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La Russie peut-elle l’emporter avant la fin de l’été ?

« La situation est assez difficile et tendue », a reconnu dimanche à la télévision ukrainienne Oleg Kalachnikov, le porte-parole d’une brigade engagée à Chassiv Yar, non loin de Bakhmut. Et la situation pourrait s’aggraver puisque les dirigeants ukrainiens craignent une offensive majeure de Moscou entre fin mai et début juillet. Volodymyr Zelensky a déclaré cela lors d’un entretien avec CBS le 28 mars et le chef des renseignements militaires ukrainiens l’a répété ce week-end à la télévision allemande ARD.

Cette menace est prise au sérieux par le général Vincent Desportes pour qui on ne peut exclure que « les Russes soient à Kiev en septembre et à Lviv (ouest du pays) en octobre ». « Nous sommes dans une situation critique », prévient-il. Le colonel et historien Michel Goya est plus mesuré : « Les Ukrainiens dramatisent forcément ce type de situation (pour accélérer l’arrivée de l’aide occidentale) mais ils n’ont pas forcément d’éléments concrets pour savoir s’il y aura ou non une offensive majeure. »

Une très longue collation

Toute la question est de savoir si les Russes ont les moyens de mener une telle offensive. Pour le général Desportes, « la dynamique s’est inversée en faveur de la Russie, qui a rétabli sa capacité de combattre durant la deuxième année de la guerre ». « Aujourd’hui, l’industrie russe produit plus d’armes qu’avant la guerre », note le soldat. Par exemple, elle produit deux fois plus de drones que l’Ukraine. » Et aussi d’insister sur « la profondeur démographique de la Russie qui lui permet de tenir le front et de former de nouvelles troupes » alors que l’Ukraine les consacre entièrement à résister aux assauts russes.

Si Michel Goya note la mobilisation en avril de 150 000 conscrits, il précise qu’il faut d’abord les former et que cela prend du temps. « Il peut y avoir une augmentation du potentiel russe dès l’été, à condition que nous puissions équiper tout le monde correctement », estime-t-il. Mais d’ici là, le rapport de force ne changera pas beaucoup. » En quatre mois, « les Russes ont conquis l’équivalent des deux tiers de la principauté d’Andorre », rappelle-t-il. Pour l’instant, on ne voit pas comment ils pourraient avoir les moyens de faire beaucoup mieux. »

Une percée improbable mais possible

Cependant, la météo va assécher le sol et faciliter les manœuvres et « si les Ukrainiens continuent d’être rationnés en termes de munitions, petit à petit, le rapport de force augmentera un peu en faveur des Russes ». Le colonel prévoit notamment une poursuite voire une accélération des attaques dans le Donbass, comme à Tchassiv Iar : « cela fatigue et met les Ukrainiens sous une forte pression mais il y a peu de chance qu’on assiste à quelque chose de décisif comme une grande percée ou une soudaine effondrement du front. »

« Cette percée n’est pas probable mais elle est tout à fait possible et si elle avait lieu, les Ukrainiens ne pourraient probablement pas l’arrêter », s’inquiète le général Desportes, pointant la faiblesse des réserves du côté de Kiev. C’est pourquoi il appelle à soutenir au plus vite l’Ukraine pour « fermer le front ». « De quoi a-t-elle besoin? » Il lui faut des moyens pour renforcer la ligne, c’est-à-dire du béton, des mines, des obus, des armes antichar, antiaériennes et anti-réseaux pour briser les capacités de commandement russes. » « Si le Congrès n’aide pas l’Ukraine, l’Ukraine perdra la guerre », a prévenu dimanche Volodymyr Zelensky pour inciter les élus américains à débloquer les 60 milliards de dollars d’aide promis par Joe Biden.

Notre dossier sur la guerre en Ukraine

Sur la défensive, l’Ukraine peut-elle inverser la tendance ? Pour le général Desportes, il s’agit d’une erreur dans ses priorités : « il ne s’agit pas aujourd’hui d’envisager une contre-attaque ukrainienne qui, d’ailleurs, n’aura probablement jamais lieu. » Michel Goya relie une éventuelle initiative de Kiev à un afflux massif de munitions : « dans une guerre de positions comme celle-ci, si on veut attaquer une position retranchée avec de bonnes chances de la conquérir, il faut neutraliser la défense, et cela traverse une pluie d’obus. » Malheureusement pour les Ukrainiens, ils n’ont pas ces obus. « Pour le moment, les Ukrainiens ne peuvent pas monter une opération offensive à grande échelle », note l’historien. Ils doivent reconstituer leur puissance de feu, mais nous ne savons même pas quand cela sera réellement possible. »

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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