Divertissement

Dans « Emilia Perez », Jacques Audiard filme un voyou transgenre dans le milieu des cartels mexicains

Emilia Perez (Karla Sofia Gascon), dans « Emilia Perez », de Jacques Audiard.

L’OPINION DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER

Lisez de quoi il s’agit dans Émilia Pérez – depuis que le film a été présenté en compétition à Cannes en mai dernier, les occasions ne manquent pas – il faut vraiment se pincer pour y croire. Sans doute savait-on que Jacques Audiard était sensible à la séduction de l’insolite et du bizarre. Le fils d’un alcoolique devient imposteur et s’invente un passé de héros de la Résistance (Un héros très discret1996). Une employée de bureau sourde tombe amoureuse d’un petit délinquant en réhabilitation (Sur mes lèvres2001). Un videur séduit un dresseur d’orques qui a eu les deux jambes amputées (De rouille et d’os2012). Un réfugié tamoul, gardien d’une ville chaude, démontre au gang qui terrorise tout le monde en quoi consiste l’art de la guerre (Dheepan2015). On pourrait continuer à dérouler.

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Émilia PérezMais le scénario dépasse tout ce qu’on pourrait imaginer. Sans dévoiler tous les rebondissements, on pourrait s’en convaincre par la description la plus froide possible de ce drame musical porté à ébullition. Rita (Zoe Saldana), une avocate mexicaine ambitieuse exploitée par les pontes masculins du cabinet où elle travaille, est enlevée dans la rue par une escouade de voyous. Les yeux bandés, elle est emmenée de nuit au siège d’une créature ultra-virile d’où suintent bestialité et malaise : Manitas del Monte (Karla Sofia Gascon, grimée en homme).

Contre toute attente, le chef de gang, qui a pris toutes les dispositions, confie à l’avocate qu’elle achève le long processus d’une transition de genre et qu’il l’engage pour superviser, sans trahir son identité et avec un accès illimité à son immense fortune, la dernière ligne droite : organiser l’opération, simuler son assassinat, mettre sa femme Jessi (Selena Gomez) et ses enfants hors d’état de nuire en Suisse.

Energie sentimentale

Deux parties contrastées suivront cet exorde hallucinatoire. La première, par magie transformatrice, voit Manitas, devenue Emilia Perez (Karla Sofia Gascon, dans son rôle d’actrice trans naturelle), reconvertie dans l’action philanthropique, devenir une figure sociale venant en aide aux plus démunis. Une touche d’humour rédempteur, pour ne pas dire métaphysique, ne fait pas de mal. Incapable de surmonter la séparation d’avec ses enfants, elle recontacte néanmoins Rita pour organiser le retour au Mexique de sa famille, se faisant passer pour une cousine de Manitas qui les accueille dans sa maison. En attendant, sa veuve, Jessi, qui est en parfaite amour avec le ténébreux Gustavo, aspire farouchement à l’indépendance, comme toutes les femmes de ce film. Disons que c’est là que les ennuis commencent et que la transition commence à prendre un coup.

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Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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