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Commander chez Shein, Temu ou AliExpress pourrait bientôt vous coûter plus cher

Taxons davantage les colis de Temu, Shein et AliExpress ! Depuis des mois, les appels à une plus grande réglementation des plateformes chinoises de commerce électronique continuent d’être lancés. Après l’Europe, la France et l’Allemagne, c’est Joe Biden qui a proposé, vendredi 13 septembre, de s’attaquer aux millions de colis qui entrent chaque année aux Etats-Unis sans passer par la douane. Dans le pays, tout colis dont la valeur n’excède pas 800 dollars échappe aux taxes : une faille dans laquelle sont tombés les sites de e-commerce qui proposent en ligne des vêtements et accessoires à bas prix fabriqués en Chine.

Le constat est identique sur le Vieux Continent : Bruxelles s’apprête, comme Washington, à taxer davantage ces plateformes qui vendent des produits très bon marché. En juillet dernier, le Temps Financier a expliqué que l’exécutif européen souhaitait imposer des droits de douane sur les colis provenant des plateformes en ligne chinoises. Il faudrait supprimer le seuil actuel de 150 euros, en dessous duquel les commandes échappent à tout droit de douane en Europe, ont ajouté nos confrères britanniques.

Ces mesures s’inscrivent en fait dans le cadre d’une réforme majeure du droit douanier initiée l’année dernière dans l’Union européenne.

En mai 2023, plusieurs projets de règlements européens ont été publiés en ce sens :

Un système douanier non adapté au e-commerce actuel

La raison de ce vaste projet ? NOTRE  » le modèle douanier n’est (plus) adapté au commerce électronique », Bruxelles l’a expliqué l’année dernière. Lors de la création de ce système, « les marchandises ont été introduites (en Europe) en grandes quantités par transport de marchandises ». Cela explique pourquoi, dans un premier temps, le législateur européen avait choisi d’exonérer des droits de douane les marchandises de faible valeur, afin de ne pas surcharger le travail des agents des douanes.

Mais depuis 1983, la situation a changé. Aujourd’hui,  » des millions de petits envois sont envoyés directement à différents consommateurs. Cependant, les douanes « ne sont pas prêts à faire face à cette augmentation des volumes de marchandises et de déclarations », a précisé la Commission, qui a constaté un « abus systématique du seuil de 150 euros ». «Cette exemption favorise également les opérateurs de commerce électronique de pays tiers par rapport au commerce et aux détaillants traditionnels de l’Union, qui fausse la concurrence », a ajouté l’exécutif européen dans son préambule au projet de règlement.

Selon le Parlement européen, « environ 65 % des expéditions entrant dans l’UE sont délibérément sous-évaluées, ce qui entraîne une perte de revenus importante « . Les expéditions sont même fractionnées pour éviter les droits de douane, a déploré la Commission.

Face à ces constats, il faut « taxer plus lourdement ces produits », plaidait l’an dernier Bruno Le Maire, l’ancien ministre de l’Économie. Outre-Rhin, son homologue allemand, Christian Lindler, a récemment soutenu cette idée, saluant les trois textes en discussion. Pour ces derniers, les forfaits issus de ces plateformes ne devraient plus bénéficier d’avantages fiscaux.

Car selon la Chancellerie allemande interrogée par Reutersc’est cette absence de droits de douane qui a permis à Temu et Shein de proposer des prix nettement inférieurs à ceux de leurs concurrents européens. Ce point de vue est contesté par les deux plateformes. Pour les deux entreprises, expliquent nos confrères, leur succès ne s’explique pas par l’exonération des droits de douane en Europe et aux États-Unis, mais par l’efficacité de leur chaîne d’approvisionnement.

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Autre problème soulevé : le non-respect des normes européennes

Parallèlement au paiement des droits de douane, la Commission européenne, comme certains États membres, souhaiterait également que les sites de commerce électronique respectent les normes européennes, comme les lois relatives à l’environnement, à la sécurité, au travail ou encore à la propriété intellectuelle. Jeudi 26 septembre, plusieurs pays européens comme la France, l’Allemagne, l’Autriche, la Pologne, le Danemark et les Pays-Bas ont envoyé une lettre au Conseil (la représentation des 27 pays de l’UE), rapporte ContexteVendredi 27 septembre.

Leur message : « il est crucial d’obliger les fabricants et les plateformes de commerce électronique – y compris celles de pays tiers – à se conformer aux réglementations européennes applicables. « , notamment pour  » garantir une concurrence loyale et la protection des consommateurs dans l’UE »plaident-ils. Pour ce faire, « lees propositions relatives au secteur du commerce électronique, comme(…) la suppression de l’exonération des droits de douane de 150 EUR, devraient être discutées en priorité », écrivent-ils.

Un peu plus tôt dans le mois, des associations de fabricants européens de jouets, de textiles et d’électronique, ainsi que des ONG de protection de l’environnement, dénonçaient dans un communiqué : l’augmentation des produits non conformes disponibles sur le marché européen via les marketplaces « . Pour ces dernières, les plateformes de e-commerce doivent être responsables de la conformité des produits qu’elles distribuent.

Ces appels sont loin d’être une surprise. Depuis des années, Temu et Shein sont régulièrement pointés du doigt par les médias et les ONG qui décrivent, outre une concurrence déloyale, les conditions de travail déplorables des petites mains des plateformes, le non-respect des normes de sécurité et des droits de propriété intellectuelle, la dangerosité des jouets. ou encore la nocivité des textiles parfois proposés sur ces sites.

En mai dernier, 17 associations européennes, dont l’UFC Que Choisir en France, ont porté plainte contre Temu, accusé de « pratiques manipulatrices ». Selon ces ONG, le marché controversé, sur lequel on trouve aussi bien des produits high-tech que du prêt-à-porter fabriqués en Chine à prix cassés, ne fait pas assez pour protéger les consommateurs. Cela ne respecterait pas les normes européennes, obligatoires pour les entreprises souhaitant commercer sur le Vieux Continent.

L’entreprise qui s’est lancée sur le marché européen en avril 2023 » ne parvient souvent pas à fournir aux consommateurs des informations cruciales sur les vendeurs des produits et est donc incapable d’indiquer si le produit répond aux exigences de l’UE en matière de sécurité des produits », dénonce par exemple le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), dans un communiqué.

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Une réforme loin d’être signée

Pourtant, la réforme européenne, dont l’application est prévue pour 2028, n’est pas près d’être mise en œuvre. Interrogé par 01net.com Jeudi 19 septembre, un attaché de presse du Parlement européen a précisé que le projet de règlement de la Commission avait bien fait l’objet d’un vote préliminaire par l’assemblée en mars dernier. Mais c’est désormais entre les mains du Conseil (la représentation des 27 pays de l’Union européenne) qui doit se mettre d’accord sur une version de ce projet, étape essentielle avant la phase de trilogue, la négociation des trois colégislateurs – le Commission, Parlement et Conseil. Au sein du Conseil, les trois textes ont déjà fait l’objet d’une analyse et d’un débat préliminaires, a rapporté vendredi 20 septembre un responsable de l’UE. Une réunion a eu lieu la semaine dernière à ce sujet, mais selon cette source, cela prendra encore plusieurs mois. avant que le Conseil ne se mette d’accord sur le texte.

Cependant, même si l’adoption de cette réforme prendra du temps, le projet de loi est bel et bien dans les cartons de l’UE. Si l’Europe finit par supprimer ses exonérations de taxes à l’importation et exige des entreprises de commerce électronique qu’elles fournissent davantage d’informations et respectent les lois européennes, les conséquences pour les entreprises chinoises comme Shein, Temu ou AliExpress pourraient être importantes.

Car à côté des nouvelles taxes à payer qui pourraient être répercutées sur les prix proposés, les plateformes devraient s’efforcer de démontrer leur crédibilité sur leur bonne application des normes applicables en Europe (environnement, sécurité, droit du travail, droit de la propriété intellectuelle…). Un vaste chantier, qui pourrait les contraindre à changer de modèle économique.

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Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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