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« C’est parce que je suis juif français que j’ai renoncé à mon identité sioniste »

« J’avais forgé le désir de vivre en Israël.  Mais il y a eu un tournant qui a été très important dans ma vie», explique Me Arié Alimi.
Joël SAGET / AFP « J’avais forgé le désir de vivre en Israël. Mais il y a eu un tournant qui a été très important dans ma vie», explique Me Arié Alimi.

Joël SAGET / AFP

« J’avais forgé le désir de vivre en Israël. Mais il y a eu un tournant qui a été très important dans ma vie», explique Me Arié Alimi.

IDENTITÉS – En écrivant Juif, français, de gauche… dans le désordreArié Alimi recherché « purger quelque chose de personnel », mais pas seulement. Pour l’avocat, membre éminent de la Ligue des droits de l’homme (LDH), militant antiraciste, connu pour son combat contre les violences policières, il s’agissait aussi de « susciter un dialogue ».

Celui qui comptait Jean-Luc Mélenchon parmi ses clients, décrit le «explosion du 7 octobre»lorsque les partis politiques qu’il considérait comme « compagnons de combat »notamment le NPA, a tenté de légitimer les attaques du Hamas. « Mon deuil venait à peine de commencer, j’étais sommé de choisir mon camp. Moi qui m’étais toujours efforcé de faire coexister mes identités”écrit-il dans son essai publié par La Découverte.

Au fil des pages, il tente de comprendre son « propres cohérences et incohérences » et de concilier son identité de juif français de gauche, dont la relation avec le sionisme a évolué au fil des années. Proche HuffPostil revient à ça « un enchevêtrement d’identités » Pour « permettre à chacun d’aborder ces questions ».

HuffPost. Vous décrivez dans le livre votre identité comme « Juif de gauche à visage découvert, juif à part, coupé de sa communauté ». Pour vous, être juif et de gauche aujourd’hui, c’est se couper de sa communauté ?

Arié Alimi. À une époque, être juif et de gauche était une évidence, y compris pour les institutions communautaires. Aujourd’hui, c’est de plus en plus difficile. Il y a eu un changement au sein de la communauté juive et l’opinion que ses membres ont des Juifs de gauche est empreinte d’étrangeté et de suspicion.

Pourquoi ça ?

Il existe un discours qui s’appuie sur des choses vraies mais qui est malheureusement totalisant : celui de l’assimilation entre antisémitisme et antisionisme. L’antisionisme, qui signifie beaucoup de choses, est un combat d’extrême gauche et est au cœur de la pensée anti-impérialiste. Le problème est qu’il y a eu une erreur totale. Cependant, s’il est vrai qu’il existe une matrice spécifique d’antisémitisme qui peut émaner des luttes anti-impérialistes et en particulier de l’antisionisme, toute pensée antisioniste n’est pas antisémite.

Vous qualifiez le discours autour de l’antisionisme et de l’antisémitisme de « spirale infernale de contre-vérités ». Que veux-tu dire par là?

Chacun a une définition de ces mots et il existe différentes langues selon les camps. Dans le camp sioniste, le mot sioniste est un mot nécessaire, un mot de survie. Dans le camp antisioniste, c’est une parole de mort, une parole de fascisme. Ce sont deux regards radicalement différents sur le même mot. Le but du livre est d’appeler chacun à revisiter les mots et à en rediscuter.

Si le camp décolonial pouvait comprendre que le sionisme était aussi un mouvement ethnique pour l’autodétermination d’un peuple sans terre, toujours opprimé. Et dire qu’il y avait plusieurs visions du sionisme à l’origine. Si nous pouvions simplement nous dire cela, nous aurions déjà compris qu’il existe un langage commun possible et que nous pouvons travailler sur cette question à l’avenir.

Idem pour l’antisionisme. Si la communauté juive ou d’autres cessait de considérer que l’antisionisme impliquait ipso facto la destruction de l’État d’Israël ou la remise en cause du projet qui consistait à donner aux Juifs un foyer. Ce que ce livre veut encourager, ce sont des pas de côté pour ces camps idéologiques.

Vous avez vous-même vécu une évolution dans votre relation avec le sionisme. Vous parlez dans le livre d’une prise de conscience lors d’un séjour en Israël lors de vos études. Comment est née cette évolution ?

Je suis un enfant juif de Sarcelles qui a eu une éducation extrêmement religieuse. Un enfant juif irrigué politiquement par le sionisme socialiste. Ma vocation était de devenir moi-même Israélienne. Je m’étais forgé le désir de vivre en Israël et de porter cet idéal sioniste. Mais il y a eu un tournant très important dans ma vie. J’allais souvent en Israël et j’adorais prendre le thé au souk de Jérusalem et y rencontrer les gens, notamment les Palestiniens. Et notamment Hadil, avec qui je parlais tous les samedis.

C’est cette rencontre qui a brisé l’idéologie totalisante que j’avais pu avoir, qui m’a montré l’autre face du sionisme, ce qu’il était devenu, quelle était la réalité israélienne. Une réalité qui pouvait certes être confortable pour de nombreux Juifs, mais qui ne l’était pas pour le reste de la population, qui était même une épreuve et un cauchemar. Je n’imaginais plus la possibilité de vivre dans ce pays qui ne portait pas ce qui se créait alors en moi étant étudiant en droit, c’est-à-dire un mélange universel d’humanisme, de liberté, d’égalité. C’est parce que je suis juif français que j’ai renoncé à ce moment-là à mon identité sioniste, car elle ne pouvait plus résonner.

Tu dis aussi dans le livre que tu dénonces « le massacre des Gazaouis, la colonisation de la Cisjordanie (…) en tant qu’homme de gauche, mais aussi en tant que juif ». Pour vous, être juif, c’est devoir dénoncer ce qui se passe aujourd’hui à Gaza ?

Oui, pleinement. Ce qui est fascinant, c’est que le sionisme tel qu’il est devenu a rejeté peut-être les valeurs les plus humanistes du judaïsme. C’est dans le message universel et dans les principes fondamentaux tels que je les ressens du judaïsme que je vois une contradiction fondamentale avec ce qui se fait aujourd’hui à Gaza.

Dans le livre vous évoquez le choc du 7 octobre et notamment la réaction de certaines formations politiques dont vous étiez proche comme le NPA ou LFI, mais aussi de mouvements juifs comme Tsedek ou l’UJFP. Qu’est-ce qui vous a choqué dans leurs réactions ?

Nombreux sont ceux qui interprètent cela comme de l’antisémitisme, je n’irais pas jusque-là. Je parle plutôt d’insensibilité idéologique. Il s’agit par exemple de communiqués de presse, pour certains, qui parlent de « résistance armée », de « processus de lutte armée ». Des textes qui portent un choix politique pour légitimer l’acte. Sauf que cet acte est un meurtre de civils et de masse. Même si la lutte armée est légalement reconnue par le droit international lorsque l’on est occupé, et c’est le cas du peuple palestinien, autant les modalités de mise en œuvre de la lutte armée ne peuvent pas cibler les civils. C’est cet antagonisme que j’ai avec le point de vue des groupes politiques avec lesquels j’ai travaillé.

Evidemment, c’est parce que je suis juif que j’ai été immédiatement sensibilisé et indigné par cette démarche, mais pas seulement. En tant que juriste, je ne peux pas concevoir que cibler des civils puisse être considéré comme une méthode acceptable alors qu’elle est contraire à tous les textes internationaux. La fin ne justifie jamais les moyens.

Vous évoquez également la façon dont l’antisémitisme est devenu un outil de communication politique, notamment pour l’extrême droite…

Il ne faut pas être naïf et ne pas voir que juifs et musulmans, antisémitisme et sionisme, tous ces concepts et ces communautés sont devenus des variables d’ajustement utilisées dans le cadre d’un rapport de force politique et discursif en France. Il n’y a qu’à voir la manière dont l’extrême droite se positionne par rapport à la question de l’antisémitisme, alors même qu’on connaît son histoire et son idéologie. Ou encore, il suffit de voir sur les murs les étoiles de David, réalisées, on le sait désormais, dans le cadre d’une opération des renseignements russes en vue de fracturer la société française, car ils savent que la question de l’antisémitisme est un levier politique fondamental. en France. Mais exprimer clairement qu’il peut y avoir une exploitation politique de l’antisémitisme ne signifie pas qu’il n’y a pas d’antisémitisme ou que l’antisémitisme n’augmente pas. Il y a les deux.

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Cammile Bussière

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