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comment le « gerrymandering », le redécoupage partisan, change le résultat d’une élection

La caricature publiée dans la « Boston Gazette » du 26 mars 1812 qui donne le nom au redécoupage partisan.

Elbridge Gerry (1744-1814) est sans aucun doute le premier gouverneur du Massachusetts à laisser son nom dans l’histoire américaine. Lors des élections de 1812, il fut accusé d’avoir modifié les circonscriptions électorales de son État pour favoriser son camp politique. Là Gazette de Boston publie une caricature pour moquer ce charabia électoral, sous le titre Le Gerry-Mander, portemanteau créé à partir du nom du gouverneur et du mot « salamandre » (salamandre, en anglais), en raison de la forme étrange de la circonscription.

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L’opinion publique est choquée, le gouverneur n’est pas réélu mais le terme charcutage électoral est né. Il s’agit de redessiner les frontières électorales d’un État en confinant les électeurs du camp rival dans le moins de circonscriptions possible, afin de remporter toutes les autres, même avec la plus petite majorité.

Deux siècles plus tard, cette pratique – qui n’est pas réservée aux Américains – pèse toujours lourdement sur la campagne pour les élections du 5 novembre : le redécoupage actuel des circonscriptions devrait favoriser les candidats républicains à la Chambre des représentants.

Un redécoupage tous les dix ans

La Constitution américaine impose un recensement de la population tous les dix ans, qui sert à déterminer le nombre d’élus par État à la Chambre des représentants, avec au moins un élu pour chacun d’eux, même s’il s’agit de très peu de personnes. C’est alors au niveau de chaque État que le pouvoir législatif répartit les circonscriptions électorales, parfois avec l’accord du gouverneur. Et il est tentant pour la majorité au pouvoir de maximiser ses chances de conserver le pouvoir.

Du redécoupage électoral partisan à la mode du « gerrymandering »

Voici une situation dans laquelle nous avons 50 électeurs : 30 voix bleues, 20 voix rouges. Divisons-les en cinq circonscriptions égales de 10 électeurs qui choisiront un élu.

Les cinq petits carrés indiquent la répartition des sièges et surtout la marge du parti arrivé en tête, en points de pourcentage.

Distribution équitable et compacte

Dans cette situation idéale, les circonscriptions sont compactes et répartissent les sièges de manière égale.

Résultat : 2 sièges bleus avec une grande avance, un avec une avance courte, 2 sièges rouges avec une marge importante.

Répartition et marge d’avance des cinq sièges :

Distribution équitable mais polarisée

Avec 5 circonscriptions de 10 électeurs chacune, ce découpage est idéal puisqu’il respecte l’équilibre des opinions de la circonscription mais géographiquement il est très étendu.

Résultat : 3 élus bleus, 2 rouges, chacun avec une avance significative sur l’autre camp.

Répartition et marge d’avance des cinq sièges :

Répartition non représentative

Dans cette région au vote majoritaire « bleu », cette répartition est très injuste car elle élimine toute représentation rouge.

Résultat : 5 sièges bleus remportés de peu, aucun pour les rouges.

Répartition et marge d’avance des cinq sièges :

Répartition asymétrique

Dans cette situation, les circonscriptions ne sont ni géographiquement compactes ni équitables puisque les rouges, minoritaires, l’emportent.

Résultat : 3 sièges rouges avec une courte avance, 2 sièges bleus où presque tous les électeurs sont bleus.

Répartition et marge d’avance des cinq sièges :

Tous les pays n’ont pas cette pratique : le Canada, par exemple, a créé le Bureau du directeur général des élections en 1920, un organisme indépendant et non partisan chargé à la fois de l’organisation des élections et de la division des circonscriptions.

Aux États-Unis, à l’issue du dernier recensement, en 2020, quatorze sièges à la Chambre des représentants étaient répartis : la Californie ou l’État de New York en ont perdu chacun un, le Texas en a gagné deux, la Floride un, etc.

L’exemple frappant de la Caroline du Nord

Certains États ont profité de l’occasion pour redessiner leurs circonscriptions électorales, comme la Caroline du Nord, un État du sud-est où l’écart entre démocrates et républicains dépasse rarement un ou deux points de pourcentage. En 2022, la Cour suprême de l’État, à majorité démocrate, a jugé que le redécoupage avait été effectué de manière trop partisane par les républicains au pouvoir et a proposé une carte alternative, jugée plus juste par le Brennan Center for Justice, une organisation progressiste dédiée aux intérêts publics. politique. Résultat : lors des élections de mi-mandat de 2022, sept démocrates et sept républicains ont été élus à la Chambre des représentants.

En novembre 2022, les deux juges républicains Richard Dietz et Trey Allen ont été élus à la Cour suprême de Caroline du Nord, qui compte sept membres, dont cinq conservateurs proches du Parti républicain. La Cour revient sur des textes existants, comme la fin des discriminations positives dans les universités, et décide d’annuler, en avril 2023, l’arrêt qui consistait à considérer comme inconstitutionnel le fait de redessiner les frontières des circonscriptions législatives de manière partisane. Et si la Chambre fédérale des représentants a tenté de faire adopter le Voting Rights Advancement Act, qui aurait interdit le redécoupage partisan dans tous les États, le Sénat fédéral n’a pas adopté le texte, faute de majorité démocrate.

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Sans tarder, les législateurs républicains au pouvoir en Caroline du Nord ont redessiné à nouveau les circonscriptions électorales, la Cour suprême de l’Etat estimant qu’il s’agit d’un fait politique et qu’elle n’a pas à se prononcer sur le sujet.

Le redécoupage concentre tous les comtés démocrates dans trois districts, et dilue les autres avec des comtés ruraux remportés par les républicains. Cela a pour effet de concentrer le vote démocrate au 4e circonscription avec une marge de +46 points de pourcentage, et de répartir les électeurs démocrates des 5e et 13e des districts redécoupés dans des comtés qui restent républicains avec dix points d’avance. Dans cette configuration, même dans la situation la plus favorable, les démocrates ne pourraient remporter que 4 sièges, contre 10 pour les républicains.

La division partisane fait perdre au moins trois sièges aux démocrates

Ces deux cartes montrent les circonscriptions électorales en vigueur en 2022 et 2024 dans l’État de Caroline du Nord. Sur chacun, nous avons projeté les résultats de l’élection présidentielle de 2020 (49,9% pour Trump contre 48,6% pour Biden dans cet Etat).

Les couleurs représentent l’avance en points de pourcentage selon la circonscription.

Les démocrates savent aussi procéder à des redécoupages qui servent leurs intérêts : en février, l’État de New York a approuvé une nouvelle carte des districts du Congrès, avec des ajustements mineurs mais qui peuvent avoir de fortes conséquences : le district de Syracuse devient plus difficile à conserver pour les républicains et des changements marginaux ont été apportés aux districts swing de Long Island et de la vallée de l’Hudson.

La majorité des États de redécoupage coutumier se trouvent dans le sud, comme le Texas, la Louisiane, la Floride et la Géorgie. C’est même devenu un sujet d’étude : l’Université de Princeton travaille sur un tableau de bord de charcutage électoral.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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