Divertissement

critique d’un Coen en mode solo (et pas drôle)

un homme pas sérieux

Si quelqu’un se demande encore pourquoi les frères Coen ont arrêté de réaliser ensemble, leurs premiers films solo répondront à cette question. En 2021 (sortie début 2022 en France), Joel Coen se lance d’abord avec La tragédie de Macbeth : un film très sérieux et très sérieux, en noir et blanc, léché à l’extrême, et avec des acteurs plus que confirmés (Denzel Washington, Frances McDormand). Ethan Coen n’aurait probablement pas pu le rendre plus différent que Chasser les poupéesune petite farce anodine en forme de road movie comiquequi raconte le parcours de deux amies lesbiennes (Margaret Qualley et Geraldine Viswanatha) à la recherche de sexe et de problèmes.

Sous ses airs de film écrit sur un coin de table et qui n’aurait sans doute jamais été financé sans le nom de Coen, Chasser les poupées cela ressemble cependant à un projet de passion. Développée sur vingt ans, la comédie est en réalité à la fois celui d’Ethan Coen et de sa femme Tricia Cooke. En plus d’être la monteuse du film, comme ceux des frères Coen, elle est productrice, co-scénariste et officieusement co-réalisatrice selon Ethan.

Tout cela est très bien et on est ravi pour eux, d’autant que le film dégage une certaine joie et légèreté. Mais Chasser les poupées c’est tout de même une petite chose incroyablement simple et oubliablequi devient potentiellement tendu malgré sa durée très courte (1h24).

GODE BLESSÉ AMÉRIQUE

Il y a deux gros problèmes dans le blague trop longue et pas assez drôle Chasser les poupées. La première : tout cela a déjà été vu, raconté, moqué et parodié des centaines de fois. La seconde : le film se veut tellement « be cool » que tout devient vite très artificiel et se délecte de la posture un peu facile du petit film décalé et délabré (jusqu’aux effets, transitions et ruptures de style). Ce qui n’est absolument pas le cas, à moins de considérer qu’un running gag fabriqué à partir de godes est un summum du punk en 2024.

Bienvenue au royaume des gangsters capables de tuer de sang-froid, mais aussi de se faire tabasser par Beanie Feldstein, pris pour des taureaux par un groupe d’adolescentes et ridiculisé du début à la fin. Bienvenue également dans le road trip très original de la petite amie sexuellement libérée et aventureuse et de son ami très réservé qui a besoin de se détendrer. Ajoutez à cela l’histoire d’une ex-petite amie un peu en colère, une mallette secrète et une course-poursuite à travers les États-Unis et vous avez toute la recette du Chasser les poupéesCoincé dans un triste film mi-Coen mi-teen. Si c’était quelqu’un d’autre, nous dirions que c’était un sous-Coen. Mais comme c’est Ethan Coen, c’est particulièrement drôle.

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Très bien, très lesbienne

La seule spécificité de Chasser les poupées réside dans son thème queer, comme l’indique le titre alternatif Digues accessibles en voiture (« Dyke » signifiant « digues »). Road movie avec des lesbiennesce n’est pas populaire, surtout avec une histoire qui leur donne la liberté d’exister et de faire du bruit avec leur corps, leurs excès, leurs désirs et donc leur valeur politique à travers l’Amérique (la toute fin, avec la tante).

Évidemment, c’était la note d’intention, et il ne fait aucun doute que c’est très sincère – Tricia Cooke est elle-même lesbienne, elle décrit son mariage avec Ethan Coen comme non traditionnel et elle a co-réalisé le court métrage Ne plaisante pas avec le Texas autour d’une idée similaire.

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Et les actrices jouent le jeu. Margaret Qualley est parfaite dans le rôle le plus simple, Geraldine Viswanathan est excellente dans le rôle le plus difficile et Beanie Feldstein démontre une nouvelle fois son talent (à revoir donc Livre intelligentréalisé par Olivia Wilde, qui partage la thématique queer avec beaucoup plus de finesse et encore plus d’humour).

Mais tout ça ne suffit pas pour faire un film, encore moins un bon film. Peu importe si Pedro Pascal et Matt Damon font des apparitions de luxe, peu importe si la légèreté est assumée et revendiquée. Sans Coen dans l’affaire, Chasser les poupées aurait probablement été gentiment ignoré, comme il se doit.

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Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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