Divertissement

comment la plateforme s’est implantée en France et a transformé les habitudes du public et du secteur

Depuis son lancement il y a dix ans, le 15 septembre 2014, Netflix a infiltré les foyers français sans les quitter. Avec son immense catalogue, le service de streaming a bouleversé les habitudes de consommation des téléspectateurs et les méthodes de travail de l’industrie.

« Alors, on s’appelle par nos prénoms ? » C’est par ce tweet, sur un réseau qui n’était pas encore X, que la plateforme de streaming Netflix s’est présentée au public français, le 2 septembre 2014. Le géant américain est arrivé treize jours plus tard, le 15 septembre. Depuis, Netflix est confortablement installé dans plus de 10 millions de foyers abonnés français et environ 278 millions dans le monde, selon la plateforme.

La petite entreprise californienne, qui a débuté à la fin des années 1990 en louant des DVD en ligne, a imposé un son reconnaissable, « Tudum », et une expression qui est entrée dans le langage courant, « Netflix et détente »ou « se prélasser devant Netflix ». « Est-ce que je regarde Netflix ? C’est comme si on me demandait : « Est-ce que tu as un iPhone ? » »s’amuse l’actrice et réalisatrice Audrey Dana. Netflix est devenu une référence pour le public, changeant les habitudes de consommation et redistribuant les cartes dans le processus créatif.

Au début, cependant, tout n’était pas idyllique. « Quand Netflix est arrivé, il n’y avait pas grand chose, puis tout le monde a voulu monter sa plateforme »note Chloé Delaporte, etEnseignante-chercheuse en socio-économie du cinéma à l’université de Montpellier. Très vite, Amazon, Disney, Apple, Paramount et HBO l’imitent. Même les chaînes traditionnelles françaises suivent la tendance : TF1, France Télévisions et M6 s’adaptent pour lancer Salto en 2020. Une tentative qui échouera trois ans plus tard.

Malgré une concurrence féroce, Netflix reste au sommet de la pyramide. Aujourd’hui, « Nous sommes plus de 40% des foyers français abonnés »mesure avec l’AFP Philippe Bailly, président du cabinet de conseil NPA, expert en transformation digitale des acteurs médias. « Le deuxième est Prime Video (Amazon), à environ 30 %. Et le troisième est Disney+, à près de 20 %. » Cette multiplication n’a, pour l’instant, aucun impact sur son succès. « Je pensais que Netflix souffrirait de cette concurrence, notamment à cause d’un catalogue de films originaux moins riche, observe le scénariste et producteur Grégory Levasseur à franceinfo. Mais Même avec leur propre plateforme, les studios continuent d’alimenter Netflix en leur vendant leur dernière production. »

Avec un catalogue énorme, en constante évolution et à la qualité fluctuante, Netflix a démocratisé le « binge-watching ». En rendant tous les épisodes d’une série disponibles en même temps, il a favorisé les nuits blanches. « Netflix est entré dans la chambre des gens, quand ils sont sous les couvertures, admire Audrey Dana. « C’est très puissant, il y a une telle diversité, je perds beaucoup de temps à choisir un programme. »

La plateforme a permis la redécouverte d’un certain patrimoine. Séries cultes (Perdu, Une fille bavarde, briser le mauvais) et les vieux films y trouvent une seconde vie. Elle a également conquis un public jeune avec des programmes qui leur sont dédiés, et a ouvert « pistes de réflexion sur des questions sociales, comme l’éducation sexuelle, avec Éducation sexuelleou l’intimidation à l’école, avec 13 raisons pour lesquelles« explique Stéphanie Pourquier-Jacquin, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication.

Netflix a remis au goût du jour un certain genre de créations, comme le feuilleton (Plan du coeur) ou le film d’action (Perte de balle 1 et 2, Tyler Rake). Le succès international du film sur le requin qui terrorise Paris – Sous la Seine – avec pluss de 100 millions de vues à travers le monde, comme en témoigne.

« Ce succès monstrueux aurait-il reçu le même accueil au cinéma ? Netflix a libéré le public des inhibitions liées au visionnage de certains types de films. »

Gregory Levasseur, scénariste et producteur

à franceinfo

Le grand public a également pu découvrir que l’offre sérielle et cinématographique ne se limitait pas aux productions américaines et qu’il était possible de se passionner pour une série espagnole (La Casa de Papel), coréen (Jeu de calmar), la monarchie britannique (La Couronne), des documentaires sur la Formule 1 ou des articles d’actualité.

Si Netflix a su capter l’attention du public, il lui fallait également rassurer les acteurs de l’industrie et les pouvoirs publics. Elle devait montrer « patte blanche cinématographique » et défendre la création française, analyse Chloé Delaporte. Pour preuve, laLa plateforme se vante de lancer en moyenne 20 productions originales chaque année, ou investir 250 millions d’euros pour les séries, films et documentaires français, dont 50 millions dédiés au septième art. Ses apports ont permis à l’entreprise d’être mieux lotie dans le nouveau calendrier des médias signé en janvier 2022. Netflix peut désormais diffuser les films quinze mois après leur sortie, les autres plateformes, qui n’ont pas signé l’accord, au bout de dix-sept mois.

Ces investissements massifs ont également multiplié les moyens d’obtenir des financements pour des projets, parfois difficiles à mettre en place pour le cinéma ou les chaînes traditionnelles.Maintenant, il y a deux possibilités : la salle ou les plateformes »note Grégory Levasseur. « Les guichets se sont multipliés, les créateurs et producteurs ne se tournent plus forcément vers Canal+ en premier, c’est une concurrence saine. Les plateformes ont nettoyé le paysage audiovisuel »approuve l’acteur et scénariste Xavier Lacaille.

L’auteur de la série Valide fait partie deune nouvelle génération qui a su trouver sa place. « On a commencé à écrire avec l’arrivée des plateformes, Netflix a ouvert une porte »avouent Nicolas Slomka et Matthieu Rumani, scénaristes de Fiasco Et Entreprise familialeIls louent un « liberté totale de ton » sur le service de streaming.

Ce « La création française en question »selon Stéphanie Pourquier-Jacquin, est parfois couronnée de succès. La série Tapieavec Laurent Laffite, a remporté le Bafta de la meilleure série internationale en mai 2024 aux Bafta TV Awards. Lupin, avec Omar Sy, est entré dans le top 10 des programmes les plus regardés sur la plateforme dans plus de 70 pays, dont les États-Unis.

Devenue un compagnon pour le public et les acteurs du secteur, la plateforme a également démontré qu’elle ne constituait pas un frein à la fréquentation des salles de cinéma. Avec 18,71 millions d’entrées, juillet a été le meilleur mois de juillet depuis 2011 (20,1 millions d’entrées), selon les estimations du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), soit une hausse de 2,2% par rapport à juillet 2023. Mieux encore, en période de Covid, alors que l’industrie était à l’arrêt et les salles fermées, « Netflix a permis de maintenir un lien avec les films et les séries, une cinéphilie et un continuum d’usages »observe Chloé Delaporte.

Pour certains, cette domination a un prix. Audrey Dana regrette parfois un manque de folie et appelle à des créations françaises originales « moins ‘algorithmique’ ». Comme si « nous sommes « en fin de compte, on a toujours proposé la même chose »poursuit Grégory Levasseur. Un constat à tempérer selon Chloé Delaporte, car la plateforme applique les codes qui accompagnent le cinéma depuis ses débuts.

« Netflix veut assurer des profits et doit trouver un équilibre entre répétition, licences, suites, mais aussi innovations. Pour un leader du secteur, répéter ce qui a déjà réussi est une formule qui fonctionne très bien. »

Chloé Delaporte, enseignante-chercheuse en socio-économie du cinéma

à franceinfo

En revanche, Netflix sait imposer sa formule, celle de l’efficacité. « La règle générale est qu’il n’y a pas d’acte 1, détaillent Nicolas Slomka et Matthieu Rumani. « Il faut être en action dès le début. » Car la plateforme sait combien de temps il faut – parfois quelques secondes seulement – ​​à un spectateur pour se faire une opinion sur un contenu et savoir s’il va rester sur sa chaîne. Elle va même jusqu’à former ses scénaristes, qui passent plusieurs jours avec un showrunner américain. « Cela peut standardiser le style, mais pas les genres couverts. »défendre les deux scénaristes.

Dix ans après son arrivée, Netflix est « en place »à l’image de l’acteur Jean-Pascal Zadi, tête d’affiche de la série éponyme. Capable de proposer les plus grandes stars de la planète, la plateforme ne devrait pas changer sa stratégie « glocale » (globale et locale), qui a fait ses preuves. Mais elle navigue désormais dans un marché de plus en plus concurrentiel. « Ils ont ouvert le livrerésument Nicolas Slomka et Matthieu Rumani, mais d’autres veulent aussi écrire leur chapitre. »

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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