Défense aérienne : M. Lecornu évoque des « travaux accélérés » pour le programme SAMP/T NG

En marge de l’édition 2023 du Salon du Bourget, la France a organisé une « conférence sur la défense aérienne et antimissile en Europe » au cours de laquelle les représentants d’une vingtaine de pays ont pu partager leurs expériences opérationnelles et analyses prospectives dans ce domaine.

Et ce alors que le président Macron avait critiqué l’European Sky Shield Initiative (ESSI), c’est-à-dire le projet de bouclier antimissile européen lancé par l’Allemagne sous l’égide de l’OTAN, parce qu’elle favorisait l’achat partagé d’appareils non européens (avec le exception de l’allemand IRIS-T SLM) au détriment notamment du système franco-italien sol-air moyenne portée/terrestre (SAMP/T ou Mamba).

Depuis, l’ESSI a suscité l’intérêt d’une quinzaine de pays européens (dont la Suisse et l’Autriche, non membres de l’Otan). Disposant de capacités de défense aérienne étendues, la Pologne envisagerait de s’y joindre.

Pour autant, M. Macron ne désarme pas… Le 25 avril, lors d’un discours sur l’Union européenne prononcé à la Sorbonne, il remet ce sujet sur la table en proposant de « construire » une « initiative européenne de défense », qui « doit avant tout être un concept stratégique » à partir duquel naîtront des « capacités pertinentes ».

Puis, dans un entretien accordé aux « jeunes Européens » et publié deux jours plus tard, M. Macron s’est dit prêt à ouvrir le débat sur le rôle de la dissuasion française dans la défense européenne.

« Je suis favorable à l’ouverture de ce débat qui doit donc inclure la défense antimissile, les tirs d’armes à longue portée, les armes nucléaires pour ceux qui les possèdent ou qui ont des armes nucléaires américaines sur leur sol. (…) Mettons tout sur la table et regardons de manière crédible ce qui nous protège réellement», a déclaré le locataire de l’Élysée.

« Cela peut signifier déployer des boucliers anti-missiles, mais nous devons être sûrs qu’ils bloquent tous les missiles et dissuadent le recours à l’énergie nucléaire » car « être crédible signifie aussi avoir des missiles à longue portée qui dissuaderaient les Russes », a-t-il poursuivi. Et d’ajouter : « Il y a l’arme nucléaire : la doctrine française est qu’on peut l’utiliser lorsque nos intérêts vitaux sont menacés. J’ai déjà dit qu’il y avait une dimension européenne à ces intérêts vitaux, sans les détailler, car cette dissuasion contribuerait à la crédibilité de la défense européenne. »

Reste à savoir comment ces propositions seront accueillies par les pays membres de l’UE (ainsi qu’en France)… En attendant, à l’issue d’une rencontre avec Guido Crosetto, son homologue italien, ce 29 avril, à Calvi, le ministre de des Armées, Sébastien Lecornu, a une nouvelle fois insisté sur le SAMP/T dont une nouvelle version – baptisée SAMP/T NG – entrera prochainement en service.

« Le sommet que nous avons organisé en marge du (Salon aéronautique du) Bourget nous a permis d’aborder tous les sujets de défense du ciel en Europe » qui ne se limite pas à la défense sol-air  » mais aussi à l’aviation de chasse.  » (…) Là aussi, il y a une vraie réflexion à mener, notamment (…) autour de la nouvelle génération SAMP/T, qui est une véritable rupture technologique pour l’avenir », a déclaré M. Lecornu.

« Je ne veux pas trop en dire mais cela pourrait effectivement faire l’objet d’un travail conjoint accéléré (avec l’Italie, ndlr) pour répondre également au besoin qu’ont nos différents partenaires européens de renforcer la protection de leur ciel en le faisant. avec des équipements européens, en l’occurrence franco-italiens, ce qui semble aller dans le bon sens », a conclu le ministre français à ce sujet.

Pour rappel, la production du SAMP/T NG a été lancée par la France et l’Italie en février 2023, à travers l’Organisation commune de coopération en matière d’armement (OCCAr). Développé par le consortium Eurosam (MBDA et Thales), il s’appuie notamment sur le missile intercepteur ASTER 30 Block 1NT, équipé d’un nouvel autodirecteur en bande Ka et capable d’intercepter des missiles d’une portée de 1000 km. La version française fonctionnera avec le radar Ground Fire 300 de Thales (qui remplacera l’Arabel) tandis que celle destinée aux forces transalpines utilisera le Kronos GM HP proposé par Leonardo.

Selon la loi de programmation militaire (LPM) 2024-30, l’armée de l’air et de l’espace (AAE) disposera de huit SAMP/T NG avant 2030, et quatre autres seront livrés ultérieurement. Le premier système lui sera livré au plus tard en 2027.

En attendant, compte tenu des récents engagements opérationnels et des livraisons à l’Ukraine, l’urgence est de produire davantage de missiles intercepteurs Aster 15 et 30. Il a donc été décidé d’ouvrir une deuxième ligne de production en Italie et, d’autre part, française, pour accélérer la cadence.

« J’ai mobilisé pour la première fois des pouvoirs de police administrative, ce qui permet de prioriser un certain nombre de sous-traitants, où les commandes civiles doivent désormais passer au second plan, après les commandes militaires, pour bénéficier de cette priorité pour la gamme Aster », a annoncé M. .Lecornu. L’objectif est de réduire le délai de fabrication de ces munitions « complexes » de 42 à moins de 18 mois en 2026 et d’augmenter la production de 50 %.

Par ailleurs, la visite de M. Crosetto en Corse a été principalement motivée par la signature d’une lettre d’intention visant à créer un pôle industriel franco-italien dans le domaine de l’armement terrestre. L’objectif, a expliqué le ministre transalpin, est de « faire converger les meilleures entreprises » des deux pays « car nous aurons besoin d’investissements importants pour suivre les évolutions technologiques ».

« Le pôle industriel terrestre européen, qui naîtra de cet accord entre MM. Crosetto et Lecornu, visent à renforcer la coopération industrielle et les capacités de défense de l’Europe grâce au développement conjoint de nouvelles plates-formes terrestres. Cette alliance stratégique permettra la mise en œuvre de collaborations entre les nations européennes à travers le renforcement des bases industrielles et le développement de la future génération de plates-formes, dont le MGCS (Main Ground Combat System) », a ajouté le ministère italien de la Défense. .