne mélangeait pas hommes et femmes partout, aujourd’hui c’est un problème de sécurité », objecte Claire Suco, plus ouverte à l’éventualité.
Toutes deux s’accordent toutefois à espérer que les services mis en place par la SNCF et IndiGo soient des « étapes intermédiaires » vers un horizon plus apaisé pour les voyageuses. « Cela doit rester une étape transitoire, comme les quotas dans les entreprises. S’il faut passer par là pour changer les mentalités, faisons-le », estime Marie-Xavière Wauquiez. « La culture de l’égalité monte dans les esprits, des choses qui se faisaient et étaient acceptées avant ne le sont plus aujourd’hui, ça change les règles du jeu », ajoute-t-elle. Et les hommes devront aussi accepter ces nouvelles règles.