Divertissement

Critique : La Planète des singes : Le Nouveau Royaume, de Wes Ball (La Planète des singes)

Commençons depuis le début. En dépoussiérant le classique de Pierre Boule (et son adaptation par Franklin Schaffner), Origines de la planète des singes portait une promesse assez sans précédent pour un préquelle : il s’agissait moins de revenir à l’essence d’une mythologie que de la remettre en pratique à la lumière des bouleversements techniques que connaissait Hollywood à l’époque. Le singe n’est plus le seul alter ego de l’homme, mais un mutant né du numérique (et incarné par l’incontournable Andy Serkis), mi-animal, mi-humain, conquérant peu à peu son hybridité et, ainsi, sa liberté. De ce postulat, le film tire le spectacle de la naissance d’un regard et d’une intelligence, en plus de formuler une proposition radicalement antispéciste, qui vise à capter quelque chose à partir d’un regard animal, décentré d’un point de vue unique. vision humaine. Le pari, pour le moins audacieux, avait été remporté assez brillamment, sans qu’on sache vraiment à qui l’on devait la paternité d’un tel succès – Rupert Sanders, le réalisateur, n’a jamais confirmé ce galop d’essai –, avant que Matt Reeves ne prenne le relais. et emmène la saga dans une direction moins stimulante. Libéré de ses chaînes, César, le libérateur des singes, a abandonné son horizon révolutionnaire pour devenir un leader éclairé (c’est-à-dire modéré) autant qu’une figure messianique, au risque d’effacer la singularité première de cette nouvelle trilogie. Parce que Origines de la planète des singes destiné quelque part à représenter l’avènement d’un nouveau monde régénéré, d’une Terre après l’Anthropocène qui était presque une utopie, dans un virage à 180° par rapport à la conclusion désespérée du premier film de 1968, hantée par la menace atomique. Après sept ans d’absence, Wes Ball, à qui l’on doit la trilogie Le labyrinthe, reprend là où Matt Reeves s’est arrêté : avec la mort de César et l’ouverture d’un nouveau chapitre. Il suffit de quelques plans pour comprendre pourquoi le réalisateur a été choisi : le film s’ouvre sur des visions d’une ville couverte de verdure qui rappellent explicitement la démo qui l’a fait connaître, le court métrage Ruine. Et le film déroule un imaginaire post-apocalyptique assez défini, toujours teinté de christianisme (le nouveau héros s’appelle Noé et sera responsable d’une petite inondation), dont le seul véritable intérêt réside dans sa manière de renouer avec l’enjeu. d’abord préquelle – comment imaginer un monde après l’humain, où l’humain serait violemment tombé (du moins en apparence) de son piédestal ?

S’il règne, au sein du clan de Noé, un semblant de coexistence avec la nature, voire un socle d’antispécisme rudimentaire – les singes apprivoisent les aigles qu’ils respectent (mais domestiquent les chevaux et réduisent les poissons au rang de seul aliment) – les humains, aussi appelés Les « échos » sont considérés comme une espèce inférieure. Le film tente de sonder cette lacune pour tenter de trouver une voie médiane. De l’ambition initiale de décentrer le regard, il ne reste plus grand chose (une scène, citant celle du Origines où César formule son premier mot, montre cette fois aussi Mae, une jeune humaine que l’on croyait muette, parlant), sinon la mise en scène d’un conflit interspécifique. Mae, sauvée par Noah et poursuivie par la même armée qui a asservi le clan du jeune singe, semble animée d’un sentiment de vengeance et de déclassement : au fond d’elle-même, elle rêve de remonter le temps, à l’époque où les humains régnaient sans partage, quitte à cultivant une certaine ambivalence envers les primates qui lui viennent en aide. Au cours d’une séquence, trois singes pénètrent à l’intérieur d’une base militaire et découvrent, dans une ancienne salle de classe, la réalité du spécisme d’hier, en parcourant un livre pour enfants qui montre des animaux enfermés dans un zoo. Petit frisson : Mae, qui rejoint la bande, est alors filmée comme une figure de l’altérité, tandis qu’un doute traverse ses trois compagnons. Et s’ils étaient du mauvais côté ? Et si l’humanité méritait, une fois pour toutes, de rendre l’âme ?

Le protagoniste est audacieux, mais le film ne fait que le caresser pour le mettre immédiatement à distance : si l’issue confronte les représentants de chaque espèce dans une forme de duel (Mae a même le doigt sur la gâchette), il télescope alors leur trajectoire respective. dans un montage d’égaliseur alternatif. On est loin du renversement originel : comme dans les films de Matt Reeves, La planète des singes : le nouvel empire cherche plutôt à laisser ouverte la possibilité d’une compréhension entre les humains et les singes. Ce faisant, la saga suit une étrange trajectoire, entre un premier volet décrivant à vitesse accélérée une évolution des primates, et ses suites, qui tentent à l’inverse d’entretenir une statu quo. Les vrais mutants, ceux qui souhaitent briser cette immobilité pour emmener les singes dans une autre direction, sont inévitablement diabolisés. Après Koba, un singe à l’intelligence redoutable qui fut l’ancien bras droit de César, la franchise propose un nouvel antagoniste : Proximus, un monarque qui domestique un humain cultivé pour se plonger dans l’Histoire de l’Empire romain et mettre la main sur un  » savoir » (armes, technologies) capables de propulser la « planète des singes » naissante vers de nouveaux sommets. Le personnage, sur le papier assez fascinant, est cependant vite réduit à un pantin avide de pouvoir, même si ses motivations sont pour l’essentiel les mêmes que celles de Mae – asseoir sa suprématie, reprendre le cours frénétique de l’Histoire. Mais l’Anthropocène est dur. Coincée dans une éternelle boucle de face-à-face, où la menace d’affrontement se double de l’espoir d’une harmonie entre espèces intelligentes (les autres peuvent cependant être exploitées à volonté), la franchise effleure l’hypothèse sans vraiment oser franchir le Rubicon. : le vrai méchant est le gamin.

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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