Chez Fayard, le nouveau chapitre du contrôle de Vincent Bolloré s’écrit dans la douleur
Cette journée de printemps aurait pu être une journée comme les autres au siège des Éditions Fayard, au 6e quartier de Paris. Depuis le départ contraint en avril de la directrice générale Isabelle Saporta et en attendant la nomination d’un successeur, la maison avance sans tête, « en autogestion », « en coopérative », disent les salariés.
Mais ce 5 juin, une convocation signe la fin de la récréation. Les voici, à 15 heures, face à Nathalie Jouven, la secrétaire générale de la branche littérature du groupe Hachette (maison mère de Fayard), qui assurait jusqu’alors le rôle de manager de transition. « Eh bien, je voulais vous dire que nous allons avoir un nouveau président. Ou devrais-je plutôt dire un président… Moi aussi, je viens de l’apprendre, je suis aussi surpris que vous. »
« On a entendu « putain » et « oh non ». Certains pleuraient… », dit un jeune éditeur qui a depuis quitté la maison. À plusieurs reprises démenti par la direction, le scénario était redouté depuis le rachat par le patron de Vivendi, Vincent Bolloré, de Lagardère (propriétaire d’Hachette, sixième groupe d’édition mondial). C’est ce jour en passe de se réaliser : Lise Boëll, la rédactrice historique d’Eric Zemmour et Philippe de Villiers, prendra ses fonctions dans les jours qui suivront.
Quatre mois plus tard, le 16 octobre, ce qui n’était encore qu’une rumeur est confirmé par un communiqué : Ce que je recherche, le premier livre du président du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, édité par le commissaire Nicolas Diat, paraîtra le 9 novembre chez Fayard, doté d’un plan média et marketing ambitieux. Tirage à plus de 110 000 exemplaires, promotion soutenue dans les médias du groupe, dont CNews, Europe 1, Le journal du dimanche…
La grande campagne d’affichage dans les gares a été annulée car elle contrevenait aux « principes de neutralité » de la régie publicitaire de la RATP et de la SNCF. Sur son compte Instagram, le premier auteur invite quiconque le souhaite à précommander son livre sur Amazon, une manière évidente de s’émanciper des éventuelles humeurs de libraires indépendants hostiles à l’extrême droite.
Incursion de la politique
Le destin de Fayard est devenu, depuis le départ, en 2022, de la directrice générale Sophie de Closets et son remplacement par Isabelle Saporta (accusée par la maison des auteurs d’allégeance à l’ancien chef de l’Etat Nicolas Sarkozy), un point focal d’observation de la incursion du politique dans le monde de l’édition.
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