« Ce sont les deux poumons industriels qui disparaissent »
L’entreprise est située route de la Paix, mais sur place, le décor n’est plus paisible. Un mannequin de fortune, vêtu d’une combinaison blanche, est suspendu par le cou à une pancarte à l’entrée de l’usine, avec une écriture en majuscules sur la poitrine. « Des salariés français sacrifiés ». Derrière lui, des banderoles sont accrochées aux portes : « 85 familles à la rue » Ou « Désert industriel des Andelys »… L’entreprise normande Europhane, qui fabrique depuis plus d’un demi-siècle de l’éclairage public aux Andelys, dans l’Eure, doit fermer ses portes en janvier 2025. Son propriétaire, le groupe autrichien Zumtobel, l’a annoncé le 16 octobre lors d’une comité social extraordinaire.
Ce nouveau plan social dans l’industrie française, après ceux annoncés chez Michelin et ArcelorMittal, a pris tout le monde de court – travailleurs, représentants syndicaux, élus locaux – et menace 85 emplois. La direction d’Europane n’a pas souhaité répondre aux Mondemais selon une source syndicale, Zumtobel, qui réalise un chiffre d’affaires de plus d’un milliard d’euros, a choisi de réorganiser sa production en délocalisant ses usines situées en Autriche et en France vers la Serbie et le Royaume-Uni.
Aux Andelys, les salariés d’Europhane se sont mis en grève pendant trois semaines. « Mais il a fallu reprendre le travail car cela commençait à peser financièrement sur de nombreux salariés »explique Frédéric Galian, le délégué syndical CFDT. Pour ces travailleurs, l’espoir de sauver leur emploi est mort, mais ils se battent pour le montant de leurs indemnités de licenciement. « Nous voulons repartir dignement et obliger la direction à prendre en compte toutes nos années passées ici »confie Frédérique Jullien, pilote de ligne lustre depuis trente-cinq ans chez Europhane. A ses côtés, sa collègue Marie-José Lebray, câbleuse avec vingt-sept ans d’ancienneté, cache difficilement sa colère. « On entend parler des plans sociaux à la télévision, mais ça nous concerne, c’est très violent. Cela nous a été annoncé comme ça, en quelques minutes, sans aucune humanité, boum, c’est fini ! »elle s’étouffe.
« Dumping social »
Une nouvelle réunion entre les syndicats et la direction d’Europhane est prévue jeudi 21 novembre pour tenter de négocier une indemnité de licenciement « supralégale ». « C’est un bras de fer qui commence, mais c’est aussi une épreuve, explique Franck Théroude, délégué syndical CGT. Parmi les 85 salariés qui vont perdre leur emploi, la moyenne d’âge est de 54 ans avec trente et un ans d’ancienneté en moyenne. Autant dire qu’à ces âges-là, il est très difficile de trouver du travail dans le coin. »
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